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EAN : 9782355220050
204 pages
La Découverte (03/06/2010)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Internement administratif pour une durée indéterminée, responsabilité collective appliquée à des tribus et des villages entiers, séquestre des propriétés « indigènes » et transfert de celles-ci aux colons, Code de l’indigénat enfin, adopté en 1875 puis régulièrement reconduit par les députés de la IIIe République : telles sont les principales dispositions répressives appliquées dans l’Algérie coloniale, jusqu’en 1945.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Olivier le Cour Grandmaison est un chercheur engagé. A cheval sur les sciences politiques, l'histoire, la sociologie, le droit, son oeuvre se lit comme une déconstruction de l'aventure coloniale dont il montre que le caractère impérial et violent continue à imprégner nos sociétés. Son dernier ouvrage, publié chez Zones, un label des éditions La découverte lancé en 2007 qui se présente comme un « espace de résistance éditoriale », est la prolongation de ses précédents essais : Coloniser, exterminer (Fayard, 2005), La République impériale (Fayard, 2009).
Ce livre a le mérite de nous faire (re)découvrir une matière tombée dans l'oubli : le droit colonial. Les historiens du droit la dédaignent, les historiens l'ignorent. Si Laure Blévis lui a consacré une thèse de sciences politiques, encore inédite , la majorité des politistes s'en désintéresse. Les textes, dont l'accès à l'époque était déjà rendu difficile par leurs incessantes modifications, sont aujourd'hui inaccessibles. Olivier le Cour Grandmaison nous entraîne dans les arcanes de cet « immense continent englouti » (p. 28) dont il reprend les commentaires qu'en faisait la doctrine de l'époque . Il commente longuement le « code de l'indigénat », dont la première version fut adopté en 1875 en Algérie, et sa cohorte de sanctions administratives que les gouverneurs généraux – qu'Amadou Hampâte Bâ surnommait « les dieux de la brousse » – pouvaient infliger aux « indigènes », en violation du principe de la séparation des pouvoirs : l'internement administratif, la déportation, l'amende collective, contraire au principe de l'individualité des peines, la mise sous séquestre, le travail forcé, la restriction des libertés d'expression, de réunion, d'association …. Il révèle ainsi un système structurellement inégalitaire, dans lequel les impératifs de la colonisation justifiaient que soient appliqués aux « indigènes » un état d'exception permanent.
Si le Cour Grandmaison passe tant de temps dans l'exégèse de ces textes oubliés, c'est parce qu'ils révèlent de façon éclatante les contradictions du projet colonial. Menée au nom des Lumières, s'auto-justifiant comme un acte désintéressé de civilisation, la conquête coloniale s'avère n'être qu'une entreprise impériale et dominatrice. La France, patrie des Droits de l'Homme, a violé les principes universels de la Révolution dans ses colonies. Et elle l'a fait en toute connaissance de cause, nous dit l'auteur qui prend un malin plaisir à révéler chez les plus grands républicains (Ferry, Sarraut, Doumer …) un relativisme juridique aujourd'hui inadmissible. Mêmes ceux qui s'élevaient contre cet arbitraire restaient prisonniers d'une conception inégalitaire et raciste. Certes, cet ordre était en théorie transitoire, ne valant que le temps que les « indigènes » atteignent aux progrès de la civilisation. Mais, dans les faits et surtout dans les esprits, cet horizon était si lointain que l'assujettissement des « sujets » de l'Empire semblait devoir durer toujours.
L'auteur est hélas moins convaincant quand, troquant l'habit de l'historien pour la robe du procureur, il jette des ponts entre la législation coloniale et le droit contemporain sur l'entrée et le séjour des étrangers et se lance, dans une conclusions aussi virulente qu'hors sujet, dans une violente diatribe contre le refus sarkozyste de toute repentance coloniale.
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« Nous savions le régime des colonies autoritaire ou dictatorial, on le découvre arbitraire et cette seconde caractéristique est liée non à l'absence de législation, comme la tradition de la philosophie classique et moderne nous l'apprend, mais à sa prolifération sous la forme des règlements. »

L'État français ne se serait pas comporté comme les autres impérialismes dans les colonies, telle serait l'histoire, les contes ou les légendes, encore fortement présents au pays des Droits de l'homme.

Olivier le Cour Grandmaison va, texte après texte, démonter le « régime du bon tyran », le statut des ”indigènes” qui furent sujets français mais non citoyens, la justice coloniale comme justice d'exception ou le(s) code(s) de l'indigénat « code(s) matraque(s) ».

L'auteur analysera aussi l'internement administratif, les amendes collectives et les séquestres, les libertés publiques dans les colonies ou le « travail forcé et esclavage de case », avant de conclure sur ”l'oeuvre coloniale” et la mythologie nationale.

Avec l'auteur il convient de souligner que tou(te)s n'ont pas partagé les arguments et les pratiques racialisantes et/ou racistes « Pour avoir été longtemps dominantes, ces différentes conceptions n'en ont pas moins suscité de vives critiques formulées par des contemporains venus d'horizons politiques divers. Envers et contre toutes les théories racistes et les pratiques discriminatoires soutenues par leurs pairs, ils ont défendu un projet universaliste fondé sur les principes des droits de l'homme et sur ceux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. » Les responsabilités des dirigeants politiques, militaires et intellectuels ne sauraient, en effet être oubliées, en regard des résistances des peuples et de certain-e-s qui n'ont jamais accepté la double lecture du droit ici et des non droits là bas.

« C'est clair, précis et concis : deux ordres politico-juridiques radicalement différents ont presque toujours été établis et ils peuvent continuer à s'épanouir en toute légalité sous la loi fondamentale du 4 novembre 1848. » et « Ce dernier n'est pas dérogatoire aux principes républicains et aux dispositions nationales de façon marginale et superficielle, ou en vertu d'une conjoncture exceptionnelle aux effets limités dans l'espace et le temps, et pour des individus concernés. Dérogatoire et discriminatoire, le droit colonial l'est au contraire par essence puisqu'il est systématiquement soustrait au principe de la déclaration du 26 aout 1789 relatif à la généralité de la loi sans laquelle il n'est plus d'égalité. »

Mais n'oublions pas aussi 1936 et même la sortie de la seconde guerre mondiale sans libération pour les peuples colonisés « Voila qui éclaire d'un jour particulier les principes défendus et les orientations mises en oeuvre par certains qui luttaient dans les rangs de la Résistance. »

L'auteur a parfaitement raison lorsqu'il souligne, comme dans ces précédents ouvrages, le rôle des intellectuels institutionnels, ceux de la faculté, leur capacité à propager des âneries, à justifier les discriminations et les crimes sans autres (ir)responsabilités que celle de la « science » et la négation en permanence de la démocratie, du droit des sans à parler et être.

En ces temps de retour aux « valeurs républicaines » ou « pacte républicain », il convient de souligner l'ensemble des réalités de cette république impériale et colonisatrice « Oh ! Les beaux jours de la mythologie nationale ! », ou pour le dire, dans un autre registre, comme Pierre Zarka : « Ce qui est vain, c'est de vouloir réactualiser des ressorts qui fondaient la dépossession et l'aliénation. » (Omos : Désir individuel Conscience collective, Syllepse, Paris 2010).

Un complément érudit aux passionnants : Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial (Fayard, Paris 2005) et La République impériale. Politique et racisme d'État (Fayard, Paris 2009)
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Pour avoir été longtemps dominantes, ces différentes conceptions n’en ont pas moins suscité de vives critiques formulées par des contemporains venus d’horizons politiques divers. Envers et contre toutes les théories racistes et les pratiques discriminatoires soutenues par leurs pairs, ils ont défendu un projet universaliste fondé sur les principes des droits de l’homme et sur ceux du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
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Ce dernier n’est pas dérogatoire aux principes républicains et aux dispositions nationales de façon marginale et superficielle, ou en vertu d’une conjoncture exceptionnelle aux effets limités dans l’espace et le temps, et pour des individus concernés. Dérogatoire et discriminatoire, le droit colonial l’est au contraire par essence puisqu’il est systématiquement soustrait au principe de la déclaration du 26 aout 1789 relatif à la généralité de la loi sans laquelle il n’est plus d’égalité.
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Nous savions le régime des colonies autoritaire ou dictatorial, on le découvre arbitraire et cette seconde caractéristique est liée non à l’absence de législation, comme la tradition de la philosophie classique et moderne nous l’apprend, mais à sa prolifération sous la forme des règlements
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C’est clair, précis et concis : deux ordres politico-juridiques radicalement différents ont presque toujours été établis et ils peuvent continuer à s’épanouir en toute légalité sous la loi fondamentale du 4 novembre 1848.
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