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EAN : 9782072906381
Gallimard (05/10/2023)
3.89/5   42 notes
Résumé :
J'étais dans l'escalier de son hôtel coquet, éveillé. "Marc, Marc..."
C'était une fille bleu pervenche qui sortait d'une chambre, qui l'appelait ainsi.
"Comment va ? lui dit-il.
- J'ai la femme, mais il faut chasser", dit-elle.
Je me mis à l'écart.
"Vous n'êtes pas de trop", me dit la demoiselle.
On voyait le brun mystérieux, la pointe des seins dans les trous de la broderie anglaise.
"J'aime bien Marc", dit-elle.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Amie de Simone de Beauvoir et auteure de plusieurs romans, Violette Leduc avait été oubliée. Je me souviens l'avoir découverte avec « La bâtarde » déniché chez un bouquiniste. (Que soient loués ici tous ceux qui offrent une seconde vie aux livres).
Ses romans d'inspiration autobiographiques ont subi la censure, c'est le cas de Ravages où elle raconte son avortement qui a failli lui couter la vie. Il faut se replacer à l'époque de sa parution, en 1955.
L'homosexualité était alors taboue et le récit du couple amoureux que forment Thérèse la narratrice et Cécile, héroïnes de fiction, évoque la liaison que Violette a eu avec Denise.
Thérèse est partagée entre deux amours, celui qu'elle voue à Cécile l'institutrice qui partage sa vie et celui qui nait et grandit entre elle et Marc, jeune homme romantique et aventurier à la petite semaine. Il est instable mais obstiné et elle tombera sous le charme.
Qui aimer de Cécile ou de Marc ? Thérèse est partagée, Thérèse ne sait plus, elle souffre, elle est malade.
Cette franchise de la part d'une femme fait scandale à l'époque, on n'est pas habitué à cette liberté de parole concernant les amours saphiques.

« Je m'abattis sur Cécile, je couvris son visage de baisers. J'espérais que j'obtiendrais un duel de baisers passionnés.
Tu pèses, dit Cécile.
L'hiver dans ma tête remplaça les fleurs, le gong, les carillons. Je l'embrassais, je l'embrassais »

Ce qui semble aller de soi aujourd'hui, une femme libre et bisexuelle, une femme qui parle de sa bâtardise et qui se fait avorter car elle ne veut pas d'enfant, dans les années cinquante, c'était choquant.
Violette Leduc raconte la fin d'un amour, la jalousie, la souffrance et la séparation avec une franchise émouvante.
« Je prenais son écharpe de laine qu'il avait laissée dans l'armoire, je l'enroulais autour de mon cou : un pan de misère tiède tombait sous la veste du pyjama, entre mes seins. Alors me balayait jusqu'aux délices amères la chevelure, le transparent argent de l'absent. »

L'écriture est fluide, élégante. Tout est d'un réalisme troublant, dialogues vivants et spontanés, scènes cruelles ou sensuelles.
Ce qui surprend, c'est cette modernité à décrire la souffrance, la peur, la jalousie et ce déchirement entre deux amours opposés.
L'histoire est sombre, elle pourrait être déprimante. Mais non, l'héroïne rebondit, toujours, se nourrit de ses peurs, de ses atermoiements.
J'ai été happée par la vivacité du récit, cette prose maitrisée aux allures fougueuses. L'histoire nous emporte, histoire de femmes, histoire d'amour aux accents de vérité. C'est fort, et c'est toujours d'actualité.



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C'est en Perse que j'ai tenté de puiser un peu de raison à ce titre, à ce récit .
«L' amour qui ne ravage pas n'est pas l'amour » nous dit le poète, mathématicien, et grand philosophe Omar Khayyâm.
Soit...
Mais alors, quel est donc le nom, le visage de cet amour qui a commis de tels ravages sur un être? le premier. le premier venu. Celui d'une mère omniprésente, abusive. Celui d'un père manquant, absent.

Dans le règne animal, l'amour parental est peut être une règle dictée par le devoir de l'espèce, mais en ce qui concerne l'humain il n'est pas une donnée constante. L'amour a ses codes, ses lois, son verbe. Aimer ce n'est pas s'accoupler, même si cela peut parfois, très souvent, en être la preuve.

Comment lorsque l'on a pas de repère, lorsqu'on a pas le langage, lorsqu'on ne connait pas les gestes, comment aimer, comment être aimé, comment savoir si on aime et si on est aimé dans le sphère que l'on doit partager avec les autres ?
Aimer pour ce que l'on donne, ce que l'on accepte de recevoir, aimer pour le plaisir d'aimer, aimer pour le plaisir de l'autre, pour son unique plaisir ?

Comment fait le petit d'homme, ce petit « bonhomme » qui n'a pas reçu l'apprentissage de l'amour ? Lorsque que la dissociation ne peut pas se réaliser du seul fait qu'il n'y a jamais eu l'acte premier de fusion ?

Dissocier ce qui n'a pas été lié, mal tissé, ou extrêmement enchevêtré paraît presque impossible. Pourtant il va bien falloir parvenir par n'importe quel moyen, arriver à se dissocier de n'importe quels bras, ne n'importe quel corps.
Quels ravages tout cela peut il provoquer sur une vie ?
L'enfant qui n'a pas reçu cette éducation à l'autre devra tenter d'apprendre seul et parfois à ses risques et périls comment aimer peut être vécu.
Aimer, il sait, il le désire, mais comment le rendre audible, lisible, palpable, compréhensible ? Comment sortir de cet autisme provoqué par le rejet ?
C'est réalisable. Après tout, l'acte d'amour est l'acte le plus personnel qui soit, un acte naturellement humain, du moins le plus souvent.
Une signature propre à chacun. Faut il encore que la main ne soit retenue par rien.

On retrouve la frappe de Leduc, l'avalanche de ses mots, de ses couleurs, des lumières, des sons, des odeurs, des étoffes, l'autel de son enfer.

L'intensité de ce qui la saisit et la traverse est le reflet de ce mal qui est enfoui dans son ventre et de cette peur panique de l'abandon provoquée par l'effroi d'une séparation que l'on se dit toujours inévitable.
Car chez Leduc, comme chez beaucoup de ces enfants en mal d'amour, le syndrome de l'abandon est constant.
On s'accroche, avec ses crocs, ses griffes à en atteindre le point inévitable de la rupture, le point critique, le point de fusion.
Ou alors on quitte, ou bien on est incapable de construire une relation sans la penser vouée d'avance à l'échec, ou, on choisit des amours impossibles. le schéma est toujours le même : souffrir plutôt que d'en crever.
Berthe, la femme qui subit l'enfant – Violette la femme qui désire sa mère.
Au péril de sa vie, mais à cette époque aurait elle eu d'autre choix.., elle choisit de ne pas répondre à la promesse d'enfant que la vie lui adressait. Elle choisit de tenir la promesse qu'elle a faite à sa mère, une profession de foi : elle ne sera jamais mère.
C'est là le premier acte de dissociation.
Risquer d'en mourir pour ne pas en souffrir...Ravages.

La dissociation elle la réalisera également par l'écriture. Sa plume est une main qu'elle saisit et qui ne la lâchera pas.

«  J'étais seule, enfin seule». le cordon se rompt, par enfant interposé.
Voilà le visage de cet amour ravageur, dé-constructeur.

C'est puissant, fulgurant, extrême, tragique, passionnel, charnel.
Il y a très peu de pages dans la littérature qui aient ce parfum là, cette résonance là, cette poésie, cette vérité. L'amour mis à mal, mis à nu, mis en brûlure,en sang, en cendres, dans la lumière de la nuit. C'est une écriture d'être et de matières. Une véritable signature. Une tragédie.

«Tu peux sonder la nuit qui nous entoure.
Tu peux foncer sur cette nuit... Tu n'en sortiras pas.
Adam et Ève, qu'il a dû être atroce, votre premier baiser,
puisque vous nous avez créés désespérés! » Omar Khayyâm.


Astrid Shriqui Garain
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"Ravages" sous la forme d'un roman d'inspiration autobiographique paru 1955 (les évènements peuvent être transposés ou modifiés mais leur signification nullement altérée) aborde de plein fouet le thème du sentiment amoureux, de sa naissance à son délitement en passant par la dépendance. Et aussi celui de l'avortement, conclusion très peu romantique de la romance amoureuse pour de nombreuses femmes, en des temps ignorants de contraception efficace.

Tout cela est vu à travers des yeux féminins, ce qui à l'époque était tout-à-fait novateur, voire absolument scandaleux pour une part majoritaire de l'opinion publique, à tel point que Simone de Beauvoir dut effectuer dans le texte des coupes franches pour le rendre acceptable par les éditeurs (Gallimard).

Ces coupes franches, on les regrette aujourd'hui. Alexandre Antolin les a étudiées dans sa thèse universitaire intitulée "Une censure éditoriale : ravages de Violette Leduc".

Mais elles n'en survivent pas moins dans les éditions actuelles sous forme de doubles pointillés dans le texte.

Cette parution en 1955, était absolument avant-gardiste. Rappelons que Dominique Aury publia "Histoire d'O" en 1954 sous pseudonyme, et que "Ravages"" parut l'année suivante sous le nom véritable de l'auteure, pari osé. Et pour mémoire encore, indiquons que "L'amant" de Marguerite Duras, ne fut édité qu'en 1984 sans aborder aussi crûment le désir féminin, mais dégagea également un parfum de scandale du fait de l'évocation d'amours interdites entre coloniaux et indigènes, et de l'ambiguïté ses sentiments des jeunes filles et des mères.

Kate Millett et d'innombrables autres écrivaines reconnurent leur dette envers Leduc, défricheuse d'un territoire jusque là tabou, quasiment de l'ordre de l'impensable, en tous cas de l'inexprimable. Anaïs Nin lui rendit par ailleurs hommage.

Il faut souligner, pour mieux faire le parallèle, que D. H. Lawrence édita "L'amant de lady Chatterley en 1928 et qu'Henry Miller écrivit "Le tropique du Cancer" en 1934, et "Sexus" en 1949.

L'attribution de prix Nobel de littérature à Annie Ernaux permet de mesurer le chemin parcouru depuis 1955. Mais comme l'a dit une des intervenantes sur le plateau de la Grande Librairie hier 19 octobre 2022 (Pénélope Bagieu, je pense, autrice de la BD "Les culottées" ) : l'attribution de ce prix récompense le courage de l'expression d'une parole jusque là minoritaire au point d'être effacée, mais signe en même temps l'échec politique de notre contrat social démocratique, en montrant à l'évidence que la libération de la parole féminine ne va pas de soi et fait encore débat aujourd'hui.

Qui détient un accès privilégié au verbe exerce un pouvoir systémique (et vice-versa), d'où la nécessité d'un rééquilibrage qui porterait sur l'ensemble des interactions dans le corps social, et non sur la seule sexualité.

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"Les glaçons dans le verre* font un bruit de chaînes dans la mer"
(*whisky)
Les images de Violette Leduc sont troublantes, morceaux de vérité grapillés dans le texte..
Avec une telle sensibilité, il semble que l'on puisse (absolument) TOUT écrire.
L'instable, le répugnant trouve sa résonnance (secrète) en nous et les moments d'inattention "surpris" par elle retrouvent l'intensité dont ils sont déchus (trop facilement) dans les descriptions habituelles, mises en route et manoeuvres, écritures de paysage.
Ici, l'être sensible volette un peu partout ; se transporte en pensée d'un lien à l'autre, d'une tête à l'autre mais surtout ignore la psychologie humaine ; réveille des impressions comme nous le faisons sans le savoir.
Le surplomb diffus, une autorité qui se reconnaît elle-même, se cherche, errance problématique.
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Il est des cas pour lesquels le destin ne semble avoir aucun sens, à moins de l'écrire, ainsi que s'y attèle Violette Leduc dans ce roman d'inspiration biographique.


« L'amour, c'est aussi de la pitié incrustée. » Pitié pour les poches déformées des vêtements de Marc, pour sa chevelure ingrate, pour son odeur de métro, pour ses bras et sa nuque de femme. Et pourtant, c'est un homme. de ce mot peut-être plus que de toute autre chose, Thérèse tombe progressivement amoureuse. « « Il y a un homme dans la maison », me dis-je avec satisfaction. » « Un homme entre dans une chambre : c'est l'oxygène au commencement du monde. »


Le véritable ressort de l'amour que Thérèse semble pouvoir éprouver pour cet homme qu'elle a accosté par hasard au cinéma tient tout autour de la signification de ce mot « homme » et dans la dissection affamée et désirante des traits du corps, des gestes, des attitudes. Thérèse se le répète sans cesse : voici un homme, voici la vie sous le joug de la fascination que génère le mot d'homme et sa réalité, qui n'en est pas à la hauteur, ce corps fluet qu'elle souhaite briser et devant lequel elle souhaite disparaître une fois qu'elle l'a fait devenir autre.


L'amour est raconté sans complaisance, sensible à l'extrême aux ambiances, témoignant du hasard aux ravages, à la reconquête de ce qui reste de vie pour soi seul.
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critiques presse (2)
LeMonde
15 décembre 2023
"Ravages", tel que Violette Leduc l’avait conçu, est le plus bel enfant qui soit, enfin arrivé à terme.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
07 novembre 2023
« Ravages », récit d’éducation sentimentale et sexuelle, reparaît enfin dans la version de l’autrice. Des scènes érotiques et autres passages jugés « obscènes » avaient été censurés à sa parution, en 1955.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
La serviette-éponge tomba de ses reins. Marc commença de se raser avec la lame enveloppée d’un côté dans du papier journal. Il me vit dans le miroir.
-Ne regarde pas ! dit Marc.
[…] Je regardai. J’espérais que je le ranimerais et que je l’intéresserais à distance ; j’espérais que Marc me dirait : « Je ne pars plus, viens. » Je le regardai longtemps, je réchauffai sans le toucher le petit tombé du nid. Je levai les yeux. Nos regards se croisèrent encore dans le miroir. Marc voyait ce que je faisais avec mes yeux. Il s’éclaircit la voix, il faillit se couper. Je baissais toujours les yeux. Je le ranimai, je le réchauffai, je le flattai encore plus bas. Marc jeta se lame de rasoir sur la tablette de verre. Il saisit mes poignets :
-Non, Thérèse, non ! Avec ton régime nous serons cinglés avant six mois.
-Nous serons cinglés, dis-je sans lever les yeux.
Je sentis que Marc aussi baissait les yeux et se regardait. Il serra les poings, il reprit sa lame de rasoir sur la tablette.
-Nus à dix heures du matin dans ce trou, dit Marc.
Je regardai : il se rasait et il regardait dans le miroir si je baissais les yeux pour voir plus bas. Je vins dans son dos, je lui frôlai lentement les hanches. Il ne me repoussa pas.
Nos regards se croisaient toujours dans le miroir, nos yeux brillaient. La main de Marc trembla, la lame de rasoir tomba dans l’évier. Je la pris, je l’essuyai et la rendis à Marc. Il haussa les épaules, il s’approcha du miroir. Je revins derrière lui, je l’enlaçai. Ma main suivit le chemin rêvé depuis le transparent de cheveux argent jusqu’à l’aine.
-Je te le donne, je te le donne ! dit Marc avec désespoir.
Le bouton d’iris que j’enfermais dans ma main avait une douceur d’apôtre.
La main de Marc trembla plus fort. Il cessa de se raser.
-Il n’y a pas que cela au monde, dit Marc.
Je le serrais, je le fortifiais, mon âme remerciait, les murs ruisselaient. Marc lança la lame dans l’évier, il enleva ma main avec des doigts contractés.
Je le suivis dans la chambre.
Il se jeta à plat ventre sur le lit, il serra l’oreiller dans ses bras.
Il souffre : j’ai la paix. Il souffre : je vais et je viens dans la chambre. Il souffre : je ne suis plus la vague qui se brise contre le rocher.
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Ce samedi-là, je fus prête une heure à l'avance. J'éteignis, je m'assis à côté du poêle, j'attendis. Ce qui ne s'écoutaient pas vivre furent toute ma vie: la locataire qui piquait à la machine, la concierge qui prenait quelques fois de l'eau à la fontaine, les enfants qui parlaient entre une cuisine et une chambre à coucher. J'attendais: je recueillais les instants des autres, mon cœur s'épanchait sur le rebord des fenêtres. La sereine escarbille tombait, le temps pour les inquiets soupirait. J'entendis des pas dans la cour: un parterre d'alouettes devant le lit s'éveilla, il illumina la chambre. Ce ne sera pas Marc comme avant. Je ne ressusciterai pas les oiseaux morts de froid. Ce n'était pas Marc. Le temps avec sa crosse, sa mitre et ses pompes passa sur les fouillis et les ronces des terrains incultes, un chien aboya où l'air se raréfie, un volet de fer retomba.
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« Il y a un homme dans la maison », me dis-je avec satisfaction. Qu’il est petit quand il est assis. Je le dépasserais si je m’agenouillais derrière lui. J’empoignerais ses cheveux, je renverserais son visage, je verrais sa grimace d’homme, d’homme que j’aurais dérangé. Il a beau être assis avec ses mille métiers qui se débinent. Du haut de sa tour, il boit et il regarde les chariots d’étoiles. Il prend son temps. C’est un homme, c’est un fournisseur. Il a le passé et l’avenir à lui. Le ciel semble plus inquiet que lui. Même plié en deux sur la pierre, il est svelte et fluet. Une taille de jeune fille. Une vraie taille de jeune fille. Des mains romantiques d’adolescent. Ce n’est pas une bête, ce n’est pas un objet. C’est un homme dont je veux disposer.
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J'ai honte sur la plage du poids de leur sexe sous le jersey du maillot de bain. Les hommes en robe me rassurent, un prêtre qui surveille la baignade d'une colonie de vacances me ravit. Je touche, je comprime ce qui me faisait honte, ce que j'évitais de regarder. Je ne lui fais rien, il ne me fera rien et c'est dangereux. Je veux tout de suite une règle de vie, je veux devenir un mannequin de pureté. Me lever à six heures du matin, me coucher à huit heures du soir. Je ne peux pas l'abandonner. Je suis allée le chercher, je lui ai donné de l'appétit. Je ne peux pas le reléguer.
Je suis soulagée quand ils s'élancent vers la vague, quand ils entrent dans l'eau, quand ils me tournent le dos, quand ils font demi-tour dans l'eau et que je ne vois que leur buste, leur visage. Je lis avec tranquillité lorsque la vague les habille amplement.
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Toute la ville m’affama. Je l’avais devant moi. Comment s’y prenait-il pour s’éclipser et réapparaître ? Il ne m’avait pas quittée : nous allions sans commencement, sans fin. Je ralentis, je le détaillai, je sacralisai le col graisseux de son imperméable, ses cheveux ingrats, sa nuque pauvre, ses oreilles décollées. J’eus des frémissements dans les bras et dans les mains, frémissements de sa taille fine, de la ceinture de son imperméable serrée comme la mienne jusqu’au dernier œillet. Il avançait à petits pas rapides, évitant par temps sec des ruisselets sur le macadam.
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Lecture par Mathilde Forget & Laura Vazquez Festival Paris en toutes lettres
En 1955, les Éditions Gallimard publient une édition censurée de Ravages de Violette Leduc. Un drame personnel et littéraire pour l'autrice, qu'elle décrit encore vingt ans après comme un « assassinat ». Cette année, une nouvelle édition propose enfin une structure revue et augmentée des passages censurés, au plus près de l'entreprise romanesque et autobiographique de Violette Leduc. Mathilde Forget qui a écrit l'une des deux préfaces, propose une soirée mêlant archives, lectures et chansons, accompagnée par la poétesse et romancière Laura Vazquez, pour fêter ensemble cet événement littéraire.
« Mon baiser est intègre lorsque j'embrasse indirectement la peau. La bouche s'épuise, la faim persiste. » Violette Leduc, Ravages
À lire – Violette Leduc, Ravages (édition augmentée), coll. « L'imaginaire », Gallimard, 2023. Mathilde Forget, de mon plein gré, Grasset, 2021. Laura Vazquez, le livre du large et du long, éditions du sous-sol, 2023.
Son : Lenny Szpira Lumière : Hannah Droulin Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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