Irène lui prend la main et la serre fort, mais dans son dos, elle entend des sanglots. Martine s'est effondrée dans un fauteuil et elle s'excuse déjà de se laisser aller comme ça. Irène se place derrière Sidonie et la serre dans ses bras. Elles ne font plus qu'un seul corps sans qu'un seul mot soit échangé entre elles. Depuis qu'Irène est entrée dans la pièce, tout est revenu, la moindre nuance dans le regard de Sidonie a un sens qu'elle seule peut percevoir. La jeune fille a enfin trouvé quelque chose qui lui donne indéniablement un ascendant sur sa mère. Elle peut triompher, sa victoire est éclatante. Ses yeux recèlent une violence tranquille et déterminée, elle est enfin légitime dans cette maison.
Léopold a toujours été comme une évidence devant moi, et je n'ai jamais pris la peine de chercher à savoir d'où il venait, qui il était. Notre rencontre était écrite. Pour la première fois de ma vie j'ai trouvé un homme qui sait vivre avec mes silences et mes secrets, ma vérité et ses aménagements.
Alors je ne veux pas connaître le long chemin qui l'a mené ici.
La nostalgie, cette façon de pleurnicher sur le passé sous prétexte qu’on a tout simplement eu le privilège de vieillir quand d’autres sont morts avant d’obtenir ce luxe.
Ce soir il m’apparaît que sa route a pu être longue et tortueuse mais je ne veux pas savoir quelles étapes l’ont jalonnée. Qu’avant de me trouver il ait été moine ou assassin, mercenaire ou évangéliste n’a pas d’importance. Que notre parcours commun soit la dernière ligne droite de son trajet ou simplement un diverticule avant un grand virage, je ne peux le prévoir, aussi me faut-il accepter la fragilité de ma condition et vivre avec la menace que tout soit de nouveau saccagé.
Pour la première fois de ma vie j’ai trouvé un homme qui sait vivre avec mes silences et mes secrets, ma vérité et ses aménagements. Alors je ne veux pas connaître le long chemin qui l’a mené ici.
Mon monde intérieur est la scène d'un théâtre où les acteurs sont un peu trop fardés, leur jeu mélodramatique est certes outré, mais je les aime parce qu'ils font preuve de conviction. Au rythme des entrées et des sorties, des deus ex machina, ils se démènent pour donner corps à leurs personnages et les rendre plus vrais que nature. (136)
Très vite, la jeune-fille découvre avec ravissement, au contact de ce couple de vieux et de leurs voisins du même âge, la liberté de ne rien faire, de regarder s'égrainer le temps avec la jubilation propre à ceux qui savent capter toutes les nuances d'enchaînements d'un instant à l'autre. (106)
La nostalgie, cette façon de pleurnicher sur le passé sous prétexte qu'on a tout simplement eu le privilège de vieillir quand d'autres sont morts avant d'obtenir ce luxe, met Irène en colère. (48)