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Critique de Denis_76


Kundera évoque Nietzsche enlaçant le cheval qu'un cocher fouettait, et ceci de façon très émouvante . D'après lui, sa folie vient de ce "divorce d'avec l'humanité"par écoeurement. Je sens les deux hommes proches, sur ce point de vue.
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Je suis très sensible à cet essai-roman, mais la première moitié me laisse un goût amer. En effet, comme Boileau, je pense que " Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement," mais là, ça me parait fouillis, ça part dans tous les sens, c'est compliqué, ou plutôt c'est un système complexe : au départ, nous avons deux couples, mais on est en 68, et ils pratiquent plus ou moins l'amour libre, d'autres personnages viennent donc se greffer.. Or, nous sommes à Prague, et les chars russes envahissent la ville, la politique vient se greffer là-dessus, la police russe, mais aussi Robespierre, mais aussi Freud, la Genèse, Moïse, Oedipe et Sophocle, Platon, Parménide, Descartes, Beethoven, le massacre cambodgien et les BHL de l'époque qui veulent se faire mousser sur un événement cruel...
MAIS....
Dans ce fourre-tout, j'ai trouvé, à travers une sorte de roman d'amours au pluriel, de splendides analyses sociétales appuyées sur de belles références, mais aussi un solide vécu, puisque Milan Kundera a dû fuir son pays sous la pression de l'URSS : il sait de quoi il parle, et sans doute qu'il peut délivrer, dans ce livre sorti à sa naturalisation française, des messages non diffusés dans la presse tchèque de l'époque.
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On peut entamer cette critique par les esquisses des personnages : Tomas-sa femme-Simon, Tereza, Sabina... Franz-Marie-Claude, Marie-Anne, Sabina encore, l'étudiante... Chaque lecteur peut rattacher une de ses connaissances à un personnage. Mais en fait, l'auteur montre que le plus intéressant est Karenine, non pas le mari d'Anna Karenine, mais le chien de Tomas et Tereza.
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Pourquoi ?
Justement, à cause de la philosophie de Milan Kundera.
Donc, je vais essayer d'évoquer, dans cette critique, quelques aspects philosophiques du livre, livre tellement entropique qu'il en est presque trop riche malgré ses 460 pages.
Il y a d'abord l'insoutenable légèreté de l'être. Qu'est ce que ça veut dire ? j'ai mis du temps à comprendre, mais je pense qu'il s'agit de l'inconséquence et de la non-empathie des gens, tout le système de pensée de l'auteur s'y rattache.
Je vais analyser une dizaine de points.
1- Les mots et les sens sont souvent interprétés à tort : quand Marie-Claire rapatrie son mari, ses pensées sont à l'opposé de ce qu'elle croit. Elle pense ce qui l'arrange, pas forcément la vérité.
L'infidélité des mots et des sens, on le voit aussi chez Saint-Augustin, par exemple.
2 -Doit-on condamner ceux qui ne savaient pas ? Moïse doit-il se crever les yeux parce qu'il ne savait pas qu'il s'unissait à sa mère ? Les communistes tchèques doivent-ils être condamnés, même s'il jurent qu'ils ne savaient pas que les Russes faisaient des atrocités chez eux ? En est-on sûrs ?
3- La vie ne se déroule qu'une seule fois, donc, comment choisir ?...
a ) Je pense qu'en comparant la vie à un jeu de billes sur un plan incliné comme le faisait mon père, en donnant de plus en plus souvent l'impulsion du bon côté quand la bille rencontre un clou, on arrive à peu près où l'on veut au final, en bas du plan incliné.
b) en général, on a plusieurs chances.
Mais bon, il y en a toujours qui se retrouvent dans la m... A ceux-là, je dirais 50/50.
4- Sexe ( Tomas et Sabina ) et amour ( Tomas et Tereza ) sont deux choses différentes. Bien sûr, souvent, pas toujours., et là, la légèreté de l'être Tomas est insoutenable pour Tereza.
5-Tomas doit-il choisir entre le hasard, Tereza, la Moïse apportée dans une corbeille au fil de l'eau, et son travail de chirurgien, qui est la nécessité, sa passion, le "Es muss sein" de Beethoven ?
6- L'homme doit il préférer le progrès linéaire, le "toujours plus" ou le bonheur qui est un rituel en boucle, le désir de répétition ?
7- Lourdeur : comment réagir face au système soviétique lourd qui vous écrase, par un chantage comme si c'était une partie d'échecs ? L'affrontement conduit à la prison ou la mort, il y a aussi la fuite à l'étranger, Tomas et Tereza choisissent une autre solution, un peu du style "aïkido".
8- Légèreté : Paménide choisit la légèreté comme système positif ; Sabina aussi : ça fait souffrir Tomas et Franz, évidemment.
9- le kitsch est synonyme de "mauvais goût", mais pour l'auteur, c'est une dictature du coeur, un épitaphe de l'être entre l'existence et l'oubli, par exemple :

"Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge en 1980 ?
Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune."
C'est d'une insoutenable légèreté.

10- La Genèse, écrite par un homme, donc pas forcément vraie, dit que l'homme règne sur les animaux. A ce titre, Descartes pense que les animaux sont des machines sans âme.
Or, la septième partie du roman est consacrée au chien de Tomas et Tereza, Karenine, et l'auteur, en 50 pages, démontre bien que le chien, l'animal est tout sauf une machine.... D'ailleurs, Karenine me fait penser à notre Chamallow, surtout quand le chien te regarde ainsi :

"Ce n'était pas un regard désespéré ou triste, non.C'était un regard d'une effrayante , d'une insoutenable confiance. Ce regard était une question avide."
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