Je l'ai, enfin, sorti de son étagère et l'ai lu au bord de l'étang à attendre le martin-pêcheur. Je dis enfin car, sur la blogosphère, ce roman a fait sensation.
Sal est l'aînée, sa mère avait dix-sept ans, son père est mort dans un accident automobile peu après sa naissance. Peppa, la seconde est née d'un père nigérien reparti chez lui.
La mère a commencé à avoir de gros problèmes d'alcool que Sal gérait tant bien que mal en cachant les bouteilles. Elle a dû, toute petite enfant, s'occuper de la mère et la soeur. « C'était toujours moi qui m'occupais d'elle quand elle était malade et je lui donnais du Calpol quand elle était bébé et qu'elle faisait ses dents ou qu'elle avait de la fièvre alors que j'avais seulement quatre ans de plus qu'elle mais maman était incapable de faire ces trucs-là pour elle ou pour moi. Des fois parce qu'elle était saoule et des fois parce qu'elle était paniquée et qu'elle se mettait à pleurer quand on était malades ou qu'on s'était fait mal après elle se saoulait et s'endormait. ». Et puis, l'autre salaud est arrivé, Robert, et là, elle n'a plus pu aider sa mère. L'autre lui faisait ingurgiter des bouteilles de vodka, c'était marrant selon lui. Alors, elle a assumé sa soeur... et le salaud qui entrait dans sa chambre en lui faisant promettre de ne rien dire car elle serait envoyée dans un centre et séparée de Peppa. Salaud, mais pas con, enfin pour ça. Bien sûr, il picole également, se shoote, deale, vole… Bref, le beau-père parfait.
C'est lorsqu'il a dit que, maintenant, il s'en prendrait à Peppa que Sal a décidé de le tuer. Avant, elle a acheté tout ce qui leur fallait pour survivre au milieu de la forêt, boussole, couteaux, trousse de premiers secours, médicaments... Elle a étudié à fond le « manuel de survie des forces spéciales », appris certains choses grâce à YouTube (faire du feu, construire une cabane, fabriquer des pièges…), acheté et posé un verrou à l'extérieur de la porte de la chambre de sa mère pour qu'elle ne soit pas accusée, elle aurait été incapable de se souvenir de quoi que ce soit. Tout est planifié, non pas froidement, elle n'en est pas capable, mais calmement, minutieusement.
Ce n'est pas une petite fille, mais un petit animal, une femelle, qui doit se protéger, protéger les siens. Elle agit parce qu'il faut le faire pour la survie.
Le jour venu, les deux enfants partent tranquillement direction la forêt et là, c'est également la femelle qui continue de prendre la direction des affaires. Sal ne sourit jamais, seule Peppa, petit chiot, est capable de la faire rire. Elle est toujours aux aguets, à l'affût, toujours craintive et renfermée, ne veut et ne peut faire confiance à personne « Le rapport disait que j'étais « renfermée, que je paraissais socialement isolée et semblais réticente à nouer de nouvelles amitiés. » Ce qui était vrai. J'étais comme ça. Je le suis toujours. »
Elles construisent une cabane solide, imperméable aux vents et la pluie, se nourrissent de leurs chasses et pêches. de temps à autre, des crises d'angoisse paralyse Sal et il lui faut toute son énergie pour retrouver l'équilibre qui lui, leur permet de survivre.
« Survivre se résume en grande partie à prévoir, prendre le temps de réfléchir, prévoir, essayer de voir ce qui peut mal tourner et imaginer ce qui se passera si les choses changent. »
La rencontre avec une improbable femme des bois va tout changer. Ancienne doctoresse, elle vit un peu plus loin dans une cabane. « Elle avait vraiment l'air d'une sorcière et elle portait un gros châle en tartan autour de la tête à la manière d'une Africaine et son manteau était long et noir. » C'est elle qui va soigner Peppa mordue par un brochet et dont les plaies se sont infectées. Sal va oser poser son gros sac à ses pieds et vont vivre ensemble. Avec elle, elle redevient une jeune fille certes sauvage, mais qui peut espérer déposer son statut de femelle louve pour celui d'humaine, connaître l'empathie, oser faire confiance. Alors, elle peut aller chercher sa mère en cure de désintoxication.
Un long chemin de résilience et de pardon l'attend.
Dans ce livre, les descriptions sur la nature sont superbes. J'étais à côté des deux gamines, à surveiller que le feu ne s'éteigne jamais.
Bien sûr, tout ceci est hautement improbable, mais c'est un joli conte sur fond de mauvais traitements, pauvreté, alcoolisme et abus sexuel.
Très bon premier roman
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