C'est encore un livre très fort que nous propose les éditions du Rouergue dans sa collection "Varia+"destinée aux adolescents. J'avais beaucoup aimé des mêmes auteurs et illustrateurs, Frisson de Fille, alors il fallait que j'ouvre celui là au plus vite. C'est chose faite!
Et bien c'est une histoire terrible, en image tout du moins, et qui met notre esprit en ébullition et retourne notre émoi.
La narration est centrée et construite autour d'un tableau d'Edgard Tytgat : "Prologue d'un amour brisé",et sa reproduction envahit la quatrième de couverture.
Ce tableau est toujours resté une énigme, avec son titre étonnant par rapport à l'image qu'il propose.
Qu'à cela ne tienne ! Voilà un exercice palpitant pour les auteurs de cet album qui se sont essayés au décryptage, en nous racontant une histoire.
Leur Prélude à un amour brisé nous offre une lecture intelligente et émouvante du tableau qui n'en garde pas moins jalousement ses clés
Un homme et une femme se rencontrent, et laissent l'amour pousser en eux, tout simplement et tout naturellement...
Et puis peu à peu, ils pensent à l'amour chacun de leur côté et ils en rêvent différemment. L'homme pense aux baisers, au banc, aux fleurs et aux oiseaux, la femme est envahie par des images d'intérieur, de murs, de carrelage, d'escalier, ... Devant les avances et l'amour transi et envahissant de l'homme, la femme prend peur et/ou conscience de ce qu'elle ne veut pas
Elle ne veut pas de vie à deux, pas de "à la vie à la mort", pas de toujours. Ils n'ont pas la même vision d'un amour partagé. La rupture est proche.
C'est un album énigmatique, pour une proposition de lecture d'un tableau qui l'est tout autant.
Il parle des zones d'ombres de l'amour entre un homme et une femme. Les images sont violentes et comme cauchemardées, le texte est plus doux et limpide et de ce fait nous apaise un peu.
J'admire le travail réalisé par l'auteur et par l'illustrateur. Ils se sont attaqués à un exercice difficile avec courage et audace, mais bizarrement, ce livre m'a moins emportée que le précédent.
L'apparition du jaune dans les illustrations m'a peut-être gênée. L'ouvrage précédent se limitait au bleu au rouge et au noir et je trouve que cela sied mieux aux traits incisifs d'Isabelle de Kockere. Quatre couleurs permettent moins de force et de recherche. Ou bien est-ce le format, plus petit, qui donne moins d'espace à ces images fortes qui en ont tant besoin?
Bref, c'est un livre à découvrir, à réfléchir, il serait dommage de passer à côté, mais j'ai largement préféré frisson de fille...
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/03/prlude-un-amour-bris-geert-de-kockere.html
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La femme lui avait lâché le bras, l'homme l'attrapa.
La femme se retourna, l'homme aurait voulu aller plus loin.
Mais il n'y avait plus de plus loin.
Ils ne voyaient pas du tout les choses de la même façon.
Le prélude tirait à sa fin,
on raya la suite."
La femme vit les murs
et le carrelage fondre sur elle.
Elle vit un enfant. Puis un deuxième.
Elle trébucha. Dans sa tête.
Elle vit un escalier
qu'il fallait monter et descendre.
Elle tomba. Dans sa tête.
Elle vit un homme qui la priait de,
lui demandait de, promettait de,
qui l'amputait d'une jambe.
"Ils pensaient à leur amour.
Cette immense, cette intense,
cette profonde douceur.
Tellement profonde, se dit l'homme.
Tellement immense, se dit la femme.
Mais tout s'embrouillait dans sa tête :
ne devait-elle pas plutôt s'attendre
à une immense douleur ?"