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Critique de nescio667


L'une des affaires les plus marquantes dont le couple de privés Kenzie/Gennaro eut à s'occuper fut sans doute celle d' Amanda McCready. En 1998, âgée de 4 ans, la jeune fille avait été enlevée par son propre oncle qui estimait que la mère d'Amanda, Helene, droguée notoire, n'était pas capable de s'en occuper. Amanda avait en cachette été confiée à un policier à la retraite et à sa femme, un couple qui avait su procurer à la gamine tout l'amour et le bien-être dont elle avait besoin. Patrick Kenzie avait réussi à la retrouver et, contre l'avis d'Angela Gennaro, sa partenaire, mais aussi l'amour de sa vie, avait rendu Amanda à sa mère. Aujourd'hui encore, Patrick ne pouvait s'empêcher de ressentir un goût corsé de regret et de fierté lorsqu'il y repensait. C'était comme si cette décision, qu'il assumait entièrement, lui avait été dictée par une force intérieure irrépressible. Force qu'il aurait par ailleurs parfois aimé envoyer tout bonnement promener à grands coups de latte.
Douze ans plus tard, réconcilié avec Angela, avec qui il a à présent une fille de 4 ans, Patrick vit toujours de son boulot de détective privé, alors qu'Angela a repris des études. Les finances de la petite famille ne sont guère brillantes. Aussi, lorsque Beatrice McCready, la tante d'Amanda, refait soudain surface dans leurs existences, et leur demande d'à nouveau retrouver la jeune fille dont elle n'a plus de nouvelles depuis 3 semaines, travail pour lequel elle est incapable de les payer, Patrick et Angela ont-ils pour premier réflexe de l'envoyer promener. Mais Kenzie reste Kenzie. Et lorsque certaines personnes font -violemment- pression sur lui pour être sûres qu'il se désintéresse bel et bien d'Amanda, ces personnes ne se rendent en fait pas compte qu'elles viennent de lui insuffler le rien de motivation qu'il lui manquait pour s'occuper de cette nouvelle disparition.
Après 'Un pays à l'aube', roman-fleuve dans lequel il peignait un portrait saisissant de réalisme de son pays au sortir de la 1ère Guerre Mondiale (Voir EN 55), Dennis Lehane nous revient avec un thriller pur et dur, dans la veine des premiers titres qui nous l'ont fait connaître (« Un dernier verre avant la guerre » ou « Ténèbres, prenez-moi la main »). Remettant en selle son couple de privés favoris, il s'attaque cette fois à cette 'nouvelle pègre' que représente la mafia des pays de l'Est. A elle seule, celle-ci semble vouloir concentrer toutes les activités criminelles que l'on peut rencontrer au croisement d'un système économique purement capitaliste et de la fertile imagination d'êtres humains mus par leur seule soif de profit et de plaisir immédiats. Trafic de matériel informatique, de téléphones dernier cri, de téléviseurs monumentaux, de drogues en tous genres et évidement d'êtres humains impuissants, voilà un petit échantillon des aimables passe-temps des concurrents de Kenzie et, dans une moindre mesure, de sa compagne Angela, dans leur nouvelle quête d'Amanda McCready. Grâce à un style qui laisse la part belle aux dialogues (parmi lesquels quelques répliques cinglantes, savant mélange d'humour ravageur et de clairvoyance non-conformiste, méritent d'être apprises par coeur) l'intrigue se révèle très vite captivante, bétonnée et menée tambour battant au point que rarement un roman de Lehane a paru aussi rapide, enlevé et nerveux, distillant un grand plaisir de lecture, égoïste et revigorant. Partie prenante et contribuant à accrocher définitivement le lecteur, la capacité de l'auteur à insuffler épaisseur et crédibilité à ses personnages laisse rêveur. Si la belle Angela Gennaro se révèle toujours aussi entière, presque volcanique et en tous cas capable d'indignation franche et destructrice pour qui s'oppose à elle, sa maternité l'a également rendue plus prudente et c'est surtout en réserve, en appui de son privé préféré, que nous la suivons ici. Kenzie, puisque c'est bien de lui qu'il s'agit, reste, à quelques détails dus à l'âge près, aussi casse-cou et irrévérencieux que précédemment. C'est encore avec un joyeux mélange d'ébahissement et d'admiration que le lecteur voit Kenzie se jeter dans les bagarres potentiellement les plus sanglantes, ceci alors qu'il se défend constamment de la moindre capacité à mener dignement le moindre combat à mains nues et qu'il sait à quel point est relatif son sens du courage. C'est également toujours d'évidence que l'on sent ces deux-là profondément liés, parce que, dans ce domaine-là aussi, pour écrire en peu de mots mais d'une manière qui ne peut prêter à aucune autre interprétation, Lehane s'affirme comme un chef d'orchestre hors pair, dans cette propension touchante qui l'habite à introduire de la douceur, de la compréhension et de l'amour dans une intrigue où dominent l'injustice, le bruit et une violence parfois contenue, mais souvent bien trop libre. Quand, au coeur d'une scène dans laquelle on sent la rage sur le point d'éclater, il arrive, d'une demi-phrase, à évoquer la tendresse que se communiquent, sans échanger un seul mot, deux des personnages, Lehane touche, marque et gagne le dernier lecteur dubitatif définitivement à sa cause.
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