Joseph est
un Coeur simple (sa mère s'appelle Félicité, sa nièce Emma...).
Marie-Hélène Lafon manie d'ailleurs l'indirect libre mieux que
Flaubert, pour évoquer la vie intérieure et les souvenirs de ce garçon de ferme taiseux. Les phases sont donc empruntes de tournures et d'expressions populaires, celles de
Joseph, dans lesquelles on se reconnaît. Si le genre n'était pas aussi connoté, je dirais que
Joseph est un "roman de terroir".
Mais
Joseph n'est pas un garçon sans histoire. Il y l'histoire des fermes dans lesquelles il a travaillé, des familles avec lesquelles il a dîné tous les soirs, des autres ouvriers agricoles qu'il a côtoyés, et surtout des bêtes, chiens, chevaux, vaches, avec lesquels il a "bonne façon".
Il y a son histoire personnelle, pas si facile même si on n'en fait pas toute une
histoire, ses relations avec son frère, sa vie avec sa mère puis son départ pour
Croisset (le village de
Flaubert, près de Rouen), et les amours (même la Françoise de
Proust a été mariée !) qui finissent mal. Et là s'arrête le parallèle avec les servantes du XIX siècle qui ne noient pas leur chagrin dans l'alcool.
L'extraordinaire de ce roman est le récit lui-même, dense, et sensible : qui fait une grande part au corps, aux sensations de
Joseph, lorsqu'il travaille, l'attention qu'il porte aux gestes justes, et aux mots également, ceux des autres. Ce récit, on l'entend dans sa tête, son rythme, ou plutôt on l'entend dans la tête de
Joseph, et je ne suis pas étonnée que Marie-Hélène Barraud l'ait enregistré, comme le signale une autre critique.
Ma première lecture de
Marie-Hélène Lafon, et ce ne sera pas la dernière !