Citations sur Le jardin des épitaphes, tome 1 : Celui qui reste debout (15)
Une larme coule sur sa joue. D'un genre furtif. Je les appelle les larmes éphémères. Elles sont comme une ponctuation dans les émotions de ma petite sœur. Une façon particulière de rythmer le flux de ses sentiments. Une virgule dans l'océan de sa sensibilité.
- Il n'y a qu'une chose à craindre des zombies : leurs dents.
Là, Double-peine hausse franchement les épaules. Elle désigne la foule amassée au pied de notre immeuble d'un air sceptique.
- Ben ceux-là, ils ne sont pas vraiment dangereux, regarde l'état de leurs dents.
Nous sommes au quatrième étage et la lumière n'est pas encore suffisamment franche. Mais force est de reconnaître qu'elle a raison. Leur dentition est dans un état déplorable.
- Faut pas leur en vouloir, l'hygiène n'est pas le point fort des zombies.
- On pourrait leur balancer des savonnettes ? propose ma petite sœur.
La route qui nous sépare de notre destination est longue? Parfait.
Les dangers seront multiples? Parfait.
Les chances de parvenir à notre objectif sont moindres? Parfait.
On va quand même y aller. Et on ne baissera jamais les yeux. Et même plus : on va s'en payer une bonne tranche. On va rire à s'en faire exploser les cordes vocales.
Nous, les vagabonds du jardin des épitaphes.
Au bout de quelques années de travaux intensifs, ils sont parvenus à la conclusion suivante : l'homme ne contrôlait plus rien. L'humanité était une machine énorme qui était lancée sans que rien ni personne ne puisse intervenir. L'homme se contentait de faire de la figuration.
Observez ces petites rides qui se forment sur le côté de mes paupières. Ce sont une multitudes de petits sourires. Pas besoin de sa bouche lorsqu'on a de petits yeux rieurs.
- Qu'est-ce qui va se passer lorsque nous serons en Espagne? me demande Double-peine.
- Pas grand chose, lui réponds-je. Si on croise des gens qui veulent nous manger, ils nous le diront en espagnol.
Plus de bonbons Mentos, plus d’affiches annonçant les prochaines sorties au cinéma, plus de jeux vidéo de baston, plus de kebabs, plus de connexion wifi, plus de concerts de System of a Down…
Je m’interromps. Je me demande si les musiciens sont toujours en vie. Ils ne peuvent pas être morts. Ils sont immortels.
Puis j'ouvre le paquet de céréales et le place face à Double-peine - les paquets de céréales constituent une étape essentielle de l'apprentissage dans la lecture.
L'humanité, c'était une affaire qui roulait. Même s'il paraissait évident que son avenir avait depuis longtemps complètement échappé aux hommes.
- Mais ne vous faites pas de mouron, je m'en occupe. J'ai un plan.
- Quel genre de plan?
- Le genre de plan... stupide.