Ah!
La Fontaine!
Un miracle à lui tout seul, dans ce siècle classique où toute la
poésie, si joyeusement baroque, encore toute vivifiée par les trouvailles de la Pléiade, a été brutalement émasculée par l'affreux
Boileau et ses grands ciseaux.
Mais
La Fontaine a résisté!
Comme il a résisté aux sirènes de la Cour et aux trompettes du Roi Soleil qui lui intimaient l'ordre de venir faire le larbin à Versailles...Comme il a résisté au regard de méfiance et de mépris jeté par les classiques sur la nature, lui qui l'aimait tant. Comme il a tenu à donner aux hommes des masques d'animaux pour nous dire, parfois vertement, ce qu'il pensait d'eux.
Le seul, avant Rousseau à vanter les charmes délicieux de la solitude, un des seuls, avec
La Bruyère, et avant
Voltaire, à dénoncer les injustices de la justice et l'arrogance des Grands...
Et quel poète! Un vers baladeur, impertinent, impair, souvent -avant , bien avant
Verlaine, et même blanc, parfois..quelle audace!
Il y a un
La Fontaine pour tous les âges: celui qu'on ânonne enfant, avec délice et parfois une certaine incompréhension: " approchez, mes enfants, approchez, je suis sourd, les zanzans sont la cause" . Les zanzans, keséksa, les zanzans, connais pas! Drôle de bêtes, sûrement, les zanzans! doivent être honteuzéconfus, les zanzans, pas de doute!
Un
La Fontaine pour les ados, qui découvrent, en colère, l'injustice et vibrent devant la parodie de procès faite au pauvre âne, dans "Les Animaux malades de la Peste".
Un autre pour l'âge...de raison disons:"Un lièvre en son gîte songeait, car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?" On écoute la jolie petite musique de ses vers, et on rêve à son tour...
Ah,
La Fontaine!