Par l'infaillible instinct le coeur soudain frappé
Ne craint pas de retour, ni de s'être trompé;
On est plein d'un attrait qu'on n'a pas senti naître ;
Avant de se parler on croit se reconnaître;
Pour tous les jours passés on n'a plus qu'un regard;
On regrette, on gémit de s'être vus trop tard;
On est d'accord sur tout avant de se répondre;
L'âme de plus en plus arrive à se confondre.
Adieux à la mer
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.
Que j'aime à flotter sur ton onde,
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au rocher !
Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, Suspendez votre cours ! Laissez nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours !
Aux bords de ton lac enchanté,
Loin des sots préjugés que l'erreur déifie,
Couvert du bouclier de ta philosophie,
Le temps n'emporte rien de ta félicité;
Ton matin fut brillant; et ma jeunesse envie
L'azur calme et serein du beau soir de ta vie !
Ce qu'on appelle nos beaux jours
N'est qu'un éclair brillant dans une nuit d'orage,
Et rien, excepté nos amours,
N'y mérite un regret du sage;
Mais, que dis-je ? on aime à tout âge :
Ce feu durable et doux, dans l'âme renfermé,
Donne plus de chaleur en jetant moins de flamme;
C'est le souffle divin dont tout l'homme est formé,
Il ne s'éteint qu'avec son âme.
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. (L’isolement, Premières méditations poétiques)
Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;
Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour.
Vivez, aimez, c'est la sagesse :
Hors le plaisir et la tendresse,
Tout est mensonge et vanité !
Milly ou la terre sauvage
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?
Adieux à la poésie
Sur cette terre infortunée,
Où tous les yeux versent des pleurs,
Toujours de cyprès couronnée,
La lyre ne nous fut donnée
Que pour endormir nos douleurs
L'automne
Au fond de cette coupe où je buvais la vie
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ?