Soudain la forêt me semblait un lieu de désolation. L’existence que l’on menait au village était stupide, bien sûr, mais elle débordait d’énergie. C’était là que vivait Magdaleena, l’objet de mes désirs. Y déménager était sans doute le seul moyen d’échapper à cette odeur de pourriture qui me prenait aux narines. Et pourtant, la seule pensée m’en répugnait. Je n’avais rien à faire dans la forêt, je n’y avais pas d’avenir – mais c’était chez moi. Le village, c’était un autre monde. Et ça, il n’y avait rien à y faire. Je ne pouvais pas reverdir, j’étais une feuille de l’an dernier.
Cette conscience de l’impasse où je me trouvais me plongeait dans le désespoir. Je voulais vivre en forêt, je voulais être auprès de Magdaleena, je voulais avoir des gens autour de moi, je voulais qu’ils ne soient pas bornés et qu’ils sachent la langue des serpents, je voulais que ma vie ait un sens, je ne voulais pas pourrir. Mais tous ces souhaits étaient contradictoires, et je savais bien que pour la plupart ils étaient vains. […] au tout dernier moment, j’avais regagné la forêt, et j’y étais resté. J’avais voyagé dans le temps et j’étais parvenu dans le passé juste avant que la porte ne s’en referme pour toujours. À présent, il ne m’était plus possible d’en revenir : les mots des serpents me tenaient enlacé.
La sottise est plus forte que la sagesse.
Oui, je pourris. Et pas que moi, toi aussi. C'est ta propre odeur que tu sens, malheureux ! Tous autant que nous sommes, nous pourrissons et nous tombons en poussière, d'abord ton oncle, ensuite moi et puis finalement toi. Nous sommes comme des feuilles de l'an dernier qui réapparaissent à la fonte des neiges, toutes brunes et déjà décomposées. Nous sommes d'une saison qui n'a plus cours et notre destin est de nous changer en boue, car la vie reprend et aux branches des arbres pointent de nouveaux bourgeons, tout frais, tout verts. Tu auras beau marcher dans la forêt en te figurant que tu es jeune, que tu as la vie devant toi et que quelque chose d'important t'est destiné - en fait, tu n'est que pourriture, comme moi. Tu pues ! Sens-toi ! Sens-toi bien ! Elle est en toi, la pourriture !
Un jour, j'emboîterai le pas à tous ceux qui m'ont été chers, et nous prendrons la même direction, mais même ainsi, nous ne nous rencontrerons jamais plus - tant cette mer est vaste et tant nous sommes minuscules. p371
C'est ainsi, conclus-je. Tout à une fin. Le dernier homme pourvu de crochets à venin, et qui savait voler par-dessus le marché, est mort aujourd'hui. Dans l'avenir, les gens penseront que de telles choses n'existent que dans les contes de fées.
Pour eux, l'important était de vivre à la manière de leurs ancêtres, comme si le soleil s'était figé dans le ciel sans se coucher ni renaître, comme si la forêt ne s'était pas vidée de ses habitants, comme si le monde n'avait pas changé.
Première ou dernière, c'est strictement la même chose.
Elle était éternelle, elle était et elle demeurerait - et pourtant seul un frêle fil d'araignée la séparait de l'anéantissement final, et ce fil, c'était moi. (...) Après moi, elle disparaîtrait, car ce dont nul ne sait rien, ce que nul n'a vu n'existe plus vraiment.
Bien sûr que c’est le Christ. C’est l’idole des jeunes et mon idole à moi aussi
Super, alors je serai mort en martyr et j’irai tout droit au Royaume des Cieux, et je m’assiérai à la droite du Fils. C’est un grand honneur d’être un martyr, on écrit des livres sur vous et on met votre image dans les églises. Imagine, petit père, que ton fils devienne un martyr