AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eric75


Berlin, 1930, trois ans avant la fin de la République de Weimar et l'arrivée d'Hitler au pouvoir. le commissaire Gereon Rath, incontrôlable aux yeux de sa hiérarchie, enquête avec ses méthodes borderline bien à lui et arrondit ses fins de mois en acceptant sans rechigner des missions d'ordre privé, flirtant avec le conflit d'intérêt. On pense immédiatement à Bernard Gunther, le flic berlinois iconoclaste de Philip Kerr, alternant au gré des romans les rôles de commissaire et de détective privé (cf. La Trilogie Berlinoise). Même lieu, même époque, même ambiance.
Brièvement esquissée, la toile de fond historique est cependant peu exploitée. Les nazis et les communistes sont évoqués comme deux partis d'opposition, extrémistes et minoritaires, à renvoyer dos à dos et à surveiller lors des manifestations. le chômage frappe durement après la crise de 29, mais les usines Ford embauchent et l'industrie du cinéma allemand, l'une des meilleures au monde, est en plein essor. le modèle américain semble avoir le vent en poupe : Gereon Rath roule en Buick et écoute du jazz de la Nouvelle Orléans.
Certes, nous sommes en 1930, personne ne peut encore prévoir l'ascension d'Hitler et l'arrivée de la barbarie nazie, semble nous dire Volker Kutscher. Les citoyens allemands, du magnat au concierge d'immeuble, du flic au voyou, sont des êtres policés et extrêmement courtois, tout juste laisse-t-on échapper ça et là le mot juif dans une saute d'humeur. le seul personnage dangereux de l'histoire est un malade mental assassinant les actrices et qui se fera justice lui-même !
Il sera donc intéressant de voir l'évolution des personnages dans les prochains romans. En 1933, qui se ralliera aux thèses hitlériennes ?
Dans ce deuxième roman situé en 1930, les personnages récurrents sont installés : Gereon Rath, son père, son copain, sa petite amie, ses supérieurs, ses collègues et ses sources. Les 667 pages de la Mort muette sont émaillées de références au Poisson mouillé, premier roman de Volker Kutscher. L'idéal serait de lire en premier celui-ci, susceptible d'éclairer certains comportements. La trajectoire de Gereon Rath est en effet dictée par ses amitiés et ses inimitiés, il n'hésite pas à larguer sa petite amie, à tenter de récupérer la précédente, à négliger les ordres de ses supérieurs, à envoyer l'un de ses collègues au tapis, à divulguer des informations à la presse, à cacher certains éléments de l'enquête, à copiner avec les suspects, à utiliser ses relations maffieuses, et contre toute attente, à adopter un chien pour tromper sa solitude. Gereon Rath est un personnage complexe. Tout ceci m'incite donc à lire prochainement le poisson mouillé (depuis hier dans ma PAL).
L'intrigue policière de la mort muette est classique et sans réelles surprises. Tueur en série, chapitres intermédiaires dédiés au criminel, enquête poussive et minutieuse. L'enquête évoluant dans le milieu du cinéma qui aborde son passage du muet au parlant, on pourra regretter l'absence de références aux maîtres allemands des années 20 (Fritz Lang, Murnau, Pabst) qui ont inévitablement marqué cette époque. Volker Kutscher choisit de nous dévoiler l'identité de l'assassin à mi-parcours, donnant ainsi un avantage inutile au lecteur, revendiquant peut-être un style plus mankellien qu'agatha-christien (si j'ose dire) et favorisant le poids de l'ambiance à la profondeur du mystère. Lorsque le rythme s'accélère enfin, dans les toutes dernières pages, Gereon est curieusement mis hors circuit et ne peut participer au dénouement final qui lui sera raconté sur son lit d'hôpital, parachevant ainsi son image d'antihéros non conventionnel.
Malgré une intrigue plutôt faiblarde dans un pourtant volumineux polar, on parvient facilement au bout du récit, avec l'envie d'en savoir plus sur les réactions et l'avenir des différents protagonistes, car ceux-ci seront bientôt confrontés (peut-être dès le prochain roman) à la montée du nazisme et à la seconde guerre mondiale. Auteur et série à suivre, donc.
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}