Citations sur Au commencement du septième jour (61)
Attention au soleil ! La peau noire brûle autant que la blanche, et il faut les deux pour écrire une partition !
Elle avait admis appartenir à cette cohorte rare de Blancs qui mendiaient leur pitance sur le continent noir, parce qu'ils étaient égarés dans le rêve illusoire de l'Afrique somptueuse et sauvage.
Nous vivons comme nous rêvons, seuls.
Joseph Conrad
La déchirure s’agrandit, le plan de lumière vive gravit la pente, il approche, inondant l’ensemble du cirque, Thomas se sent seul dans un paysage qu’il pensait frappé d’obsolescence, c’est le souffle d’une déflagration qui le repousse vers ce qu’il pensait révolu, c’est l’absence de Camille qui le déporte en cet endroit où il ne devrait plus être. Il pose les coudes et les avant-bras sur la pierre fraîche, le menton dans les mains, il s’endort dans le soleil.
Mais il éprouve aussi une hâte fébrile à les étreindre tous les deux, chacune et chacun portés ensemble entre ses bras alors que ce ne sera pas lui qui va les tenir, mais eux qui vont le soutenir, le préserver de l'effondrement.
Il sort dans le soleil de mai, des infirmières discutent, elles rient, elles allument des cigarettes, il s'éloigne vers le parking, serrant le col de sa veste, toujours courbé vers l'avant comme s'il affrontait la pensée d'un vent contraire qui pourrait le creuser, l'éroder en poussière de sable volatil.
Quand on voit ce paysage de paradis. Et la misère au village, tu l'as vue ? Plus de poissons, les bateaux-usines qui croisent au large. Une seule journée de grand chalut, c'est la pêche d'une année pour un pêcheur d'ici...
Il traverse leur vaste chambre donnant sur le jardin, s'installe devant l'ordinateur de Camille, entre sur sa messagerie, parcourt ses mails, 457 non lus qu'elle doit ouvrir et consulter sur son smartphone, un nombre important de pubs, des échanges entre amis, collaborateurs, rien qui puisse éveiller le soupçon.
Ils jouent tous les trois, se lancent le ballon qui hoquette en rebonds désordonnés sur la plage caillouteuse où les pierres exhalent une blancheur d'ossements secs sous la lumière ardente d'un désert aride. Ils shootent, frappent, lancent le ballon, ils sautent, courent, emportés dans une espèce de frénésie ricanante, de danse éruptive, désarticulée, leurs cris perdus dans la brise d'ouest, Thomas en éprouve le souffle tiède d'une joie furtive qui le soulève, il joue et contemple la course éperdue des enfants que rien ne semble distraire, ils jouent oublieux, abandonnés au paysage qui les dilue et les éparpille.
Anton exhibe les fleurs droit devant lui comme un bouclier qui le protégerait de ces yeux qui dévorent le visage osseux de sa mère, à l'exception de la joue gauche, des lèvres et de cette moitié du crâne toujours enflées, un bouclier de tulipes qui le protégerait de ce regard et de ce sourire trop appuyés et vides à la fois, qui l'absorbent, le digèrent sans retour, comme s'ils ouvraient sur la béance d'une conscience animale qui le considère sans l'identifier.