Comme nous le prouve Alain Leblanc, la libération de la femme est un combat générationnel. Au travers d'une saga composée de trois tomes, allant de 1890 à nos jours, l'auteur retrace la lutte des femmes pour leur indépendance et les avancées qui ont permis leur émancipation.
Dans ce premier tome « Les chaînes », qui s'étale des années 1890 aux années 1930, nait Clémence, dans une famille qui rêvait d'un garçon et non pas d'une progéniture représentant ce qu'il pense être « le sexe faible ». Esprit rebelle, elle ne comprend pas la condition des femmes de son époque, qu'elle trouve, à raison, injuste. Elle se bat dès son plus jeune âge contre l'asservissement de son père et rêve de mener une vie libre. Mais, en ce début de XXème siècle, la femme n'a pas son mot à dire, elle est soumise à son père, puis, à son mari qu'on lui impose. Toute pensée féministe est perçue comme vulgaire, contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Toutefois, ce n'est sans compter que l'histoire parfois s'en mêle : en effet, éclate la première guerre mondiale qui donnera aux femmes l'occasion d'aller travailler pour remplacer leurs époux partis sur le front. Armées de courage, elles démontreront à la société toute entière qu'elles sont l'égale des hommes sur tous les plans. Elles s'imposent et apparaissent comme indispensables. Quant à Clémence, inspirée par cette vague de lutte, elle est bien déterminée à réaliser ses rêves et devenir une des premières femmes libres de son époque. On la suit donc pendant près de 40 ans durant lesquelles, malgré ses durs combats, ses déceptions, ses peurs et ses sacrifices, elle tentera de décrocher sa liberté.
Le roman est très crédible, tant sur le plan historique que moral. Il reflète bien les réalités de l'époque, aussi abjectes soient elles. Cette chronologie permet de bien comprendre et mettre en exergue le mouvement de libération des femmes et des moeurs, de manière plus générale. Clémence évolue avec son temps et se bat contre tous les obstacles de la société. C'est un personnage très touchant dont on ressent toute la colère et la détermination, à une époque où les femmes sont dominées par les hommes. Toutes les femmes dans ce roman s'apparentent à de belles héroïnes. Chacune vit une histoire différente, avec leur défaut, mais toutes ont cette volonté de liberté. Quant aux hommes, certains personnages masculins sont exécrables mais cela sert à l'histoire, tant ils sont réalistes. Parallèlement, quelques intellectuels masculins un peu plus avancés ont d'autres visions sur la femme, et heureusement !
La plume de l'auteur est de plus en plus fluide au fil des pages. Au départ, on ressent un certain malaise dans cette narration exclusive au passé simple qui perd en authenticité et en naturel. Puis, peu à peu, il reprend la maitrise du récit et se l'approprie totalement. Il mêle très bien l'histoire à la fiction et nous emporte dans cette fresque romanesque. La vie de Clémence est passionnante.
C'est un coup de coeur, d'autant plus que, dans une actualité où les femmes luttent encore pour l'égalité, c'est une saga qu'il semble nécessaire de lire.
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