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EAN : 9782213625157
401 pages
Fayard (11/02/2009)
5/5   1 notes
Résumé :
Au tournant du XIXe siècle, les républicains favorables aux conquêtes coloniales ont réussi là où leurs prédécesseurs avaient échoué. Entre 1871 et 1913, les possessions françaises en outre-mer sont passées de moins d'un million de kilomètres carrés à treize millions. Quant aux "indigènes", leur nombre a progressé de sept à soixante-dix millions en 1938. Extraordinaire expansion. Elle est sans précédent dans l'histoire du pays qui, devenu la deuxième puissance impér... >Voir plus
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Après la polémique suscitée par son précédent essai sur la guerre coloniale Coloniser, exterminer (Fayard, 2005), Olivier le Cour Grandmaison revient à la charge. En 400 pages très denses, d'une impressionnante érudition, empruntant à l'histoire des idées, à la philosophie politique, mais aussi au droit, à la sociologie voire à la psychologie, il expose une thèse simple sinon simpliste : à partir de 1885, la IIIe République est devenue impériale. Les historiens de la République comme ceux de la colonisation ont sous-estimé ce processus d'impérialisation des institutions et des mentalités : l'auteur cite l'ouvrage de référence de Pierre Rosanvallon L'État en France : de 1789 à nos jours (Le Seuil, 1990) qui passe sous silence l'histoire coloniale de la République. Pourtant, à partir de la conquête de l'Indochine et du ralliement de toute la classe politique à l'idée coloniale, l'outre-mer va prendre une place considérable dans l'État et dans la psyché des Français. Au lendemain de la Débâcle de 1870 et à la veille de la reconquête de l'Alsace-Lorraine, il constitue pour la métropole un facteur de fierté et de régénération.

La description de cet État impérial-républicain et de ses institutions surannées (le ministère des Colonies, l'École coloniale, l'Académie des sciences coloniales) est savoureuse. En revanche, O. le Cour Grandmaison est beaucoup moins convaincant lorsqu'il expose les ressorts de ce processus. Sautant de 1870 à 1940 sans souci de la chronologie, il donne parfois au lecteur le vertige par la masse et par l'aridité de sa documentation. Il a certes le mérite de se plonger dans des sources négligées : les volumineux manuels de législation coloniale, les délires racistes du darwinisme social, l'exotisme frelaté du roman colonial dont l'immense succès au début du XXe siècle n'a d'égal que la profondeur de l'oubli dans lequel il est tombé aujourd'hui. Mais hélas la montagne accouche d'une souris : tous les livres, les articles, les discours qu'il sollicite révèle la banalité d'un racisme aujourd'hui inadmissible. Qu'il existât des races et qu'elles fussent hiérarchisées était alors tenu pour vérité scientifique. Considérer que les Blancs occupaient le plus haut degré de civilisation et les Noirs le tout dernier et que le rôle des premiers soit d'accompagner les seconds dans un lent et difficile processus de maturation n'était en rien raciste mais plutôt la marque d'un esprit libéral et philanthrope. Cela est certes affligeant, mais bien peu original.

O. le Cour Grandmaison a le tort de se concentrer sur les concepts et les discours et de négliger les pratiques. Les expériences vécues des colonisés et des colons, leur évolution au fil du temps, les différences entre l'Indochine, le Maghreb et l'Afrique noire sont gommées. À la fin du chapitre II, O. le Cour Grandmaison évoque trop brièvement les pratiques sociales en colonie. L'espace de quelques pages, son livre se met à vivre : s'animent les casques coloniaux, les dames en crinoline, les boys empressés… L'analyse du « langage colonial », notamment de ce tutoiement autoritaire et infantilisant dont les colons usaient – et usent parfois encore – avec les colonisés, est éclairante. Mais bien vite, l'auteur s'égare encore, notamment dans l'ultime chapitre où l'auteur conclut une analyse comparée de « l'espace vital » colonial et du Lebensraum national-socialiste par l'irréductibilité de ces deux concepts.

La lecture de ce savant ouvrage est frustrante. On ne parvient pas à se départir du sentiment que O. le Cour Grandmaison a raté sa cible et à le regretter. La dénonciation du mythe d'un système colonial bienveillant, à laquelle il entendait porter sa pierre, est pourtant indispensable. Nombreux sont les universitaires qui, en France et aussi aux États-Unis, depuis la broncas provoquée par la loi du 23 février 2005, s'y sont déjà attelés avec succès.
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« le concept d'état impérial-républicain oblige à penser ensemble des réalités qui sont trop souvent dissociées, ce qui autorise certains à traiter de la Troisième République en omettant, ou en tenant pour secondaire, son caractère impérial, justement, ou, à l'inverse, à prendre pour objet la constitution de la ”Plus Grande France” sans s'intéresser véritablement à ses nombreuses conséquences institutionnelles et juridiques en métropole par l'avènement de l'empire. »

Olivier le Cour Grandmaison interroge les instruments politiques, administratifs, juridiques et scientifiques qui ont permis ou facilité l'extraordinaire expansion des possessions française en outre-mer et les orientations, assimilation ou association, choisies pour gérer des dizaines de millions d'indigènes de la « Plus Grande France ».

A l'heure de la glorification de la colonisation, il est important de lire et d'analyser ce que furent les débats des républicains, leur basculement dans le racisme « Racisme de la législation et des conceptions qui la soutiennent, racisme de l'État français aussi, puisque, inassimilable, l'indigène ne peut-être traité comme un égal endroit et en dignité, cependant que les représentations qui légitime son statut d'assujetti dans les colonies affectent également sa situation lorsqu'il réside en métropole. Immigré désormais, considéré comme tel, du moins, alors qu'il ne vient pas d'un pays étranger, il est pensé comme une menace grave pour la société au sein de laquelle il vit sans pouvoir s'y intégrer en raison de ses caractéristiques raciales, culturelles et cultuelles » et son organisation par la République, la construction hégémonique de ”l'espace vital” jugé indispensable au développement de la métropole et à la vie de ses habitants. L'auteur souligne le rôle des institutions, des sciences et de leur représentant dans l'enseignement.« Triomphe de l'opinion parée des atours d'une parole et/ou d'une écriture d'autant plus autorisées et doctement dispensées qu'elles apparaissent scientifiquement fondées ; spectaculaire défaite de la réflexion. »

Loin des visions angéliques, des récits mythologiques, de la ”glorieuse tradition” des droits de l'homme, l'auteur nous dévoile un pan, pas encore acceptée, de la frauduleuse république démocratique. Comprendre cette histoire, c'est pouvoir appréhender ce qui perdure, même sous une autre forme, dans la société française actuelle. C'est aussi comprendre le présent d'un passé qui ne passe pas pour des millions de français-e-s et d'autres dont des ”racines” réelles, symboliques, mémorielles ou imaginaires sont induites par la colonisation.

Loin de le déclaration du 26 août 1789 et d'une certaine tradition cosmopolite et révolutionnaire, l'expansion géographique de la république et son patriotisme étroitement national, prospéra « grâce à l'emploi des armes et à l'asservissement des contrées et des ”peuplades” vaincues au nom de la supériorité de la ”race blanche” et de ses prétendus devoirs. »

Quatre parties au livre : « La République impériale », « de l'assimilation à la ”politique d'association” », « ”Lutte pour l'existence”, empire et défense de l'Europe » et « L'empire : ”le salut et l'avenir de la patrie” »

Olivier le Cour Grandmaison termine son ouvrage en montrant les ancrages, les similitudes entre la colonisation et les politiques génocidaires en Allemagne nazie, au Cambodge pour ne citer que ces deux exemples.« A cette époque, l'espace vital impérial, qu'il soit français, allemand, britannique ou belge, repose fondamentalement sur une logique d'exploitation des races inférieures, et non sur une logique de destruction. »

«Impossible d'analyser l'émergence, la formation et parfois même le fonctionnement précis de l'espace vital national-socialiste en faisant abstraction de l'espace vital impérial qui le précède, celui-là même dont l'importance est trop souvent sous estimée, voire ignorée, par les études qui arrachent les conceptions hitlériennes à l'époque au sein de laquelle elles ont vu le jour. »

Et il en souligne les dissemblances « Continuité relative d'un labeur servant à des fins d'anéantissement et dont l'invention semble antérieure à l'émergence de cette forme inédite de domination ; discontinuité évidente de ses usages, liée au saut qualitatif engendré par les spécificités de ces régimes et par leur radicalisation criminelle où le travail-destruction est conçu comme un moyen supplémentaire de produire des cadavres par millions et de terroriser les vivants », l'irréductibilité des politiques d'anéantissement « Dès lors, l'espace vital national-socialiste, pour ceux qui sont identifiés comme Juifs, change de nature et bascule du côté d'une politique d'extermination radicale qui s'émancipe de toute considération économique et militaire, puisque le génocide anéantit des hommes et des femmes en âge de travailler, alors que l'Allemagne est confrontée depuis longtemps déjà à une pénurie de main-d'oeuvre toujours plus grave ».

(Un aparté : la qualification juridique et moderne de crime contre l'humanité, de crime de guerre, de génocide, de massacre, ne vise pas à compter le nombre de mort-e-s ou à classifier suivant leur ”gravité” des exactions des groupes humains, mais plutôt au delà des similitudes d'essayer de faire ressortir les spécificités. Est-il besoin ici rappeler qu'un-e mort-e est un-e mort-e et qu'un-e assassiné-e est un-e assassiné-e.)

Il faut aussi souligner, que nul-le ne peut s'abriter derrière un relativisme temporel pour méjuger, pour re-qualifier ou ignorer ; « Défaite de l'universel, triomphe éclatant et durable d'un relativisme juridique, politique et moral, qui repose désormais sur des fondements d'autant plus sûrs qu'ils paraissent scientifiquement établis, en même temps que ce dernier ne légitime un ordre colonial inégalitaire, discriminatoire et illégal ; nul ne l'ignore alors. »

Un complément au passionnant « Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial » paru chez le même éditeur en 2005.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Racisme de la législation et des conceptions qui la soutiennent, racisme de l’État français aussi, puisque, inassimilable, l’indigène ne peut-être traité comme un égal endroit et en dignité, cependant que les représentations qui légitime son statut d’assujetti dans les colonies affectent également sa situation lorsqu’il réside en métropole. Immigré désormais, considéré comme tel, du moins, alors qu’il ne vient pas d’un pays étranger, il est pensé comme une menace grave pour la société au sein de laquelle il vit sans pouvoir s’y intégrer en raison de ses caractéristiques raciales, culturelles et cultuelles
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Le concept d’état impérial-républicain oblige à penser ensemble des réalités qui sont trop souvent dissociées, ce qui autorise certains à traiter de la Troisième République en omettant, ou en tenant pour secondaire, son caractère impérial, justement, ou, à l’inverse, à prendre pour objet la constitution de la "Plus Grande France" sans s’intéresser véritablement à ses nombreuses conséquences institutionnelles et juridiques en métropole par l’avènement de l’empire.
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Continuité relative d’un labeur servant à des fins d’anéantissement et dont l’invention semble antérieure à l’émergence de cette forme inédite de domination ; discontinuité évidente de ses usages, liée au saut qualitatif engendré par les spécificités de ces régimes et par leur radicalisation criminelle où le travail-destruction est conçu comme un moyen supplémentaire de produire des cadavres par millions et de terroriser les vivants
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Impossible d’analyser l’émergence, la formation et parfois même le fonctionnement précis de l’espace vital national-socialiste en faisant abstraction de l’espace vital impérial qui le précède, celui-là même dont l’importance est trop souvent sous estimée, voire ignorée, par les études qui arrachent les conceptions hitlériennes à l’époque au sein de laquelle elles ont vu le jour.
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A cette époque, l’espace vital impérial, qu’il soit français, allemand, britannique ou belge, repose fondamentalement sur une logique d’exploitation des races inférieures, et non sur une logique de destruction
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