Le président américain reste immobile, comme sonné. Le mathématicien observe cet homme primaire, et il se conforte dans l’idée désespérante qu’en additionnant des obscurités individuelles on obtient rarement une lumière collective.
-J'ai une devinette, [...]
-Les pauvres en ont, les riches en ont besoin, et si on en mange, on meurt.
p262
Si l'Afrique toute entière est un enfer pour les homosexuels, le Nigeria est son neuvième cercle. Il y a la loi, qui les menace de quatorze années de prison, il y a la police, qui les pourchasse et leur extorque de l'argent, il y a toute une population qui les rejette, avec répugnance et détestation, abreuvée de haine et de rumeurs par les évêques et prêtres évangélistes au sud, et au nord par les musulmans qui appliquent la charia. Pas un jour sans que des jeunes soient assassinés, lynchés, pas un jour sans qu'un chanteur, un acteur, un sportif, la terreur dans la voix, ne doive se défendre d'être gay.
L'espoir nous fait patienter sur le palier du bonheur. Obtenons ce que nous espérions, et nous entrons dans l'antichambre du malheur.
... le succès à cinquante ans, c’est la moutarde qui arrive au dessert.
... la liberté de pensée sur internet est d’autant plus totale qu’on s’est bien assuré que les gens ont cessé de penser.
La nostalgie est une scélérate. Elle laisse croire que la vie a du sens.
Il lui demanda, en bafouillant, comment traduire "crème anglaise" en anglais, puisque french cream est la chantilly. [...] Elle avait ri, poliment, avait répondu Ascot cream d'une voix rauque qui lui avait paru féerique, et elle était retournée à sa table rejoindre des amies. Il lui fallut du temps pour réaliser qu'Ascot, comme Chantilly, était un hippodrome, mais anglais.
p27
Miesel, qui peut sembler absent et distant, a la réputation d'un homme d'humour, malgré tout. Mais un homme d'humour digne de ce nom ne l'est-il pas toujours, "malgré tout"?
p26
Depuis la mort de mon père, il y a plus de trente ans, je gardais toujours dans ma poche une briquette. Ce n’était ni un fétiche, ni un porte-bonheur. Juste quelques grammes de souvenir, presque une habitude. On m’a rendu celle que conservait le Victor qui s’est suicidé, et elles sont désormais deux. J’ai oublié laquelle est laquelle, et je les ai unies. Je ne saurais dire ce qu’elles symbolisent, mais j’ai l’impression d’avoir plus de choix, d’être plus libre que jamais. Malgré tout, je n’aime pas trop ce mot de « destin ». Ce n’est qu’une cible qu’on dessine après coup à l’endroit où s’est fichée la flèche.