Dieu est-il fanatique? On sait que les textes sacrés disent tout et le contraire. On leur fait dire n'importe quoi selon les besoins d'une époque. On souligne aujourd'hui que Dieu est d'abord amour. Celui qui aime, celui qui pardonne; le clément et le miséricordieux. Mais il est aussi et surtout l'Absolu. Dans les prières, on évoque toujours sa toute-puissance. Il est le Commencement et la Fin, le Créateur, il dispose seul de la source du pouvoir et de la légitimité. (...)
Or, depuis la fin du XXe siècle, le moins que l'on puisse dire de la toute-puissance du Créateur, c'est qu'elle ne s'est pas toujours exercée à bon escient. Et quand j'observe que ce sont les victimes de la Shoah qui se sont le plus rapprochés de Celui sans qui rien ne peut exister en ce monde, j'ai plutôt les réflexes de Job le révolté et de Jonas le rebelle.
Dieu n'est pas fanatique, il l'est rarement, du moins quand il parle. Par exemple, lorsqu'il détourne Abraham d'un sacrifice humain; lorsqu'il édicte les dix commandements; ou lorsque, revenant sur certaines de ses menaces, il déclare, par la voix d'Ezechiel, que les fils des pères qui ont mangé des raisins verts n'auront pas les dents agacées. Il n'est pas fanatique quand, par la voix de Jésus, il condamne la lapidation des femmes adultères ou que, selon saint Jean, il adjure chacun de suspendre tout jugement? Il ne l'est pas lorsqu'il sermonne Mahomet sur le pardon et qu'il corrige l'inégalité par l'obligation de l'aumône. Autrement dit, il n'est pas fanatique quand il monnaye dans le relatif l'Absolu qu'il incarne. Il révèle. Et sa Révélation, quand elle se manifeste, corrige ce qui l'a précédée: elle se déploie donc bien dans le temps. Mais la difficulté vient d'un ailleurs qui n'est nulle part.
Ce sont alors les croyants qui peuvent devenir fanatiques quand ils transforment la société où s'est manifestée la Révélation en un Commencement immuable, éternel et universel, en dehors de l'espace et du temps. Et quand, sous prétexte de mortification, de rachat ou de communion, ils prétendent revenir à cette société idéalisée. au lieu de considérer la Révélation comme une création continue, ils la figent dans un instant à jamais immobile et, contre l'esprit, ils brandissent la lettre. Autrement dit, parce qu'il faut tout de même faire leur part aux langages de la mécréance et aux rites de l'incroyance, on ne peut ignorer l'intervention du Temps.
Tout se passe comme si les croyants s'étaient inventés un Dieu qui exprime leurs caprices et leurs contradictions. Alors Dieu est-il fanatique? La réponse est: oui. Il peut l'être, tout comme celui des croyants qui l'ont crée et qui le réinventent. Les juifs et les chrétiens ont été fanatiques, et il ne faut surtout pas qu'ils l'oublient. Mais aujourd'hui, il se trouve que l'Islam s'installe de plus en plus dans un islamisme qui impose le fanatisme.
Dans un petit livre noir qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, Michel Houellebecq revient sur deux polémiques dont il a fait l'objet. Que nous apprennent ces quelques mois dans la vie de l'écrivain ? Est-il le miroir de notre époque ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit :
Elisabeth Philippe, critique littéraire à L Obs
François Krug, journaliste au Monde
Alexandre Gefen, directeur de recherche en littérature au CNRS
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