La main se promenait sur le babillage des buissons blancs, sur les derniers frimas des prairies, sur l'empois des premiers bourgeons. Le printemps qui avait pépillé d'impatience dans ma peau éclatait en lignes, en courbes, en rondeurs. Isabelle allongée sur la nuit enrubannait mes pieds, déroulait la bandelette du trouble.
Donnez-nous vos haillons, saisons. Soyons les vagabondes aux cheveux laqués par la pluie. Veux-tu Isabelle, veux-tu te mettre en ménage avec moi sur le bord d'un talus? Nous mangerons nos croûtons avec des mâchoires de lion, nous trouverons le poivre dans la bourrasque, nous aurons une maison, des rideaux de dentelle, pendant que les roulottes passeront et s'en iront aux frontières. Je te déshabillerai dans les blés, je t'hébergerai à l'intérieur des meules, je te couvrirai dans l'eau sous les basses branches, je te soignerai sur la mousse des forêts, je te prendrai dans la luzerne, je te hisserai sur les chars à foin , ma Carolingienne.
Elle souleva mon bras, elle se nourrit dans l'aisselle. Ma hanche pâlissait. J'avais un plaisir froid. Je ne m'habituais pas à tant recevoir. J'écoutais ce qu'elle prenait et ce qu'elle donnait, je clignotais par reconnaissance : j'allaitais. Isabelle se jeta ailleurs. Elle lissait mes cheveux, elle flattait la nuit dans mes cheveux et la nuit glissait le long de mes joues. Elle cessa, elle créa un entr'acte. Front contre front, nous écoutions le remous, nous nous en remettions au silence, nous nous soumettions à lui.
La caresse est au frisson ce que le crépuscule est à l'éclair. Isabelle entraînait un râteau de lumière de l'épaule jusqu'au poignet, elle passait avec le miroir à cinq doigts dans mon cou, sur ma nuque, dans mon dos. Je suivais la main, je voyais sous mes paupières une nuque, une épaule, un bras qui n'étaient pas ma nuque, mon épaule, mon bras. Elle violait mon oreille comme elle avait violé ma bouche avec sa bouche. L'artifice était cynique, la sensation singulière. Je me glaçai, je redoutai ce raffinement de bestialité. Isabelle me retrouva, elle me retint par les cheveux, elle recommença. Le glaçon de chair m'ahurit, la superbe d'Isabelle me rassura.
Le baiser ralentit dans mes entrailles, il disparut, courant chaud dans la mer.
Mais je l'aimais avec des noeuds de crepe à chaque doigt
Vivantes ,allongées ,flottantes ,séparées,recueillies ,nous pouvions croire au repos éternel.Qu'il était frais le ruisseau de la solitude
L'amour est surmenage.Nos regards déraillaient ,perdaient la piste ,se retrouvaient .J'ai suivi le cri d'une élève dans les yeux d'Isabelle
Des mots soutirès au silence et rendus aux ténèbres.
La langue trop charnue m'effraya : le sexe étrange n'entra pas . J'attendais absente et recueilli .Les lèvres se promenaient sur mes lévres :des pétales m'époussetaient . Mon cœur battait trop haut et je voulais écouter ce scéllé de douceur ,ce frolemenr neuf . Isabelle m'embrasse me disai-je.
Elle traçait un cercle autour de ma bouche ,elle encerclait le trouble ,elle mettait un baiser frais dans chaque coin ,elle déposait deux notes piquées ,elle revenait ,elle hivernait