Les nouveaux prophètes (Horreur boréale)

Je ne peux pas être plus près, songe-t-il. Dans cet endroit, sur la colline du bout du monde, le ciel est si proche qu’on a l’impression de pouvoir le toucher, simplement en tendant la main.
Dehors, l’aurore boréale ondoie, tel un dragon dans la nuit. Les étoiles et les planètes semblent s’écarter au passage de ce prodige de lumière qui, sans hâte, se fraie un chemin le long de la Voie lactée.
Viktor Strandgård suit sa course des yeux.
Je me demande si elle chante, pense-t-il encore. Comme une baleine solitaire au fond de l’océan.

Ce n’est pas la première fois que Viktor Strandgård meurt. Cette fois, il est couché sur le sol du temple de cristal, les yeux levés vers les immenses fenêtres de toit. Plus rien ne le sépare de la nuit hivernale.

_Je voulais savoir pourquoi Viktor est mort,répondit Rebecka d'une voix cinglante. Sanna est soupçonnée et en garde à vue,et ici,tout le monde s'en fiche.La communauté danse et chante des cantiques,mais refuse de collaborer avec la police.

Ce n'est pas la première fois que Victor Strangård meurt.... .

Si tu as des nouvelles de Sanna, fais lui savoir que je me suis inquiété d'elle, conclut Thomas Söderberg.
Astrid le toisa.
Et si tu en as de Dieu, pensa t elle, fais lui savoir que je me fais du mouron pour lui.

Incroyable ce qu'on vous aime, médita Rebecka. Ils mentent, ils vous trompent et ils vous dévorent au petit déjeuner. et tout cela au nom d'un amour pur.

Anna-Maria observa un instant son collègue. Quand elle avait été nommée chef de brigade il y a quatre ans, il avait pratiquement cessé de lui adresser la parole. Ça avait duré six mois. Il était profondément vexé qu’on lui ait donné à elle le poste qu’il briguait. Et à présent qu’il s’était habitué à l’idée d’être son subalterne, il faisait systématiquement profil bas. Elle se promit de saisir la première occasion pour le pousser à asseoir son autorité. Mais pour l’instant, il allait devoir se débrouiller tout seul. Quand le substitut du procureur Carl von Post entra tambour battant, elle jeta à Sven-Erik un bref regard d’encouragement.

« Il est cinq heures trente-cinq, dit-elle dans le micro. Nous sommes le 16 février, pardon, le 17, déjà. Je me trouve au temple de cristal devant un individu qui, a priori, serait Viktor Strandgård, plus connu comme “le pèlerin du paradis”. Le mort est couché dans la nef, au milieu de l’allée centrale. Il semble avoir été éventré, car il pue effroyablement. Le tapis sur lequel il est couché est trempé. Je suppose que c’est du sang, mais c’est difficile à dire, parce que le tapis est rouge. Ses vêtements sont couverts de sang. Étant donné la position dans laquelle il se trouve, on ne voit pas la plaie sur son ventre, mais les intestins s’en échappent sur les côtés. À ce sujet, il faudra attendre le médecin légiste pour en savoir plus. Il porte un jean et un pull-over. Les semelles de ses chaussures sont sèches et le tapis sous ses pieds n’est pas humide. Il a été énucléé… »

Elle s’engagea dans le petit chemin qui montait au temple. Le givre ornait les bouleaux d’un glaçage immaculé et, au sommet de la colline auréolée d’étoiles, le majestueux temple de cristal se découpait dans le ciel d’un noir d’encre. Tel un énorme glaçon fluorescent, son chatoiement semblait vouloir rivaliser avec l’aurore boréale.
Quelle prétention ! Ils feraient mieux d’utiliser une partie de tout ce fric à sauver des enfants en détresse, songeait-elle en s’essoufflant dans la côte. Mais je suppose que c’est plus marrant de chanter du gospel dans une église tape-à-l’œil que de creuser des puits en Afrique.

Quand son téléphone sonna, l’inspectrice Anna-Maria Mella était déjà réveillée. La lune hivernale éclairait la chambre de sa puissante lumière blanche. Les troncs torturés des bouleaux de montagne devant sa fenêtre projetaient des ombres bleues sur les murs. Elle décrocha le combiné avant que la première sonnerie ait fini de retentir.
« Sven-Erik à l’appareil, tu es déjà levée ?
— Je suis encore au lit, mais je ne dors pas. Qu’est-ce qui se passe ? »
Robert poussa un soupir à côté d’elle dans le lit et elle se tourna vers lui, mais son souffle était déjà redevenu lourd et régulier. Ouf, il ne s’était pas réveillé.
« Mort suspecte au temple de cristal, répondit Sven-Erik.