J'avais repéré cette BD au moment de sa sortie en librairie, mais elle était bien trop chère pour mon budget mensuel. Il a donc fallu que j'attende mon anniversaire et… quelle agréable surprise ! Je m'étais faite une idée de l'histoire en lisant la 4e et en feuilletant les premières pages, mais… j'étais loin, loin, d'imaginer tout ça !
Cette BD m'a complètement prise de court, m'a remué les tripes et mise super mal à l'aise pour plusieurs heures… Mais ce n'était pas gênant, c'était… trépignant ! de s'être fait avoir ainsi, de voir les rouages se mettre en place sous nos yeux sans qu'on puisse faire quoi que ce soit… L'immersion est totale, de la première à la dernière planche. Effectivement, T. le Boucher sait parfaitement équilibrer les scènes de souvenirs, discussions, rêves… avec ou sans dialogues. le rythme est intense sur tout le long de la BD (et pourtant c'est une sacrée brique, elle est vraiment costaude pour de la BD française) grâce à une tension permanente, que ce soit lors des échanges entre Pierre et Anna ou lors des moments où un personnage se retrouve seul.
Parlons-en, des personnages. Pierre est… il dégage quelque chose dès la 1e fois qu'on le voit, malgré son aspect chétif et craintif. Il paraît esseulé et désespéré à son réveil, mais aussi plein d'amertume et de rage enfouie. Son ambivalence transparaît dès ses 1e apparitions jusqu'aux toutes dernières pages, où son comportement déroute, mais pour une raison que je garderais cachée puisque ce serait du spoil ! Quant à Anna, je la trouve tout aussi fascinante, tout en subtilité et réflexion, mais aussi avec beaucoup de failles et de sensibilité derrière son froid masque professionnel. Les personnages secondaires sont aussi développés et complexifiés malgré leurs rôles limités, ce que j'apprécie beaucoup car il facile de s'identifier à eux et de compatir pour certains. T. le Boucher dépeint des personnages très humains, un peu excentriques, mais que l'on pourrait croiser au quotidien, avec leur dose de problèmes personnels et de défauts.
Pour l'intrigue… un brouillard épais et malsain plane sur Pierre et sa thérapie avec Anna, parfois percé par quelques souvenirs ou réminiscences fugaces, mais pas de quoi comprendre assez pour valider d'éventuelles théories. T. le Boucher fait du suspense et du malaise un art, car plus la lecture avant et plus on est mal à l'aise. Les personnages dévoilent leur part plus sombre, que ce soit Anna, son compagnon, Pierre ou le personnel et les patients de l'hôpital… jusqu'au point de non retour, quand les personnages laissent paraître leur nature véritable et que tout soit chamboulé.
Le dernier quart de la BD m'a laissé sur les fesses, car le doute sur la nature de Pierre est maintenu un bon moment. Ce doute est entretenu par les moments de flous, où l'on ne sait plus trop qui veut quoi, qui fait quoi, qui rêve quoi. Et comme chacun apporte sa pierre à l'édifice, les personnages sont abordés sous différents PDV, ce qui les complexifie un peu plus.
Le final n'est pas spécialement une claque, puisque la « chute » avait été révélée un peu avant. On reste néanmoins agrippés à la BD, histoire de savoir le pourquoi du comment, essayant de remettre les choses dans l'ordre, de voir comment évolue la suite.
Le graphisme… j'ai été complètement conquise. J'aime beaucoup le trait de l'auteur, dont le style colle parfaitement au réalisme de la BD et à ses accès de noirceur. Mention spéciale à la personnification de la paralysie du sommeil, qui me fichait sincèrement la frousse à chaque apparition sur une planche.
Bref, cette BD, c'est un peu une descente en enfer, mais tout en douceur, en mystères, en demi-vérités, histoire de faire savoir au lecteur qu'il s'est planté, qu'il a été mené par le bout du nez… mais qu'il plonge droit dans le piège !
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