Le Médecin de Cape Town

De toutes les découvertes excitantes faites durant ces années à l'université, la plus belle fut celle de la plus grande des libertés pour les hommes : ne pas être obligé de plaire. Avoir le droit de céder à la mauvaise humeur et à la détestation, d'éprouver ce que je voulais. Sans m'en excuser. Je me débarrassai de ma douce disposition comme d'un manteau.

Je compris pour la première fois l'arrogance des hommes, la suffisance qui avait empêché mon frère de voir sa propre ignorance ou d'imaginer qu'il puisse échouer - c'était un cadeau conféré par les attentions féminines, l'admiration flatteuse des femmes qui cherchaient à voir chez les hommes l'autorité mythique qu'ils prétendaient posséder.

"Ah, dit Mirandus, j'allais oublié". Il prit des bras de Sarah un paquet emballé dans du papier, tenu par de la ficelle, et le plaça entre mes mains. " Pour ta bibliothèque ".
Il savait que je n'en avais pas, comme je savais qu'il tenait à ses livres comme à la prunelle de ses yeux. Un cadeau tiré de sa collection revenait à se séparer d'un de ses enfants.

 L’argent nous absout de tous nos manquements : il achète le pardon, l’indulgence, l’amour, l’amitié, la beauté et l’oubli. Il n’y avait que la mort qu’il ne pouvait soudoyer, du moins pas à cette époque, mais peut-être qu’à l’avenir la médecine découvrirait un médicament qui changerait la donne.  

– Qu’en est-il de l’amour ? demandai-je.
– C’est bien la chose la moins sûre au monde, mais impossible de vivre sans, tu ne crois pas ?  

 En résumé, rien dans l’apparence de Margaret n’aurait pu la désigner comme l’héroïne de cette histoire ou d’une autre. Enfin, elle souffrait du pire défaut imaginable à la fin du XVIIIe siècle comme en d’autres temps : elle était née fille. 

Naturellement, c’était illégal d’être une femme sur un bateau de la marine. Il existait tellement de situations où les femmes étaient illégales – la médecine, l’armée, l’université. À en croire la loi, le sexe féminin devait être une puissance monstrueuse – risquant à tout moment de dépasser les hommes, constituant une terrible menace.

Si ma mère fut offensée à l’idée de faire passer sa fille aînée pour un fils, son pragmatisme finit par l’emporter. Tandis qu’ils veillaient jusque tard près du feu à discuter de mon avenir, je m’endormis au murmure de leurs voix. Au matin, tout était décidé. Un frisson me parcourut en entendant la nouvelle: à quatorze ans, je deviendrais un garçon. Je jouerais le rôle du neveu désargenté de Jonathan Perry et m’inscrirais en médecine à Édimbourg dès l’automne.

Il y a un amour plus grand que le désir physique, qui n'est pas non plus celui des moines ou des saints, mais extrême et tendre dans sa retenue. Je l'aimais comme s'il était mon père ou mon frère. Mon seul ami ou presque.