AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,06

sur 2588 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je craignais d'ouvrir ce livre que j'avais pourtant acheté dès sa sortie en poche. Et ce ne fut pas une lecture facile, j'ai pris mon temps et j'y ai fait quelques pauses.

Pourtant, ce type de bouquin me semble nécessaire surtout que maintenant je sais comment Philippe Lançon s'est dévoilé, tout en pudeur, avec une bonne couche d'érudition pour cacher ce qu'il n'a pas voulu montrer.
Je me suis attachée à l'homme qui se reconstruit, doucement, sans en vouloir à la terre entière mais suffisamment franc pour lever le voile sur certaines de ses peurs.

J'ai éprouvé de la compassion bien entendu, même si sans doute ne voulait-il pas provoquer ce type d'émotion chez les lecteurs. Car il est fier, le journaliste, tout en assumant ses moments de faiblesse. Son regard sur ce qui lui est arrivé, sur les conséquences dans son corps et son coeur, sur son entourage, sur sa vie et la vie en général ne peuvent que forcer l'admiration.
J'ai lu certaines critiques qui lui reprochaient de s'apitoyer sur son sort... Au-delà du fait que ce type de jugement dans un tel contexte est particulièrement déplacé, j'ai justement trouvé qu'il cherchait des échapatoires, dans la littérature principalement mais pas seulement, pour rester ouvert aux autres et au monde.

Si écrire sur la tragédie qui l'a frappé lui a sans doute permis d'exorciser un peu un de ses démons, il a aussi pris le temps d'en faire un bel hommage au personnel soignant et aux forces de protection rapprochée. Et j'ai trouvé ça beau...

Respect, monsieur Lançon !
Commenter  J’apprécie          251
Un récit terrible et d'une incroyable justesse. Sans pathos, sans lourdeur, Philippe Lançon nous conduit au plus près de sa reconstruction physique et mentale après l'attentat terroriste dont il a été une des victimes. Ce face à face avec la douleur est magnifiquement écrit
Commenter  J’apprécie          60
Émouvant, un conte vrai et héroïque , avec des moments drôles malgré tout. Il décrit sans jugement , trouvant des observations édifiantes dans le désespoir de son état. Ça serait un bon lecteur en combinaison avec V13 de Emmanuel Carrière. Les deux sont magnifiques. Trop recommandé !
Commenter  J’apprécie          10
Une vraie claque, un livre qui marque longtemps. Résilience,
courage, convictions, peurs, espoir, regard des autres ————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————
Commenter  J’apprécie          10
Que dire de plus que tout ce qui a déjà été dit sur ce livre ? Simplement qu'il s'agit là d'un récit profondément humain qui ne tombe ni dans l'apitoiement ni dans la violence en retour. Un parcours où l'on découvre un homme confronté au pire et sa lutte pour revenir à la vie.
Commenter  J’apprécie          60
avec la lecture de ce livre, je prends le train un peu en retard. Il m'avait été prêté peu après sa sortie et était resté noyé dans le flot (mal rangé) des livres dans ma bibliothèque. Je ne crois pas au hasard, je pense que je redoutais de l'ouvrir, je me figurais à tort qu'il parlait de la guerre de 14-18 !
Je me suis donc lancée et très vite j'ai été complètement happée par cette lecture qui m'a bouleversée à plusieurs titres. L'écriture est remarquable de finesse d'intelligence et de sensibilité. Il y a aussi un sens de la dérision extraordinaire. Ses propos ont trouvé un résonance en moi qui ai connu "une épreuve " d'une ampleur bien moindre et qui ai du remonter la pente, me reconstruire, revenir. La lecture m'a tellement touchée que mes rêves s'en sont trouvés modifiés, il s'est passé quelque chose dans mon inconscient.
Enfin Philippe Lançon explique en quoi la littérature un moment l'a accompagné, aidé. Quel plus bel hommage que celui-ci.
Je lirai encore Philippe Lançon.
Commenter  J’apprécie          104
Je ne me voyais pas m'y risquer. Il aura fallu toute la confiance que j'ai en Anna, une allusion de Michel au détour de Proust, pour que j'entame la lecture du Lambeau. le hasard aussi de le trouver dans les rayonnages de ma petite librairie car ce n'est pas le genre de livre que je me serais vu emprunter à la bibliothèque, le genre de livre dont j'aurais accepté qu'il ait été touché par d'autres lecteurs avant. Quitte à plonger, autant que je puisse me l'approprier, corner ce qui devait l'être sans déranger personne.

Mes réticences initiales se stratifiaient en zones hétérogènes. Je n'aurais pas voulu être de ces charognards qui se repaissent des restes tuméfiés qu'aurait pu être ce livre. Pas plus que je ne me sentais de ceux qui, la larme à l'oeil, se félicitent à bon compte que tout ne finisse pas si mal puisque Philippe Lançon écrit et qu'eux, ils vont bien. Et puis, appréhender la reconstruction d'un corps qui a été dérobé par une violence ayant transformé la limite en charpie, mes alarmes intérieures en étaient déjà au tocsin.

Une fois à pied d'oeuvre, j'ai fait de la lecture du Lambeau, au moins sur ces deux tiers, quelque chose de religieux au sens étymologique du terme. Acceptant de maintenir le lien entre le récit et ma conscience. Comme il m'est déjà arrivé de vivre en suspens, toute de vigilance concentrée et d'adresse vers ce qui se déroulait pour un être cher loin de moi et sur lequel je n'avais aucune autre prise que celle de l'attention que j'offrais de tout mon être. A la manière de l'épouse d'un des policiers chargés de garder la chambre de Philippe Lançon qui prie pour lui tous les jours. Être là. Offrir cette présence qui ne se dérobe pas. Comme si à ces mots répondaient le regard ferme de tous les lecteurs qui les parcourront et que c'était nécessaire. Pas tant à Philippe Lançon ou à moi qu'aux liens qui nous tiennent tous les uns aux autres.

La dernière partie du Lambeau montre d'ailleurs que son auteur est conscient de ce phénomène qu'il a provoqué. Au moment où il doit quitter les services d'urgence de stomatologie de la Salpetrière après y avoir été pris en charge plus de deux mois, il évoque le patient égoïste qu'il a été, celui qui a pris tout ce qu'on lui offrait sans scrupule, qui s'est appuyé sur le tissu humain des amis et des soignants. Sa chirurgienne, Chloé, le lui dit « Ca n'est jamais arrivé ici, dans ce service, ce mélange de tendresse et de folie que vous inspirez, et c'est pourquoi vous allez devoir partir. (…) Vous avez su trouver votre force ici et c'est bien. Vous avez fait de ce service un nid accueillant et séduisant, tous sont entrés dans ce nid, et vous devez maintenant en sortir pour leur échapper. » Ce n'est pas une condamnation morale de ce qu'il a provoqué qu'il fait ici. Il raconte simplement comment, en ces circonstances, il s'agit de faire feu de tout bois. A ce titre, on peut ajouter la confiance pour les soignants et l'intérêt distancé avec lequel ils instaurent un « c'est comme ça », modeste tuteur bien plus fiable que tout pathos enfiévré.

Racine, Bach, Proust et Valéry (« Ces jours qui semblent vides / Et perdus pour l'univers / Ont des racines avides / Qui travaillent les déserts »), terreau fertile. Bribes qui font trame.

Même l'anémone hallucinatoire, irruption morphinique qui fait palpiter d'épouvante, est de ces images sur lesquelles on peut prendre appui. Une poche d'encre offerte par un défunt. Les trois grands-mères de Philippe Lançon aussi, servant d'escorte à celle de Proust, comme autant de visiteurs venus interposer leur silhouette et leurs mots afin que se greffe dessus une identité ne demandant qu'à se reconstituer. Non dans un combat manichéen et héroïque, mais dans une dignité nécessaire et irrécusable. C'est comme ça.

C'est un livre qui oblige. Comme son narrateur aux mains d'une kiné particulièrement exigeante, on se doit d'être à la hauteur, ne pas se payer de mots, ne pas se dérober non plus. On en conçoit une forme d'orgueil, le même dont se targue Philippe Lançon. Et après tout, pourquoi pas ? On voit aussi tout ce que l'amitié, la chaleur des relations entretenues, le secours de la littérature, de la peinture et de la musique apporte à cette longue marche.

Restent Proust et le passé. Philippe Lançon fait de la lecture de la Recherche, et plus particulièrement de la mort de la grand-mère du narrateur, un rituel précédant ses descentes au bloc opératoire, une sorte de prière. Après la lecture des passages qu'il y consacre, je renouvelle mon hypothèse de le voir se retremper dans le récit d'une expérience irrécusable, à laquelle la grand-mère ne se dérobe pas, à laquelle elle fait face. Pour une reconstruction de la mâchoire à partir de son propre corps il faut au moins ça.

Plus généralement, Lançon voit en Proust « un génie « de la maison », celle des souffrants » mais se trouve très vite agacé « par son pessimisme et sa mise en scène perpétuelle de la solitude, du mensonge et du malentendu. » Alors il lui fait des « vraies petites scènes de ménage muettes. (…) Il me résistait, avec un sourire léger et condescendant, et je continuais à le lire avec une passion intermittente et profonde : l'exaspération nourrissait l'admiration. » Là aussi, je me suis sentie en affinité.

Sur le passé, Philippe Lançon écrit entre autres « On ignore à quel point les lieux où l'on a grandi nous façonnent jusqu'au moment où l'on y retourne comme si l'on était mort. le corps et l'esprit retrouvent l'espace familier, mais ils ont changé. (….) le lieu familier avec ses centaines de microscopiques histoires, ses kilomètres mille fois arpentés, ne vous reconnait plus. » C'est qu'il y a le temps où, en bon général napoléonien, le corps utilise toutes les forces dans la cicatrisation et il n'y a alors pas une once d'énergie à offrir à la nostalgie. C'est aussi que le passé n'existe pas ou alors pour être l'antichambre de la folie, lorsqu'il est indument convoqué (« la boîte à gâteaux ») et qu'il faut, comme Proust, avoir vécu bien peu de choses pour en parler tant (et toc !). Cette convergence de vue m'a enchantée, bien sûr. Elle m'interroge, comme le reste, quant à savoir si elle est le fruit de l'attentat ou d'une complexion de caractère et ce que cette concordance de pensée appelle en moi de causalités alors. En tout état de cause, elle a achevé de rendre ce Lambeau particulièrement précieux à mes yeux de lectrice. Merci donc une nouvelle fois à mes deux amis, Anna et Michel, pour m'y avoir conduite.
Commenter  J’apprécie          3839
La seule façon de comprendre certaines choses est de les mettre par écrit. Peut-être qu'à la fin, il ne sera pas possible de percer complètement le mystère, mais cela éclairera les zones d'ombre qui l'entourent. C'est ce que Philippe Lançon a proposé et réalisé dans ce livre mémorable, mélange de chronique, de mémoire et de grande littérature. Avec une prose simple et un style très épuré, Lançon nous offre dans "Le lambeau" un très vaste portrait de sa vie – de Paris, de la France, du monde – après avoir survécu au terrible attentat contre Charlie Hebdo. le 7 janvier 2015. Ce portrait, qui est nécessairement une reconstruction, est parallèle à d'autres reconstructions : celle de sa mâchoire – fracassée par une balle – et celle de sa nouvelle vie après cette matinée. Car comment est-il possible de vivre après avoir subi un attentat au cours duquel tant de collègues et d'amis ont perdu la vie ? Que signifie continuer à vivre quand on a été en enfer sur terre ? N'est-ce pas aussi une condamnation ?


Avec un ton mesuré, plein de réflexions sur le temps qui passe, sur les personnes que nous étions et celles que nous serons, Philippe Lançon dresse une merveilleuse cartographie émotionnelle de l'individu vulnérable de nos jours. Sans reculer devant la cruauté de l'événement, il se concentre sur les événements quotidiens avant et après l'attentat, sur la vie à l'hôpital et sur la longue reconfiguration d'une nouvelle identité. le revenu modifie votre vie et celle des personnes qui vous entourent ; Elle modifie vos ressentis, vos souvenirs, votre façon de lire, d'écrire et même de respirer. La peur, la dépendance et la culpabilité s'emparent du narrateur, qui recherche sans cesse des signes alors que les références se perdent continuellement.


Ces pages font défiler les amis, la famille, les couples et les collègues de travail qui ont connu l'ancien Lançon et qui contribueront à la naissance du nouveau, de l'autre. Mais surtout se démarquent les membres du personnel de santé, ces anges qui donneront un nouveau visage à l'auteur et dont la présence, comme celle de la littérature (Shakespeare, Kafka, Proust) et de la musique (Bach, Bill Evans), ponctue le livre entier et la naissance de la nouvelle existence. Acclamé par la critique et le public, ce n'est pas un livre sombre, mais terriblement lumineux ; un livre nécessaire que personne ne voudrait avoir écrit et dont la lecture passionnante ouvre autant de questions que d'espoirs.


Il ne s'agit pas de n'importe quelle histoire, mais de l'histoire de ce survivant racontée dans un style élevé avec de nombreuses références culturelles et surtout littéraires, musicales et cinématographiques, qui permettent au lecteur de comprendre et de s'immerger pleinement dans les réflexions du patient.


Il est magnifiquement écrit et ne devient jamais lourd ou long, et grâce à la capacité expressive et culturelle de son auteur, il nous fait ressentir jusqu'au moindre détail de la « reconstruction » physique, spirituelle et familiale de son auteur.


Ce livre m'a subjugué, éclairé, captivé. C'est une grande oeuvre, de la grande littérature tout autant qu'un témoignage fascinant et terrifiant, aussi sincère qu'intime et profondément humain. Livre sur le deuil de ce que l'on a été qui parvient néanmoins à être consolateur.
Commenter  J’apprécie          120
témoignage bouleversant sur la dure réalité de la reconstruction physique de l'auteur après avoir vécu l'enfer de l'attentat contre Charlie Hebdo.
Une histoire réelle tellement bien décrite par la prose de Monsieur Lançon, un écrit douloureux, humain pour la lutte de la vie.... de la survie après l'horreur vécu.
Commenter  J’apprécie          10
Si vous n'avez pas vécu reclus et sans accès aux médias pendant ces dernières années et si vous avez lu la quatrième de couverture avant d'acheter ce livre, vous savez déjà à peu près comment il se termine et pourtant... impossible de le lâcher !
On s'attache à la victime, au patient, au convalescent. On s'attache à sa chirurgienne, à sa famille, aux femmes de sa vie. Ce livre ne tombe jamais dans le sentimentalisme dégoulinant, ni dans la rancune haineuse, il est avant tout une histoire de vie.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (5456) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1734 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}