La conscience, c'est un truc de vivant pour se pourrir la vie. (p.29)
J'eus tout le temps de méditer sur la nature de l'ennui. Pourquoi un mouton qui broute toute la journée ne s'ennuie-t-il pas, et pourquoi me trouvais-je au contraire aux prise avec une impatience jamais apaisée ? Ce n'était pas une question d'intelligence ni d'imagination. Ce n'était pas non plus lié à l'environnement, même si je reconnais volontiers qu'un pré avec ses odeurs, ses textures, ses lumières, ses insectes et ses fleurs, doit générer bien davantage de distraction cognitives qu'une construction de béton éclairée par des néons et diffusant en boucle les mêmes films publicitaires. La différence était encore plus triviale : un mouton n'a pas d'horaires à respecter. Dès que s'évanouit la contrainte du temps, l'ennui n'a plus lieu d'être. On peut se laisser aller dans le flux du présent, aussi monotone soit-il.
De quel droit nous autres intellectuels imposerions-nous notre vision de la vie au reste de l'humanité? (p.67)
La torture éternelle, ce n’était pas la chaux et les pinces, mais un salon d’attente avec sièges inclinables. (p.46)
On ne s'ennuie pas quand le corps est en mouvement. (p.35)
Qui a jamais pu croire qu'un organisme épuisé par les coliques fût susceptible de la moindre sagesse? On voit bien que toutes les platitudes sur la mort ont été répandues par des vivants. (p.8)
Je fonçais avec une belle détermination dans le néant qu'était devenue mon existence.
La connexion entre les électrodes et la puce me permettait de régler tous mes achats de manière automatique. Par exemple, si je désirais un pain au chocolat, je n'avais qu'à entrer dans une boulangerie pour être servi et débité, sans avoir besoin d'échanger un seul mot. Le même fonctionnement s'appliquait aux salons de massage; à la moindre érection, je me rendais, ou plutôt j'étais conduis, ou plutôt je me retrouvais dans les bras d'une Rouge qui me donnait tous les plaisirs qui me traversaient l'esprit. C'était la fin des malentendus, des lenteurs, des frictions, de tous ces résidus d'humanité que nous autres économistes appelons « coûts de transaction ». Je ne pouvais m'empêcher de penser que j'évoluais désormais dans un marché pur et parfait.