Citations sur Ennemis mortels (11)
La conjonction de ces thèses racistes et islamophobes, constitutives d’un “régime de vérité“ élaborées au sein d'institutions diverses et souvent prestigieuses, a contribué à forger de “l’indigène“ mahométan une image particulièrement négative. Après avoir été saisi par le droit colonial, la médecine, l'hygiène privée et publique, et la psychologie technique, qui jouissent d'une influence importante auprès des pouvoirs publics, l'Arabe musulman est désormais un tout-autre, inférieur et inquiétant.
Miracle de l'essentialisation qui permet de faire passer des continuités tout à fait improbables pour des vérités psychologiques et comportementales.
Le projet même de République impériale, sa réalisation obstinée et souvent meurtrière entre 1881 et 1912, son extension après la première Guerre Mondiale au Togo, au Cameroun, au Liban et en Syrie, la mise en place d'un État colonial comme État d’exception permanent, l'assujettissement des “indigènes“ établi par leur statut de “sujets français“ et de nombreuses dispositions exorbitantes du droit commun, la défense implacable des possessions ultramarines n'auraient pas été sans l'adhésion de la majorité des dirigeants politiques et des élites républicaines aux doctrines relatives à l'inégalité des races. Pas de République impériale sans République raciale, et sans racisme d’État, tous trois entés sur un racisme scientifique, élitaire et républicain grâce auquel la première et la seconde ont été conçues puis mises en œuvre avec le soutien des radicaux-socialistes et des socialistes.
Depuis que la religion musulmane, en raison de l’actualité nationale et internationale, est pensée par beaucoup comme un problème majeur posé à la France, à l’Europe et à l’Occident, les thèses d’Ernest Renan sont fréquemment invoquées
À la complexité des situations surgies après la Grande Guerre se substitue une interprétation monocausale caractérisée par le primat de la religion, laquelle permet de rendre compte de l’histoire des musulmans et de la période contemporaine. Une fois bien établie sur le plan académique et éditoriale, une telle démarche tend à devenir infalsifiable pour ceux qui estiment qu'elle est scientifiquement fondée puisqu'elle est réputée expliquer le cours des choses et conforter la thèse qu’ils défendent : depuis ses origines, l'islam et ses sécateurs sont violents et ils n'ont jamais cessé d’être des ennemis du christianisme, de l'Europe et de l’Occident.
l’objet de ce livre n’est pas l’islam, comme civilisation et religion, son histoire et celle des musulmans vivant dans les possessions françaises à l’époque coloniale. Il s’agit d’étudier les représentations savantes, communes parfois aussi, qui ont été élaborées au cour de cette période
Les représentations d’origine diverses, qui font de l’islam une religion inférieure et dangereuse, ont ainsi favorisé l’avènement d’un « régime de vérité » puissant et longtemps persistant puisqu’il a perduré dans des disciplines comme la psychologie ethnique et la démographie, jusqu’aux années 1960
Quelles furent la genèse de ce « régime de vérité », les évolutions de celles et ceux qui ont contribué à sa construction comme à sa pérennité, et leur influence sur les politiques « musulmanes » de la France ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous entendons répondre
Remarquable expression de la force des préjugés à l’endroit des musulmans, de leur religion, de leur civilisation et de leur histoire, constitutifs d’une islamophobie savante parée des atours de la recherche érudite ?
l’islamophobie savante de la fin du XIXe siècle et ses avatars ultérieurs peuvent s’analyser comme une forme spécifique de racisme différentialiste et inégalitaire qui essentialise et éternise les traits réels ou supposés imputés aux musulmans