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3,9

sur 1421 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2022 # 24 °°°

Ce premier roman démarre avec un sens du tragi-comique réjouissant pour raconter la naissance puis l'abandon de deux enfants, qui une fois adultes, vont former un couple et former un noyau familial. Victoria et Julian sont les fruits de la misère et de la cruauté de leur famille comme celui de la dictature franquiste. du point de vue factuel, on pourrait être dans un Zola ou du Dickens , mais le ton cultive une légèreté presque joyeuse, le récit se révélant burlesque et rocambolesque, entrainant le lecteur dans une truculente verve très latino-américaine ( avec un petit côté Almodovar ) avec ses exubérances et ses outrances. Et puis on comprend que Victoria et Julian sont les parents de l'auteure et que le roman travaille un matériel autobiographique, ce qui donne encore plus de saveur à la suite du récit. Tout est ( peut-être ) vrai.

Maria Larrea est née à Bilbao comme ses parents mais a vécu toute sa vie à Paris où ces derniers ont migré, papa gardien du théâtre de la Michodière, maman femme de ménage. Elle a grandi entre les odeurs de javel et décors de théâtre, avec un père rendu violent par sa consommation d'alcool, entouré d'armes à feu, lui le partisan de l'ETA basque. le ton se fait plus intime, plus grave mais toujours avec la même vivacité, mettant des mots nets sur la honte sociale lorsqu'elle fréquente des camarades appartenant à un milieu social privilégié, elle dont le prénom fait dire « « Maria, c'est marrant, tu t'appelles comme notre femme de ménage. »

« Rêvant de m'appeler Sophie ou Julie, je tenais parfaitement mon rôle de jeune fille modèle devant les parents des copines qui m'invitaient à dîner, à dormir. Je jouais au singe savant. Oh, qu'elle est cultivée pour une fille de femme de ménage ! Je faisais mon effet sur les parents des autres, un mélange de pitié et d'épate quant à mes origines. J'exagérais le trait ; je les regardais comme des sauveurs et les écoutais plus que leur progéniture. Je buvais leur savoir et leurs connaissances. Nourrie et repue par leur bourgeoisie, je pouvais enfin m'éloigner de mon duo parental bruyant et angoissant. J'avais grandi comme une souris de laboratoire en captivité, j'avais enfin trouvé la sortie du labyrinthe que mes parents avaient construit autour de moi. »

La narratrice s'extirpe de son milieu par des études à la FEMIS pour devenir réalisatrice ( ce qu'elle est aujourd'hui ) mais elle ressent une souffrance sourde, étrange, comme si quelque chose de bancal la faisait vaciller. Avec un tirage de tarots qui bouscule ses certitudes et la bouleverse, le roman bascule à sa mitan dans une enquête / quête des origines qui la mène à Bilbao où tout a commencé, afin de démêler les mystères soulevés par les cartes et s'approcher de la vérité.

Lorsqu'elle écrit, Maria Larrea met ses tripes et son ADN, questionnant très justement sur la notion de filiation et de ce que c'est d'être parent. Elle le fait avec une franchise désarmante qui dessine progressivement les contours d'une famille, avec une véritable profondeur de champ. Au fil d'un texte tranchant et plein d'allant, le lecteur la suit, jusqu'à ces dernières pages très touchantes où elle "rencontre" enfin ses parents après avoir percé leurs secrets, et accède à la liberté d'être elle.

Lu dans le cadre du Prix du Roman Version Femina, sélection de septembre.
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Ce premier roman autobiographique sur la quête des origines est celui d'une autrice élevée au coeur d'une fiction. Née à Bilbao en 1979 et ayant toujours habitée à Paris, ce n'est en effet qu'à l'âge de 27 ans que Maria Larrea découvre qu'elle a été adoptée. Totalement bouleversée et en quête de réponses, elle part sur les traces de ses parents biologiques, tout en décidant d'écrire et de nous raconter son vécu.

La première partie de cette quête de vérité fait office de mise en place. L'autrice y raconte non seulement son enfance parisienne en compagnie d'une mère femme de ménage qui sent l'eau de javel et d'une père violent, porté sur la boisson et gardien du théâtre de la Michodière, mais également la rencontre de ses parents, deux cabossés d'une vie construite dans la misère, l'un confié aux jésuites par sa mère prostituée et l'autre très vite abandonnée aux bonnes soeurs d'un couvent. Pas forcément fière de ses origines, ni de son milieu social, Maria est une fille d'immigrés qui se cherche, se rebelle et se défonce, tout en rêvant de faire du cinéma. Une construction mêlant honte, douleurs et colère qui s'écroule totalement lors d'un tirage de cartes chez une tarologue qui transforme toute cette première partie en fiction : les dés sont pipés, toute son histoire familiale n'est qu'une immense supercherie !

En début de seconde partie, suite à cette révélation fracassante, le lecteur se retrouve donc dans le même état que l'autrice, totalement désemparé d'avoir été trompé sur la marchandise depuis la première page du roman et bien décidé à emboîter les pas de cette narratrice furieuse, prête à réécrire sa propre histoire et partant à la recherche de ses racines espagnoles, là où tout a commencé, à Bilbao.

« Les gens de Bilbao naissent où ils veulent » est donc une histoire familiale rocambolesque et bourrée de secrets, qui dévoile au passage une page sombre de l'histoire espagnole, tout en révélant une autrice débordante d'authenticité et d'auto-dérision, qui n'hésite pas à se mettre à nu au fil des pages, alliant franchise, humour et tendresse, tout en abordant des thèmes intéressants tels que l'immigration, la filiation, l'abandon, la famille et le trafic de nouveau-nés.

Une belle découverte de cette rentrée littéraire et un très bon premier roman !
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En écrivant Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, Maria Larrea a effectué un pèlerinage harassant pour retrouver ses origines.
Au cours de ce roman autobiographique, elle libère tout ce qui freine son épanouissement complet de fille d'immigrés espagnols qui a grandi au coeur de Paris.
Ma lecture est passée par plusieurs phases, les deux principales étant l'histoire de ses parents, de sa grand-mère d'abord, histoire suivie par la quête effrénée de Maria Larrea qui fait tout pour tenter de savoir ce que ses parents lui ont toujours caché.
Dans son livre, l'autrice m'a tout de suite accroché à son récit par son style percutant, sans fioritures, avec des mots crus. Elle n'hésite pas à décrire la dure réalité des gens du peuple, surtout ce que subissent les femmes, dans cette Espagne placée sous le joug du franquisme.
Quand Dolores, sa grand-mère, accouche de Victoria, le fait que l'enfant soit une fille est aussitôt ressenti comme un malheur. D'ailleurs, le bébé est sans délai placé au couvent de Santa Catarina où des couples en manque d'enfant viennent faire leur marché. Hélas, Victoria ne trouve pas preneur malgré ou plutôt à cause de sa beauté, chaque femme redoutant une tentation trop forte pour son mari… Finalement, Dolores la reprend un peu plus tard parce qu'elle a besoin d'une bonne à la maison.
Maria Larrea me plonge ensuite en plein Paris où elle a été scolarisée. Julian, son père, est gardien du théâtre de la Michodière et sa mère, Victoria, femme de ménage. Hélas, cet homme boit beaucoup, de plus en plus, et violente sa femme.
C'est maintenant le moment de faire connaissance avec ce garçon enfanté par Josefa, une prostituée de Bilbao, le 28 juin 1943. Comme le client le plus régulier de Josefa se nomme Julian, elle l'appelle… Julian.
Ce dernier est aussitôt placé dans un orphelinat situé près de San Mamés, le stade de l'Athletic Club Bilbao. Dès qu'il le peut, Julian s'engage dans la marine pendant que Victoria ne parvient pas à échapper au « désir de son père ». Heureusement, elle trouve du réconfort auprès de Rosalia qui lui apprend à parler le galicien.
Avec l'histoire familiale de Victoria et Julian, les bases familiales sont bien décrites. Si le couple vit et travaille à Paris où grandit leur fille, chaque été, la petite famille rentre à Bilbao, au Pays basque car Julian est un fervent soutien de l'ETA (Euskadi Ta Askatasuna, ce qui signifie « La liberté pour le pays basque »). Ainsi, Julian est solidaire de ceux qui militent pour l'indépendance du Pays basque.
Il faut une forte personnalité à la jeune Maria pour supporter le mépris affiché envers « les filles du rez-de-chaussée », qu'elles soient espagnoles, portugaises, yougoslaves… Maria épate les bourgeois. Elle fume, approvisionnée par sa mère, mais se drogue aussi, hélas, deux fois hélas.
Aussi, l'autrice se montre sans concession envers ses parents, répète que son père est un ivrogne, qu'il dépense sans compter, qu'il veut s'affirmer comme le plus riche des pauvres !
La carrière de Maria Larrea dans le cinéma – elle veut être réalisatrice – peine à s'affirmer. Elle a épousé Robin. Après trois avortements, elle met au monde Adam mais c'est sur sa propre naissance qu'elle se pose de plus en plus de questions. de plus, elle se demande pourquoi elle veut toujours jouer dans ses films.
C'est au contact d'une tarologue que la révélation est faite et va être l'objet de la quête détaillée et à rebondissements qui fait l'objet de la seconde partie. Sa lecture passe, pour moi, du passionnant au lassant pour revenir au passionnant car Maria Larrea mène bien sa barque pour arriver aux révélations finales qui relancent à propos l'intérêt de ma lecture.
J'ajoute que Les gens de Bilbao naissent où ils veulent fait partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2023.

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Les gens de Bilbao naissent où ils veulent raconte la quête de son auteure, Maria Larrea, pour retrouver sa famille biologique. C'est un roman profondément intime qui, par un montage alterné, nous entraîne dans l'histoire d'une famille, la mère, le père et leur enfant, l'histoire de trois destins.
Je dois reconnaître qu'au début, j'ai dû faire un petit effort pour bien suivre l'histoire où se mêlent deux fils narratifs en parallèle, celui de l'enfance de chacun des parents et celui de l'enfance de la narratrice, leur fille.
Cette épopée des origines de Maria Larrea racontée donc par Maria, la narratrice du roman, commence en Espagne, en Galice, en 1947, avec la naissance d'une petite fille Victoria. Sa mère qui voulait un garçon l'abandonne aux soeurs du couvent voisin puis la reprend des années plus tard. Elle aura la responsabilité de ses dix frères et soeurs et devra subir les assauts de son père.
Quatre ans plus tôt, à Bilbao, une prostituée a mis au monde un garçon Julian. Ne souhaitant pas l'élever, elle l'a confié à une institution jésuite, la Miséricorde. Plus tard, pour prendre de la distance avec ce passé misérable, il s'engage dans la marine.
Les années passent, difficiles pour tous les deux, jusqu'à ce soir de la Saint Silvestre, le 31 décembre 1965, où la belle galicienne Victoria est attablée au comptoir d'un bar, sur le port du Ferrol, cette ville où est né Franco, quand entre un jeune marin, Julian. Ils tombent immédiatement amoureux l'un de l'autre.
Tous deux n'ont qu'un souhait, fuir ce passé et le traumatisme provoqué par leur abandon, fuir ces institutions religieuses écrasantes et s'éloigner de cette Espagne franquiste.
Ils rêvent à un avenir plus radieux et partent s'installer à Paris dans les années 70. Julian trouve un poste de gardien au théâtre de la Michodière et Victoria est femme de ménage.
Ils vont avoir un enfant, Maria, la narratrice du roman qui, tout en nous contant l'enfance et la rencontre de ses parents nous fait découvrir sa propre enfance entre ce père basque nationaliste, l'ETA étant sa seule religion, ce père devenu alcoolique et violent et sa mère résignée, aux senteurs d'eau de javel.
Maria doit faire face aux moqueries de ses camarades issues d'un milieu social plus favorisé : « À chaque moment de mon existence, l'infamie de ma naissance m'était rappelé ». Elle éprouve honte et colère. Elle avance pourtant et n'a qu'une certitude : faire du cinéma et réaliser.
Devenue adulte, diplômée de la Femis, mariée à Robin et mère à son tour, elle est cependant en proie à un mal-être mystérieux. Elle va alors, à 27 ans consulter une tarologue qui lui suggère : « Ton père n'est probablement pas ton père » et elle conseille à Maria de vite parler à sa mère qui doit lui cacher des choses.
Pour Maria c'est un plongeon dans un bain glacé et elle va entamer alors une stupéfiante quête de ses origines. Démarre ainsi la deuxième partie du roman dans laquelle elle mène son enquête entre Paris et Bilbao, la ville où elle est née pour tenter de percer le mystère de sa naissance.
Ce qui au début paraissait être un simple récit autobiographique prend soudain une autre dimension avec une allure d'enquête policière.
Dans cette autobiographie romancée, au cours de son questionnement sur ses origines, Maria Larrea évoque de nombreux thèmes que ce soient les non-dits, les questions de filiation, l'adoption, les recherches généalogiques. Elle décrit avec talent les conditions de vie de ces immigrés espagnols, leur mal du pays et leur difficulté d'intégration entraînant chez certains ce sentiment de déchéance qui les conduit parfois à recourir à l'alcool. On y croise Franco. On découvre Bilbao. Il y est également question de l'Opus dei, des bébés abandonnés et des agissements de l'église catholique, de l'ETA…
Grâce à une écriture enlevée, énergique, très imagée, frisant parfois le burlesque mais aussi le tragique, des scènes picaresques, un scénario haletant Maria Larrea nous offre un premier roman fort réussi. Il est une puissante réflexion sur la famille, sur ce que sont les liens du sang et les liens affectifs.

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Maria, alter ego de l'auteur, est cinéaste. Ses brillantes études à la Fémis lui ont permis de prendre sa revanche sur la modeste condition de ses parents, l'un basque, l'autre galicienne, venus chercher en France l'avenir que l'Espagne de Franco leur refusait. Tous deux abandonnés à la naissance et élevés dans un orphelinat religieux, Julian est devenu à Paris un père alcoolique et violent, gardien du théâtre de la Michodière, et Victoria, une mère résignée, femme de ménage bien peu considérée. Pressée de s'envoler vers une réussite qui n'en a que plus de prix, Maria se retrouve toutefois brutalement ramenée au passé, quand, à presque trente ans, elle découvre son adoption par hasard, grâce aux indications d'une tarologue. Commence alors pour elle une quête obsessionnelle, la ramenant à sa ville natale de Bilbao, pour tenter de dissiper le mystère de sa naissance.


S'affranchit-on jamais de ses origines ? Pour la narratrice, la réussite sociale, avec un mari, des enfants, et une profession prestigieuse acquise de haute lutte, devait signifier la rupture avec une enfance et une adolescence marquées par les moqueries de ses amies. « Maria, c'est marrant, tu t'appelles comme notre femme de ménage. » Elle qui rêvait de s'appeler Sophie ou Julie pensait « j'avais enfin trouvé la sortie du labyrinthe que mes parents avaient construit autour de moi. » Mais voilà que la découverte du mensonge entourant sa naissance remet soudain tout en cause, comme si elle n'avait finalement bâti l'édifice de sa vie que sur du vent. Pour renaître enfin dans cette nouvelle existence qu'elle s'est choisie, il lui faut d'abord se réapproprier cette première naissance qu'on lui a volée en lui mentant, c'est-à-dire retrouver ses parents biologiques. Alors seulement, réconciliée avec ce passé qui la rattrape en traître, elle pourra affirmer haut et fort le dicton qui sert de titre à son récit.


Scénariste pour le cinéma, Maria Larrea a su projeter les éléments de son autobiographie dans un premier roman tendu comme une arbalète, décochant ses scènes fortes dans le torrent d'une narration aux mots cinglants, toute entière au service d'une urgence impérieuse : « raconter mon histoire », « me la réapproprier », « récupérer le roman familial », « écrire ma vérité ». Une vérité sans laquelle les non-dits ont longtemps et insidieusement creusé leur sillon douloureux, jetant notamment Maria adolescente dans l'instabilité, la rébellion, enfin dans un mélange de honte, de rancoeur et de colère l'empêchant de se construire. Son parcours tumultueux frappe d'autant plus qu'elle nous le livre sans fard, avec une sincérité presque brutale, sur le fond implacable d'une Espagne franquiste misérable et violente, relayé par celui du déracinement et de l'ostracisme vécus dans l'exil, avant que passé et présent ne s'entremêlent autour de l'affaire des bébés volés du franquisme et du parcours du combattant des victimes pour retrouver leur identité.


Ce premier roman, aussi habilement composé qu'habité par une écriture passionnée, énergique, sans concession, est autant un témoignage remarquable qu'une entrée réussie en littérature.

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Maria Larrea est cash, sans filtre, et j'ai aimé sa franchise, son ton ironique, sa capacité d'auto-dérision. Elle se met à nu et nous plonge dans son enfance, nous raconte l'histoire de ses parents et grands-parents, et surtout la sienne.
Maria, née à Bilbao en 1979, a toujours habité Paris, ses parents ont été gardiens du théâtre de la Michodière, mais entre son père violent, saoul la plupart du temps et une mère distante, peu aimante, le quotidien n'était pas des plus riants.
À l'âge adulte, Maria rumine et carbure au Lexomil, ses relations avec ses parents, son travail de réalisatrice, tout cela s'avère sans saveur, rien ne l'enthousiasme.
Un beau jour, elle consulte une tarologue (enfin une diseuse de bonne aventure qui tire les cartes de tarot), et là, c'est le choc, la douche froide : Mme Irma lui annonce qu'elle a été adoptée à la naissance. Alors Maria va demander des comptes à sa mère, qui va confirmer sans broncher, sans chercher à se justifier sur une si longue omerta.
Bouleversée, Maria part à la conquête de ses origines, qui, elle ne le sait pas encore, va durer de nombreuses années avant d'aboutir à la vérité.
Tout le livre est criant de vérité, Maria nous embarque dans la recherche folle de ses origines qui devient dévorante, obsédante, sa seule raison de vivre. Elle en délaisse conjoint, enfants, travail.
Peu importe si tout est vrai, tant cela sonne juste, émeut, touche. le texte est émaillé de très belles réflexions sur les secrets de famille, l'infertilité, la filiation, la quête de soi, l'immigration et l'insertion difficile pour les parents quand il faut refaire sa vie dans un autre pays.
Si les films réalisés par Maria Larrea n'ont pas connu un grand retentissement auprès du public jusqu'à présent, la littérature lui tend les bras, sa reconversion est prête !
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Ce récit autobiographique nous emmène en Espagne à partir de 1943 avec la naissance de Victoria, abandonnée par sa mère dès sa naissance et confiée aux religieuses d'un couvent, et de Julian, qui fait figure de dommage collatéral issu des activités de sa mère, prostituée de Bilbao. Les deux êtres se construiront tant bien que mal, et l'on comprendra qu'ils ne sont autres que les parents de Maria, la narratrice qui se livre avec beaucoup de sincérité dans le court et passionnant roman de sa vie.

Un livre qui se boit comme du petit lait grâce à l'écriture d'une personne attachante dont on a vraiment envie de connaître l'évolution et le devenir à la suite de cette ascendance constituée d'orphelins qui ont grandi sans connaître l'amour de leurs parents, dans l'Espagne de Franco, et qui ont émigré en France pour devenir gardiens du théâtre de la Michodière à Paris.

Enfance difficile, adolescence perturbée, vie de femme en quête d'identité, résilience et activité d'une personne battante, il s'agit d'une très bel exposé et des mémoires d'une jeune femme dont on saluera le courage.

Un roman qui sent bon l'Espagne que l'on ressent à travers le parler et les expressions des personnages. Un excellent premier roman à lire en espérant que d'autres suivront.
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J'ai tout aimé dans ce récit autobiographique , le ton joyeux, parfois tragi- comique , le côté cash, sans filtre , la mise à nu ironique , de cette auteure au style puissant, audacieux , qui dynamite une quête familiale colorée, roman des origines : elle , la femme née de l'ombre qui signe avec brio une biographie de référence sur sa non- vie .

«  Les gens de Bilbao soulèvent des pierres , écrit - elle, ils tronçonnent des arbres , sont plus fous que les actes de naissance , les Basques » .

Cette folle histoire des plus vraies aurait pu être un film , pour l'auteure qui s'est toujours rêvée en réalisatrice et scénariste.

Cette quête familiale colorée, sincère, commence en Espagne dans les années 40 , celles de Franco , par deux naissances et deux abandons :
Julian, fils de Josepha , une prostituée obèse de Bilbao qu'elle confie à la Misericordia , un orphelinat de la ville.

Plus tard , en Galice, une femme accouche d'une fille , Victoria qu'elle abandonne aux soeurs d'un couvent .

Ces deux orphelins , enfants de misère, sous Franco, sont les parents de la romancière .

Ils vont devenir le matériau vibrant, imagé , généreux d'un récit fictionnel, , des héros en puissance , un récit très dynamique pétri de vie et d'énergie , éclatant de couleurs.
.
L'auteure retrace l'adolescence de ses parents et leur rencontre , sauvage et belle .
Ils se marient , partent à Paris .
Ils auront une enfant : ——Maria ——-s'immisce sur la photo de famille , déroule avec humour et férocité les fils emmêlés de son enfance déroutante , picaresque, coincée dans la minuscule loge du théâtre de la Michodière , entre son père, gardien des lieux , taiseux mari violent , ivrogne notoire et une mère femme de ménage , balayant sous le tapis tous les problèmes de sa vie .

: «  Elle compte sur le cerveau de son mari pour mener leur vie et laisse le sien se désagréger au fil des années » …

L'auteure conte surtout l'événement décisif , tournant dans sa vie, un simple après - midi et un tarot lu parAlejandro-Jodorowsky, qui allait faire éclater tous les secrets de sa vie , événement qui l'a poussé à nous livrer ce récit incandescent.

Un récit puzzle histoire vraie mené tambour battant de ces existences morcelées, un genre très fort, remuant .

Le lecteur savoure ce très grand roman des origines , ces mots qui amusent, provoquent , touchent, écorchent, poésie colorée, brute , une bourrasque pétrie de chaleur humaine et de sincérité .
Le titre intrigue, fascine, affirme et revendique , provocateur, sublime..
Chaque phrase désarçonne , le style est cinglant , les mots sincères ,——- j'insiste——- ,ils mêlent burlesque, humour, cynisme , et drame.
En se cherchant Maria nous frappe en plein coeur , on voyage, on court , et on rit avec elle!
On en redemande: Un très riche puzzle de la mémoire mené avec maestria , recomposant pièce par pièce le visage d'une famille .
Merci à Reine pour cet heureux prêt !

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1943, Espagne: La vie est dure et sans concession. "La bâtisse avait pour seule coquetterie une cour intérieure où séchait le linge et se trouvait l'autel des dignes maîtresses de maison de la région: un lavoir en pierre dans lequel Dolores battait le linge, le poulpe et son fils." Maria Larrea reconstitue l'enfance de ses deux parents, le garçon de la prostituée, enfant du péché, et la fille surnuméraire car qui peut vouloir d'une fille dans cet univers où seuls les forts sont utiles (sinon les bonnes soeurs obligées par contrat de recueillir les éclopé.e.s du destin)? Ses mots claquent et tiennent la dragée haute au malheur. Les deux orphelins, d'autant plus malheureux de ne l'être qu'à moitié, se rencontrent: naît une fille avec laquelle ils émigrent à Paris. La rejetonne et ses deux parents se serrent dans les quelques mètres carrés de la loge de concierge d'un théâtre. Miracle de l'art? L'enfant, quoique portée sur l'auto-destruction et les substances illicites, intègre la Femis, découvre l'amour, les joies de la maternité et les vêtements de marque.
Au regard de sa chronique cinglante de l'Espagne miséreuse et franquiste, les tribulations ultérieures de Maria Larrea en quête de ses origines ne font pas le poids. Alors qu'elle pourrait dérouler le fil du scandale d'un traffic d'enfants organisé avec une répugnante bien-pensance, elle délaisse la veine sociale pour nous raconter son expérience individuelle avec des pudeurs de gazelle: on ne saura pas grand chose de la nouvelle famille qu'elle se découvre. Les deux parties du livre ne parviennent pas à s'apprivoiser : chronique vs autobiographie, portrait collectif vs quête personnelle, tragi-comédie vs drame bourgeois.
On referme le livre un peu gêné d'avoir obtenu des confidences qui n'étaient pas destinées à sortir du premier cercle. Et, en cousine très éloignée de la mariée, on lui souhaite tout le bonheur du monde, avant de rentrer chez soi dans la plus grande indifférence.

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Un poulpe, un jeu de tarots et une croix en saphirs

Dans un premier roman aux scènes fortes, Maria Larrea explore son histoire familiale, raconte les destins de ses père et mère et nous replonge dans l'Espagne de Franco, dans les France des années 70 et 80. Un superbe premier roman!

Bon sang ne saurait mentir. Mais encore faut-il pouvoir se mettre d'accord sur la notion de bon sang. C'est tout l'enjeu de ce premier roman, à la fois quête des origines, épopée picaresque ou encore tentative d'autobiographie revue au prisme d'une écriture diablement bien inspirée.
Si l'on en croit la narratrice – derrière laquelle se cache de manière assez transparente Maria Larrea – c'est après une séance de dédicace de la romancière Jeanette Winterson que l'écriture de ce roman a germé. Ou plus exactement après avoir lu la phrase laissée par la Britannique à son intention: «We can change the story because we are the story.» Une sorte d'injonction à prendre la plume: «J'entrevois ce que je peux raconter, à défaut de trouver la source de mes vérités. Raconter la grappe humaine que nous formons Victoria, Julian et moi, trois orphelins d'une même nation.»
Dès les premières pages et la scène de cette femme frappant sur un poulpe pour l'attendrir et accouchant simultanément, le lecteur est saisi. Dès lors, il ne lâchera plus ce trio, Maria et ses parents, leurs destins respectifs et cette vraie-fausse autobiographie où tout est aussi vrai que romanesque.
Victoria, fille qui naît, n'est qu'une bouche à nourrir inutile. Sa mère va la confier à un couvent pour s'en débarrasser, au moins les premières années. Elle viendra la récupérer une dizaine d'années plus tard, quand elle pourra l'aider à s'occuper de sa dizaine de frères et soeurs.
À peu près au même moment, une prostituée qui ne veut pas de son enfant, va le déposer chez les jésuites. Julian va connaître une enfance difficile, subir de mauvais traitements et ne rêver que de fuir au plus vite cette institution honnie.
La rencontre entre la belle galicienne et le jeune homme, qui a choisi la marine pour prendre de la distance, est comme une évidence. Ensemble, ils veulent oublier leur passé, ensemble ils rêvent d'un avenir loin de cette Espagne franquiste, de ces institutions religieuses écrasantes. Leur famille se construira en France.
Avec leur fille Maria, ils partent pour Paris. Mais pour ce trio, l'exil a un goût amer. Julian est gardien du théâtre de la Michodière, Victoria femme de ménage. Et Maria cache sa honte en ayant recours à toutes sortes de substances. Au collège, cela commence par les cigarettes, puis la drogue. «Je m'achetais du shit. de la skunk. de l'air sec. Des romans. Plus tard de la coke. Des vêtements. du LSD. Des ecstas. de l'héro. Je n'aimais rien tant que sécher les cours, fumer dans le jardin des Tuileries, planer au musée du Louvre. En apesanteur, j'arrive enfin au lycée.» Au sortir d'une projection, elle sait qu'elle veut devenir réalisatrice et va tout faire pour intégrer la Femis. Mais l'amour et une grossesse inattendue fragilisent ses ambitions. Alors qu'elle cherche à se rassurer en allant consulter une voyante, c'est la déflagration: «vous n'êtes pas la fille de vos parents».
La seconde partie du livre, tout aussi passionnante, vous nous ramener à Bilbao. Sur les pas de Maria, on va découvrir l'histoire de ses origines. Une quête qui pose les questions de la filiation, de la figure du père et de la mère, mais aussi des agissements de l'église catholique et des petits arrangements aux lourdes conséquences.
Si Maria Larrea a su mettre tout son savoir de cinéaste pour placer sa caméra, découper des scènes fortes, construire un scénario haletant, elle prouve surtout qu'elle est une romancière de grand talent, la première grande découverte de cette rentrée!


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