Premier roman d'un jeune auteur français,
Chevauche-brumes m'a surprise par la qualité de son écriture.
Thibaud Latil-Nicolas dépeint un monde très proche de la fin du Moyen-Âge occidental, dans lequel on peut croiser des rois, des nobles, des chevaliers, des épées, des armures et même quelques armes à poudre.
Mais dans cet univers, il y a aussi la frontière nord du Bleu-Royaume. Délimitée par une brume aussi épaisse que mystérieuse, voilà quelques temps que ce phénomène inexpliqué se prend à se déplacer et à enfanter d'étranges créatures.
Les neuvième et dixième compagnies, bandes de soudards aux moeurs fort simples, mais liés par un indéfectible sentiment de loyauté, sont envoyées résoudre cette affaire, et éventuellement protéger la ville de Crevet, directement menacée.
Il y a un peu de
Jaworski (pour la beauté du style et la richesse du vocabulaire) et un peu de Gemmell (pour les rebondissements et les scènes d'action) dans ce livre.
Thibaud Latil-Nicolas sait très bien jongler avec les éléments essentiels à une bonne histoire : humour, horreur, action, suspense, révélation, tout est fait pour rendre les personnages particulièrement attachants. Ce n'est pas une mince affaire : c'est qu'ils sont nombreux, à la 9e. Mais ce roman polyphonique nous fera adopter leurs points de vue tour à tour, et voir leurs joies, leurs peines et leurs gaffes.
Parlant de la narration, j'ai été surprise par le choix de tous les faire parler à la troisième personne, sauf Saléon, commandant-remplaçant de la 9e, qui s'exprime à la première. C'est interpellant et rafraîchissant, ce héros en devient d'autant plus sympathique ; mais bien vite son POV est délaissé au profit des autres alors même que sa place devient centrale dans l'action. Un choix que je ne m'explique pas et que je trouve dommage.
Hormis ce détail, j'ai quelques petites choses à regretter : la présence de quelques longueurs aux alentours du milieu, le fait que les personnages se fassent très (trop ?) vite à l'horreur (les plus héroïques n'ont même pas l'air de craindre pour leur vie – et de fait, nous non plus nous n'avons plus peur de les voir mourir), et le discours féministe, qui m'a semblé mal amené et peu subtil (cela m'attriste de le compter dans les points négatifs parce que le propos est bon, mais il y avait un goût de "trop" et de "forcé", d'un peu maladroit qui pourrait rebuter certains).
Tout le reste est excellent : je n'ai pas vu venir les plot twists, j'ai adoré le système de magie et l'écriture (riche, mais moins lourde que celle de
Jaworski), je me suis attachée aux personnages (qui ne se limitent pas à la 9e : on voyage aussi à la capitale, on complote avec les puissants, on découvre les ruelles d'Antinéa et on commence tout juste à faire connaissance avec les pays limitrophes) j'ai ri de l'humour et frémi devant ces créatures d'outre-tombe.
Qu'on soit amateur de fantasy historique, politique ou épique, cette trilogie réussit le tour de force de réunir suffisamment de qualité pour plaire à tout type de lectorat.
Thibaud Latil-Nicolas : un auteur à suivre.