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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je me suis avancé vers Jérôme Leroy et me suis excusé . Excusé de n'avoir lu aucun de ses livres et donc de ne pas pouvoir en parler avec lui . J'aurais été bien goujat de repartir sur ces mots et je lui ai donc demandé de me proposer l'un des nombreux titres posés sur l'étal , devant lui . Aussitôt dit , aussitôt fait , et je repars avec " Jugan " , dédicacé , of course , comme il se doit , avec amabilité .
Aujourd'hui , c'est fait , j'ai découvert l'univers Jérôme Leroy et m'est avis que nous nous retrouverons bientôt pour de " nouvelles aventures "....
D'abord , quelle belle écriture, alerte , enlevée , maîtrisée , poétique , efficace , des dialogues ciselés, une grande justesse dans le choix d'un vocabulaire parfaitement adapté à la situation . Ça , c'est dit , mais il faut bien le répéter, un " bon roman " se doit d'être bien écrit et je trouve que cet auteur sait , et fort bien écrire .
Ensuite , choisir le cadre de l'action: le Cotentin , une région que je ne connais pas ( encore , décidément , que de lacunes , j'espère que ma retraite durera longtemps....) .Le Cotentin et ....Noirbourg , une petite ville de 50 000 habitants.
Noirbourg , vous connaissez ? Non , ah , enfin , je ne suis pas seul .Noirbourg , ville vers laquelle on ne se précipite pas à moins que l'administration ne vous y envoie pour votre première affectation d'enseignant , le premier poste pour un lieu , il faut le dire , pas vraiment plébiscité, pas forcément " glamour "...Et oui , " dura lex ...sed lex " . Enfin , ce premier poste au collège de Noirboug , sachez - le , il va coller à la peau de son " heureux gagnant " pendant toute sa vie . Normal , me direz - vous , tout enseignant garde ancré en lui le souvenir d'un premier poste ...STOP !!! Je ne parle pas de cela , non , pas du tout . Noirbourg , comment dire , ce sera votre hantise , le souvenir qui vous taraudera au plus profond de vos rêves, votre pire cauchemar , gluant et collant comme un chewing - gum ....
C'est qu'à Noirbourg , voyez- vous , il y a L Histoire et ...des histoires .C'est là qu'un groupe d'extrême - gauche a fait parler de lui et c'est là qu'un de ses anciens leaders , Jugan , revient ,après une longue peine de prison ....Jugan...défiguré...Jugan....Je vous parlerais bien de lui mais c'est tellement bien fait par l'auteur que je n'ai pas très envie de " m'y coller " , pas plus que je n'ai envie de revenir à Noirbourg . Le Cotentin , oui , Cherbourg , oui , Noirbourg , non....Il n'y a bien que des jeunes enseignants pour s'y rendre , malgré eux...D'ailleurs , c'est un jeune prof qui est le narrateur alors je lui cède volontiers la place pour vous guider sur un chemin tortueux , implacable , noir, très noir , dans les pas de Jugan , un personnage qui ......
Bon courage à vous , moi , le Cotentin , ce sera pour plus tard , je reste dans mon Limousin , chacun ses problèmes....et des problèmes , à Noirbourg....
.
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Un amour fatal, version moderne et cruelle de «L’ensorcelée», sur fond de transformation monstrueuse du monde.

Le narrateur de Jugan passe des vacances familiales ensoleillées sur l’île de Paros, et leur déroulement paisible n’est perturbé que la nuit, aux heures où le bleu du ciel grec vire au noir. Alors, ce professeur de lettres classiques se remémore en rêve des événements vieux de plus d’une décennie, à l’époque où il démarrait sa carrière au collège Barbey-d’Aurevilly de Noirbourg dans la Manche, événements traumatisants initiés par le retour à Noirbourg de Joël Jugan.

Libéré après dix-huit d’emprisonnement, Jugan, ancien leader du groupe d’extrême gauche Action Rouge revient dans cette petite ville qui a subi les outrages du capitalisme mondialisé, et où bourgeois, chômeurs, immigrés et gitans se côtoient, entre le centre reconstruit après guerre par Auguste Perret, les usines désaffectées et la lande qui entoure la commune.

«En 1982, les Forges avaient fermé, les HLM étaient restées et beaucoup d’ouvriers devenus chômeurs aussi. On aurait dit, et cela était encore vrai quand je suis arrivé plus de dix-huit ans après, que cette partie de Noirbourg avait subi un nouveau bombardement.
Celui-là était du davantage à la mondialisation balbutiante qu’aux bombes au phosphore américaines mais il n’avait pas fait moins de dégâts. Des friches immenses, des ruines de briques rouges, des gravats et au milieu de tout cela, les Gitans.»

Après une vie de violence et de prison, Jugan est défiguré, atrocement, comme le personnage de l’abbé de La Croix-Jugan dans «L’ensorcelée» de Barbey-d’Aurevilly, mais il a conservé une part de son magnétisme. Sa liberté étant conditionnée à l’obtention d’un travail, il le trouve grâce à Clotilde Mauduit, la seule ancienne complice qui ne s’est jamais complètement détournée de lui : l’aide aux devoirs d’enfants en difficulté. La bête va y rencontrer la belle : Assia Rafa, jeune fille lumineuse habitante de la «Zone» de Noirbourg, forte et vulnérable, et qui, contrairement à Kardiatou Diop, magnifique personnage d’un précédent roman de Jérôme Leroy, n’a, elle, pas d’ange gardien.

Ensorcelée par le magnétisme noir d’un Joël Jugan orgueilleux et cruel, prêt à brûler ses derniers vaisseaux pour lutter rageusement pour une cause d’ores et déjà perdue, elle va se laisser manipuler et rapidement sombrer, terrassée par un coup de foudre maléfique.

Jérôme Leroy excelle pour raconter des tragédies remémorées aux heures sombres de la nuit, il en avait fait une éclatante démonstration dans «Le Bloc». Dans «Jugan» cela dit, le ton est différent : En faisant le choix d’un monstre (presque) sans équivoque, poésie et nostalgie se sont envolées. Alors même si «Jugan» ne dégage pas cette déchirante nostalgie du monde d’avant, même si les personnages manquent un peu de cette épaisseur liée à leurs paradoxes comme dans «Le Bloc», ce roman marquera le lecteur car il s’approche au plus près des ténèbres, et va aussi sonder la parcelle d’humanité d’un monstre, survivant d’une impossible lutte.

«Si je suis certain que Joël Jugan, quand il est revenu à Noirbourg, était devenu un monstre d’un point de vue physique comme moral, je sais aussi que personne ne sort indemne d’un tel traitement et, malgré les horreurs dont il a été responsable, je me souviens aussi qu’il fut un jeune homme de dix-huit ans, décidé à changer le monde par les armes à une époque où les luttes de ce genre avaient tragiquement échoué partout, notamment en Allemagne et en Italie.
C’était à la fois absurde, démesurément orgueilleux, dérisoire et noble : il avait voulu relever le drapeau d’une armée vaincue, nier la défaite de ses jeunes aînés qui avaient posé des bombes, attaqué des banques, tué des chefs de la police, des patrons, des marchands d’armes, des hommes politiques plus ou moins corrompus. Ils avaient fini dans un bain de sang, soit qu’ils aient été manipulés par des services secrets, comme une bonne partie des activistes italiens dont les ravisseurs d’Aldo Moro, soit qu’ils aient fini « suicidés » dans leur prison comme la bande à Baader. Il le savait mais cela n’avait rien changé à sa détermination.»

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/09/02/note-de-lecture-jugan-jerome-leroy/
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Ah,non, Jérôme Leroy, ah, non, vous êtes vraiment ignoble sur ce coup là !
Voir cette lumineuse Assia, cette jeune femme solaire, sage, pondérée, intelligente, pleine de vie, ouverte au monde, à l'écoute des autres ... être souillée, irrémédiablement perdue par ce sale type de Jugan, ce monstre de perversité, c'est plus que votre lecteur n'en peut supporter !
Oui, Jugan s'est fait ignoblement massacrer lors de son arrestation.
Oui, Jugan a purgé dix-huit ans de prison.
Oui, Jugan a souffert en QHS.
Oui, tout cela est vrai. Mais cela peut-il constituer une excuse pour se venger de l'humanité sur cette jeune fille ?
Non, là, je n'ai rien raconté de plus que ce que nous annonce la quatrième de couverture de cet ouvrage !
Jugan, leader d'un groupe révolutionnaire d'extrême gauche a été arrêté après avoir commis des actes barbares. Dix-huit ans après, il revient dans sa ville natale, et, grâce à une de ces anciennes complices, Clotilde Mauduit, se retrouve bénévole dans une équipe d'aide aux devoirs en compagnie d'Assia, que, malgré son visage dévasté, il séduira par sa présence envoûtante.

Jérôme Leroy démontre une fois de plus son immense talent d'écrivain, grâce à une plume nerveuse, concise, précise qui lui permet de brosser un tableau vif et animé de la ville de Noirbourg, sa bourgeoisie, son usine, sa zone et sa lande où règnent les gitans, pourvoyeurs d'armes, gardiens des secrets de la ville et peut-être détenteurs de pouvoirs exceptionnels ...
et grâce aussi à sa maîtrise de la construction, dans laquelle il mêle habilement le présent et deux strates du passé, celui de la jeunesse tumultueuse de Jugan, au début des années 1980 et celui de l'époque où le narrateur décrit le choc et le chaos de la rencontre entre Assia et Jugan douze ans plus tôt.
Mais qui est Jugan ? Clotilde Mauduit nous présente un jeune homme, un idéaliste, évidemment fils de bonne famille, qui, à dix-sept ans s'est insurgé contre le monde dans lequel il vivait et a fondé un groupuscule révolutionnaire "Action Rouge"destiné à semer le chaos parmi la bourgeoisie du coin . Jugan, leader de ce groupe s'est découvert un vrai talent de meneur d'hommes, ainsi qu'un parfait organisateur de coups tordus !
Portait-il déjà en lui dans sa superbe jeunesse les prémices de cette abjection avec laquelle il va asseoir son pouvoir sur cette fleur délicate qu'est Assia Rafa ?
ou, c'est, brisé par la prison, qu'il est devenu l'être foncièrement pervers qui ne peut plus, dix-huit ans plus tard, qu'exercer son goût, ou plutôt son besoin de domination sur plus faible que soi, en détruisant une jeune fille fascinée, on ne sait pourquoi, par cet homme parfaitement odieux ?
Clotilde Mauduit croit-elle vraiment que Jugan tente, en manipulant Assia, de reconstituer un groupe d'action révolutionnaire ?
Et Assia se laissera t'elle, sans résistance, entraîner vers le pire, comme un animal que l'on emmène à l'abattoir ?
Autant de questions auxquelles Jérôme Leroy laissera le lecteur répondre comme il l'entend, lors du chaos final dans une apothéose de sang et de fureur !
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D'entrée de jeu on sait que ça finira mal ...

Dans « Jugan », on revient en partie sur des périodes clés 82-84 / 2002 /2012. Je me rends compte qu'à chaque fois qu'on aborde la violence de la fin des années 70 début 80, j'ai des lacunes car j'étais gamine. Je sais que je vois à travers le prisme de l'auteur mais après j'essais de faire la part des choses entre réalité et fiction, entre opinion publique et privée.

Ce roman joue avec trois présents ou deux passés selon les moments. La narration débute avec les troubles du narrateur dont l'origine remonte à 2002, moment où il a vécu une expérience traumatisante. Quand on se trouve en 2002 il découvre le passé de Jugan et de Clotilde. Mais cela ne suffit pas à éviter le drame.

Jugan sort de prison après 18 ans, il est en liberté conditionnelle pour actes terroristes. Il sort le visage complètement défiguré. Il revient avec un côté encore plus sombre et trouve que la société va encore plus mal. On a avant, après et maintenant qui s'entremêlent, mais ce n'est pas gênant pour le lecteur. Il y a l'idée de boucle d'éternel recommencement.[...]
Lien : http://ramettes.canalblog.co..
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Structure inhabituelle pour une histoire qui nous raconte la vie passionnante de deux personnages opposés en tout point mais que le destin fera se rencontrer malgré eux.
Divertissant et envoûtant. J'ai trouvé que cette histoire montre le côté douloureux de l'amour. Malgré cela, l'aventure entre les deux personnages principaux passe trop rapidement et elle n'est pas assez développée. On reste sur notre faim, car on voudrait en savoir plus sur l'évolution des sentiments qui les lient pour être parfaitement plongé dans l'histoire.

Axelle, 2nde littérature et société
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Violence. Physique et psychologique. Cet ouvrage regorge de violence, aucunement gratuite, mais qui pourrait gênée le lecteur.
Jugan, Joël de son prénom, est un ancien membre du célèbre groupe extrémiste Action Directe. Son engagement lui a coûté de nombreuses années en prison. Pour s'en sortir, trouver une caution morale s'impose. Ce sera un travail dans un centre social, dégoté à l'aide de Clotilde, une ancienne « camarade » désormais rangée du terrorisme. Dès l'arrivée de Jugan, son passé de militante va cependant resurgir, au gré d'une passion visiblement toujours intacte devant cet homme.
Cette fascination l'aveuglera dans sa quête de réinsertion de Jugan. Elle pense l'homme changé; lui laisse planer le doute. Une jeune femme insouciante, bénévole dans ce même centre social, sera le jouet de cette hésitation. Tombée sous le charme de cet aîné brut de décoffrage, Assia va peu à peu connaître une déchéance sociale et psychologique.
L'une des clés de ce roman repose sur ces deux fascinations.Le lecteur, sous son statut de témoin, se forge rapidement une opinion sur le devenir d'Assia. Mais au fil des pages refuse de croire au fatalisme. Son esprit est-il plus sombre que celui de Jugan ? Il le découvrira en fermant le livre.
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Après plusieurs ouvrages de cet auteur, j'apprécie toujours autant son écriture et sa limpidité de style. D'histoire en histoire, l'auteur nous convie cette fois dans le monde des révolutionnaires d'extrême gauche, résiliés dans leur conformités ou tentant de continuer la lutte malgré le quotidien et leur brisures…

C'est ainsi que par le jeu de flashbacks servant d'excuses à la narration de l'histoire, nous suivons l'histoire de Joel Jugan, chef d'action directe de la ville de Noirbourg. Autour de lui gravite un panel de personnages, ancien membres du commando ou futures victimes de cet homme sans visage.

L'écriture rapide et cinglante de l'auteur ainsi que la rapidité d'exécution de la syntaxe et du phrasé est un vrai bonheur de lecture. On ne perd pas une miette et on accroche directement à cette histoire, se saisissant des personnages et des descriptions pour pénétrer au plus profond des psychismes des protagonistes. Les paragraphes sont pourtant longs et parfois emplis de descriptions, qui n'enlèvent pourtant rien au rythme du roman.

Sur fond de lutte contre le capital, narrée à la façon d'un documentaire, l'histoire déroule le chemin de vie d'une personne qui s'est perdue dans la Cause et qui entraîne avec lui ceux qui l'approchent de trop près. Avec pour toile de fond une petite ville de province où se mêle diverses populations, l'auteur nous brosse le portrait d'une France actuelle en manque de repère, cherchant désespéramment de l'espoir, quitte à se brûler les ailes auprès d'un machiavélique personnage.

Les personnages, quel que soit leur rôle et leur apparition dans le roman, sont tous sublimés tant dans leur beauté que dans leur décadence. L'auteur développe à cette occasion un savoir faire millimétré dans l'art du suspens, dévoilant au compte goutte des informations nous permettant petit à petit de mesurer le développement psychique et personnel des personnages. Leur évolution nous est donc plus intime et l'on s'accroche à nos « héros » avec encore plus de force.

C'est un essai plus que réussi sur la non réhabilitation d'un homme, qui se refuse à abandonner son combat et au delà de ça sur le jusqu'au boutisme auquel peut conduire la fanatisation. Car Jugan ressort de prison désabusé, et la continuité de son combat n'est que le prétexte à l'assouvissement de nos deux personnages féminins… Condamnées dès le début à n'être que les marionnettes d'un homme qui les fascine, les relations du bien et du mal sont ici évoquées de différentes manières tout au long du roman, nous permettant d'accéder à un panel de réflexions nous permettant de mener notre propre pensée sur la façon dont nous agirions nous même.

Roman d'une grande noirceur qui ne réconcilie pas avec le genre humain, Jugan est un petit livre qui se lit d'une traite et qui vient à nouveau souligner le talent de Jérôme Leroy.
Lien : https://lechampdesabeilles.w..
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Un excellent écrivain. Méticuleux et bien noir. À vous dégoûter définitivement de tous les croyants.
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«  L'Ensorcelée » de Barbey D'Aurevilly est un vieux souvenir de lecture ( programme de Khâgne, 1980 et quelques...), mais des bribes sont revenues à la lecture de ce «  Jugan » de Jérôme Leroy, auteur que je découvre avec ce livre. Tout y est : le bocage normand, et plus précisément, du Cotentin, les petites villes de province et leurs notables confits dans leur ennui et leurs certitudes, la figure diabolique qui mène une âme pure à sa perte... J'ai éprouvé un grand plaisir de lecture, à la fois dans le fait de retrouver des bribes de Barbey d'Aurevilly dans un roman ancré dans le XXI° siècle, et ô combien habilement transposées ( l'engagement dans la chouannerie devient un engagement dans un parti d'extrême gauche genre Action directe, par exemple), mais aussi dans le fait de suivre une histoire, qui même sans cette référence à Barbey, tient debout, est bien menée, grâce notamment à des personnages bien campés et à une inscription fine dans l'actualité. Je recommande.
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Un roman rouge/noir très fort, à l'atmosphère et aux personnages originaux (même si Jérôme Leroy reconnaît s'être "appuyé" sur L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly), qui mélange avec bonheur et virtuosité des thèmes divers, voire divergents : fantastique moderne, terroir, société, politique, vengeance, possession, domination sadique, perversité, envoûtement, fatalité...

* le dernier rêve
Le narrateur (il n'a pas de nom dans le roman) a quarante ans. Il reste marqué par un drame dont il a été le témoin impuissant douze ans plus tôt, l'année de son premier poste au collège de Noirbourg, petite ville (imaginée) au milieu du Cotentin, en bordure de la mystérieuse lande de Lessay (réelle). Depuis, à intervalles réguliers, il revit en rêve les événements de Noirbourg cette année-là, et reconstitue peu à peu ses rencontres avec les protagonistes de l'affaire Jugan dont il cherche toujours à comprendre les tenants et les aboutissants. Rêve après rêve, la vérité approche. Lors d'une nuit particulièrement caniculaire à Paros où il passe des vacances en famille, le professeur normand a cette fois l'intuition que le songe récurrent lui fournira les dernières pièces du puzzle, et qu'à l'aube, il sera définitivement libéré de ses obsessions.

* l'affaire Jugan
Lorsqu'il reparaît à Noirbourg après dix-huit ans de prison dont plusieurs à l'isolement, nombreux sont ceux qui ont oublié ce dont Joël Jugan, fils de notable, s'est rendu coupable dans les années 80. Pas Clotilde Mauduit, qui a fait partie du groupe Action Rouge emmené par le fascinant extrémiste gauchiste. Clotilde, dite La Clotte, n'est pas tombée parce qu'elle ne s'est pas engagée totalement dans l'action terroriste. Au nom de la lutte contre l'ordre social, Jugan lui, a commis des meurtres, des braquages, et, finalement arrêté, gravement blessé au visage, il est incarcéré. C'est une "gueule cassée" qui revient dans sa ville, en liberté conditionnelle après avoir purgé sa peine.

* les événements de Noirbourg
Le narrateur se souvient dans ses cauchemars de la montée inexorable du drame qui a brisé la jeune et belle Assia, prise dans les rets du monstrueux Jugan que la prison n'a pas changé moralement, au contraire. Est-elle victime de sa propre sensibilité, ou du sadisme d'un dominateur pervers et impitoyable hanté d'un furieux désir de vengeance ? De la frustration jalouse d'une femme éconduite ? D'un sort jeté par une étrange gitane bafouée ? De tout cela à la fois ?

* des thèmes et personnages de tragédie
Jugan est un roman singulier, à l'imaginaire riche, ouvert à différentes lectures. On pleurera le sort de la victime innocente, on abominera l'incarnation du Mal à la figure ravagée, mais entre les deux extrêmes, le rôle ambigu de la confidente boiteuse n'est pas le moins intéressant ni le moins subtil et émouvant. / CE QUI SUIT EST MON INTERPRÉTATION / La Clotte est le pivot dramatique du roman. Son double jeu tranquillement criminel porte la responsabilité, même indirecte, du dénouement tragique des événements de Noirbourg.

* une construction romanesque subtile et inspirée
Une grande part du charme de Jugan réside dans la non-linéarité du récit. Quel plaisir de se laisser balader dans les temps et les lieux de l'histoire, au gré imprévisible de l'inspiration maîtrisée de l'auteur. Ça change agréablement des constructions sans surprises d'un bout à l'autre, ou des alternances régulières de chapitres parfaitement calibrés (époque, personnage, etc.). De ces schémas trop connus et attendus finissent toujours par naître... l'ennui. Mais je vous rassure : si on ne s'ennuie pas, on n'est jamais perdu dans les aller-retours temporels irréguliers (le rêve - contemporain - de Paros ; les actions de Jugan dans les années 80 ; l'histoire de Jugan et Assia - douze ans auparavant ). La dimension onirique évidente des premières pages (la nuit de Naoussa) est soutenue dans la suite par des décors normands mi-urbains, mi-naturels, inventés mais nourris de références aux origines de l'auteur et de son inspirateur Barbey d'Aurevilly.

Merci à Babelio et aux éditions La Table Ronde, pour cette lecture enthousiasmante, distrayante et stimulante à la fois
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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