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Critique de Alzie


Le géographe des brindilles c'est l'auteur qui se définit aussi comme un géopoète. Une lecture pour désobéir au temps, s'écarter du bitume et reprendre pied avec le monde « naturel ». Tous les textes de Jacques Lacarrière présents dans ce recueil évoquent la diversité au sens large, renvoient à certain esprit des sciences naturelles d'autrefois, à une poésie cachée du monde dont le sommaire donne un avant-goût (« merveilles du monde » est le titre ultime qui clôt d'ailleurs l'ensemble). Tout parle ici de plantes, d'animaux, d'hommes et de paysages. Rassemblés par sa femme Sylvia Lipa-Lacarrière pour les éditions Hozhoni, ils construisent en cinquante petits chapitres une sorte de géographie pensante et buissonnante, placée sous le signe de l'infime, aux accents de méditation plus universels. Et l'un des premiers d'entre eux, « La Cantate des chemins », révèle l'esprit vagabond et la méthode, pédestre, de cette cartographie insolite livrée aux tracés de hasards et aux pays du singulier géographe. Marcher hors des balises et sans programmation pour faire des «choix infimes mais cruciaux », être face à une « minuscule mais imprenable liberté », comme l'enseigne le poète suisse Gustave Roud à qui Lacarrière rend aussi hommage (Petit traité de la marche en plaine). Issus de sources variées et se faisant parfois suite ou écho se succèdent ainsi poèmes, notes tirées de son journal de la traversée de la France à pied en 1971, lettres, interview à des revues ou journaux et magazines, préface et postface (« Justice pour les crapauds » ; « Animal trop humain »), autant d'écrits concomitant aux publications et traductions très nombreuses de cet écrivain marcheur, disparu en 2005, faisant entendre sa voix réputée de poète autant que celle de l'helléniste passionné que L'été grec (1976) avait fait connaître… Et qui le feront peut-être redécouvrir.

De pages lues dans les branches d'un tilleul - le Village aérien, Jules Verne - Jacques en a donc déduit enfant, avec humour et philosophie, que la vie se feuilletait (« Une forêt de signes », premier texte). La nature, il en fait tout bonnement partie. Cette précision subtile apportée par Gil Jouanard (préface), le lecteur ne l'oubliera pas lorsque l'auteur, s'attachera à lui décrire – au fil d'un sentier, au gré des vents ("L'offertoire des vents" ; "Plaidoyer pour les vents") et des saisons, au milieu d'une futaie (de très belles pages sur la forêt de Tronçais : « Identification d'une forêt »), à propos d'une légende, prêtant attention à une libellule, à « La Mélancolie du géranium », à la science d'un vigneron ou encore égaré dans le Morvan –, quelque menue réalité physique et biologique insoupçonnée. Plus que contempler la nature ou parler aux hommes jacques écrit surtout dans ces pages la fusion des trois règnes, végétal, animal, humain (« Les Métamorphoses »), que lui a inspiré la fréquentation érudite des Anciens oubliée du bipède moderne et dont il se sent et se sait étroitement solidaire depuis l'enfance. « A quoi donc servirait de parcourir le monde si j'ignore tout de la colline qui jouxte ma maison ? Enfant, je voulais déjà inventorier toutes les fleurs, toutes les plantes de mon jardin. En surveiller les moindres insectes. Dénombrer l'infini en somme, le grouillement, énumérer la multitude, apurer la profusion des choses. Il m'est resté de cette époque un goût microscopique pour le monde, la passion de l'infime, le désir de devenir un jour le géographe des brindilles (ouverture).» du Causse Noir à l'île de Spetsai, sa géographie intime qui porte la trace laissée par les vieilles mythologies (« Rééditer la Genèse ») et dissémine tous les pollens du monde (« L'enfant des arganiers ») se fait très épicurienne lorsqu'il se rapproche du village De Sacy en Bourgogne où il s'était installé ("Les Portes d'or" ; "Juste milieu" ; "Alchimie des pierres"). Un hymne a la lenteur et au temps retrouvé qui s'apprécie sans autre espèce de nostalgie que celle de l'anguille ("La nostalgie de l'anguille").
A déconseiller aux bipèdes adultes désabusés.
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