L'exilé

l'exilé nous vient du nord , d'une maison d'édition néerlandaise appelé Scratch Books et de l'imaginaire d'un dessinateur fort apprécie aux Pays-Bas, Mr. Erik Kriek.
Sans transition, pour qui aime l'univers et L Histoire des Vikings, je recommande chaleureusement ce fabuleux roman graphique qui parle de vengeance, qui possède l'étoffe d'une tragédie shakespearienne tout en étant aussi un regard dépourvu de clichés sur ces hommes du nord trop vite catalogués comme barbares.
La bd d'Erik Kriek reste tout de même un roman graphique très minéral. Les couleurs sont froides, le contraste permanent entre les différentes luminosités de noir et de blanc est uniquement rompu par un rouge-sang halluciné et tourmenté.
La beauté de ce titre réside dans une austérité enivrante qui s'harmonise parfaitement avec la rudesse de l'intrigue et du climat islandais. C'est un titre pourvu d'une certaine force qui rappelle parfois la magistrale oeuvre de Jérémie Moreau "La saga de Grimmr" même si graphiquement, j'ai préféré le style de Jérémie Moreau, plus spectaculaire... le titre d'Erik Kriek est donc plus "minéral", plus ancré et figé dans la réalité d'une terre en pleine métamorphose.

Ce que j'ai particulièrement aimé dans cet album, c'est le visage d'un antihéros , d'un mercenaire déchue qui à la suite de ses années de bannissements est las de toute cette violence et cherche à se reposer. C'est un héros de la fatalité dont la destinée est narrée magistralement par Erik Kriek. On dévore cette fatalité greffée en plein coeur d'une Islande secrète, pauvre et mystérieuse dans laquelle se côtoie des querelles pour des possessions de terres, l'émergence du christianisme ou encore la tradition de la sorcellerie runique. Cet album met à bas tous les clichés qu'on peut avoir sur les vikings ou plus généralement sur les northmen de l'Histoire en présentant un guerrier qui n'aspire qu'à la paix mais qui demeure aussi tourmenté par ses violences passées. C'est d'ailleurs dans ses moments de tourmentes que la bd d'Eric Krieg révèle toute sa force avec l'emploi d'un rouge-sang assez vif qui fait aussi office de couleur révélatrice , presque divine. Cela permet aussi de trancher avec l'austérité glaciale du titre. L'intrigue est une puissante tragédie qui a aussi un petit côté western avec des confrontations tout en menaces et gestes lourds de conséquences. Je regrette qu'Eric Kriek se montre un peu raide dans les scènes de combats qui manquent de finesse et de chorégraphie. Toujours est t'il que d'un point de vue narratif, c'est un album qui se suit aisément. On s'y retrouve assez facilement dans cette galerie de personnages. D'ailleurs, cela est aussi due à cette présentation en double-page des différents acteurs et actrices de cette tragédie qui permet au lecteur de s'y retrouver. Anspach, la maison d'édition, a également fourni un très bon travail éditoriale avec une jolie couv' mettant en valeur le viking déchu et un format solide orné d'un dos toilé.

l'exilé est une tragédie graphique entraînante et puissante porté par le souffle d'une Histoire dépourvu de clichés. Certes, la colorisation assez froide et parfois austère du titre ne séduira pas tous les lecteurs, de même la gestuelle des personnages manque de fluidité mais toujours est t-il que cet album est à découvrir que ce soit pour les friands d'histoires scandinaves ou simplement pour découvrir le travail d'Erik Kriek qui signe sans doute ici une tragédie entre écume et rage parfaitement aboutie.

Islande, Xe siècle.
Hallstein Thordsson revient sur sa terre natale après un exil de sept ans pour le meurtre d'un ami d'enfance. Accompagné de ses fidèles compagnons Bjarki et « le Finnois », Hallstein n'aspire qu'à la tranquillité de la vie de fermier auprès de sa belle-mère et de son demi-frère. Cependant, son retour va raviver d'anciennes blessures ainsi que le désir de vengeance d'Einar, frère de la victime de Hallstein ; ce dernier comprendra vite que ce qui l'attend n'est pas un havre de paix, mais une chasse à l'homme.

Au premier coup d'oeil, la superbe couverture plante le décor ainsi que l'ambiance brumeuse qui subsistera une fois l'album refermé. le contraste des encrages et entre les deux trios de couleurs (noir/blanc/gris et noir/blanc/rouge) représente parfaitement le climat rugueux, froid et sauvage dans lequel se déroule l'intrigue.

Ce roman graphique se situe à mi-chemin entre western version scandinave et drame aux accents shakespeariens, loin du manichéisme et des clichés qui entourent souvent les vikings. Ici, les vikings ne sont pas des guerriers assoiffées de sang, mais des fermiers, pêcheurs, artisans... Les locaux et leur quotidien sont authentiques, simples, jusqu'au retour bouleversant de « l'exilé ».

"l'exilé" c'est l'histoire d'un homme, Hallstein, bannit d'Islande pour avoir assassiné un ami, qui revient au pays après avoir purgé sa peine, mais c'est aussi l'histoire des familles gravitant autour de ce drame. Il est dans un premier temps possible de s'y perdre parmi les nombreux protagonistes de cette saga, mais chacun y trouve sa place et sa raison d'être. Nous n'avons pas ici à faire à un récit héroïque ou fantastique, mais bien une histoire à échelle humaine où la haine, la rancune et la jalousie sont autant de maux pouvant briser des familles.

Ce roman graphique nous transporte au coeur d'un pays hostile, où la loi du clan est plus importante que tout. Une histoire forte porté par un dessin somptueux, tout en nuance de bleu/gris et de noir... ponctué de temps en temps de rouge.

Ce récit se passe en Islande à l'époque charnière de l'arrivée du christianisme. C'est une histoire de familles, d'héritage, de fils prodigue qui revient après un bannissement de sept ans, il revient, retrouve sa mère encore jeune, celle-ci est harcelée par ses voisins, qui verrait bien un mariage forcé entre les deux clans, pour pouvoir récupérer ses terres.
Le graphisme est fait de grandes surface de noirs imposants, quelques couleurs en applats, gris reposants, ocres rouges agressifs, rarement plus d'une couleur en plus du noir par page, comme des bichromies, cette forte présence du noir renforce la dureté du climat, du mode de vie, des traditions, des lois, de l'économie. L'ambiance est très réussie, mais je suis un peu moins séduit par l'intrigue : une histoire de rancoeur, de vengeance, qui pourrait tout à fait se situer dans un autre contexte, comme un western par exemple, et les lois et la structure sociale sont un peu compliquées à assimiler, le fait qu'on confonde parfois les personnage ne facilite pas la compréhension, ma lecture a été hachée, hésitante, et l'intrigue ne m'a pas soulevé autant que le contexte me laisser espérer. Une légère déception au final.

Jolie nouvelle graphique que celle ici commise par cet auteur néerlandais que je n'avais pas le plaisir de connaître jusqu'alors.
Cette intrigue classique du banni de retour sur ses terres natales et de la vendetta familiale qu'il entraîne est ici enrichie de multiples références à la culture médiévale islandaise, sur laquelle l'auteur s'est largement documenté.
Il annexe d'ailleurs une petite bibliographie et un glossaire des termes d'époque qui sont fort bienvenus.
La bichromie utilisée renforce l'impression de rudesse du climat et des hommes, et l'immersion du lecteur dans ce cadre austère, dont le charme rural mais guerrier saura le dépayser.