Avant même de l'ouvrir, j'étais déjà touchée par ce livre. Touchée parce qu'il m'a été offert par une amie très chère qui, ainsi qu'elle me l'a confié : "souhaitait partager sa Lorraine avec moi". Et, beau témoignage d'amitié, elle a même pris soin de le faire dédicacer à mon attention par Gilles Laporte en personne. En insistant pour qu'en plus, il me dessine un hibou !
Ce livre n'est donc pas un livre mais, bel et bien, mon livre.
N'ayant que huit années de moins que l'auteur, on peut considérer que nous sommes de la même génération. Sachant que, de plus, bien que née et ayant grandi à Paris, je suis, comme lui, issue d'un milieu ouvrier, inutile de vous préciser que toutes ces années dont parle Gilles Laporte ont résonné en moi avec une émotion toute particulière.
Toutes ces petites choses, ces chansons enfantines ou succès de l'époque, ce quotidien, cette ambiance... Tant de petits riens qui étaient enfouis dans ma mémoire en ont resurgi par la plume de Gilles Laporte.
Cela étant, je conviens que mon avis est subjectif. Ce livre m'a touchée parce qu'il a fait rejaillir en moi des situations, des souvenirs, dans l'ensemble relativement anodins car ils retracent la vie banale de gens simples. Émouvrait-il autant des lecteurs qui, par leur âge ou leur vécu, ont eu un parcours différent ? Je ne saurais le dire. Et, après tout, que m'importe ! L'essentiel est que je l'ai aimé ; même si je souhaite à Gilles Laporte que son ouvrage remporte un succès mérité.
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Cette année 1954, le ciel se mit en colère. [...] À tel point que, le premier février, l'abbé Pierre, ancien résistant, ancien député de Nancy, curé rebelle animé par la nécessaire "Insurrection de la Bonté", lança un appel pathétique à la radio :
"Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant tant d'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent..."
"Il faut que ce soir-même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où on lise sous ce titre : Centre fraternel de dépannage, ces simples mots : Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t'aime."
Je me souviendrai longtemps de cette scène dans la cuisine familiale : mon père, oreille collée au poste, d'une pâleur renforcée par les défaillances de sa santé, poings et dents serrés, qui grommelait : "les salauds... les criminels..." à l'adresse de tous ceux qui acceptaient comme une fatalité la mortelle détresse des pauvres. Il avait souffert de la faim en Allemagne, du froid dans son refuge de la Loire après sa terrible évasion réussie, du mépris des vainqueurs, de la complaisance des collabos et de l'indifférence des planqués...
"Les salauds !" Il en souffrait encore, en souffrirait toujours. "Il faut dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des lieux où il y ait couvertures, paille, soupe..."
Certes, nous n'étions pas riches, mais nous avions un toit, nous ne mangions pas du caviar, mais nous dégustions le ragoût de mou aux patates du jardin et, certains dimanches, le lapin aux champignons de nos bois, ne buvions pas du champagne mais le vin de la coopérative ouvrière, nous ne mourions pas de froid mais, autour de la cuisinière dont maman astiquait énergiquement la fonte au Zébracier, nous nous chauffions au bois mort récolté dans la forêt de La Héronnière et au charbon de l'usine... et nous étions heureux !
Gilles Laporte - Un parfum de fleur d'oranger