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Critique de jlvlivres


Pour changer, Miki Liukkonen, un jeune écrivain finnois (ou finlandais) d'une petite trentaine d'années, mais qui en est tout de même à son cinquième livre, dont les deux premiers sont des recueils de poésies. Toujours sélectionnés pour divers prix littéraires, mais pas encore récompensés.
« O » un titre assez simple et facile à mémoriser (2021, le Castor Astral, 962 p.) traduit par Sébastien Cagnoli. Livre plus difficile à lire, car c'est un enchevêtrement d'une centaine de personnages, dont les membres d'une équipe de natation, qui doit représenter son pays aux Jeux Olympiques. le tout sur une durée d'une semaine, commencée un mercredi. On peut déjà imaginer que ces personnages vont interagir, chacun portant ses propres névroses. Ce qui fait que le lecteur, à la fin des presque mille pages, n'est pas sûr d'en sortir intact. D'autant plus qu'il y a près de 150 notes de bas de page.
Pourquoi lire ce livre, qui n'est pas encore tout à fait traduit et sorti en France ? Tout d'abord le titre m'a interpellé. Et d'un auteur finlandais. Il a bien sûr Arto Paasilinna qui vient de décéder il y a deux ans, et ses inimitables personnages. Ou encore Sofi Oksanen qui a décrit l'occupation soviétique en Estonie, tout comme le gigantesque livre de Alvydas Šlepikas, ben qu'il soit lituanien « « A l'ombre des loups » dont j'ai parlé ici même https://charybde2.wordpress.com/2020/07/15/note-de-lecture-linvention-de-la-course-a-pied-jean-michel-espitallier/comment-page-1/#comment-19612
Simplement parce que la Finlande est un pays attachant (sinon le Père Noël n'y vivrait pas). Miki Liukkonen est né à Oulu dans le nord du Golfe de Bothnie. Etudes moyennes jusqu'à 12 ans, âge où sa mère meurt d'un cancer du sein, ce qui est pour lui un gros choc émotionnel. Un soir il lit des poèmes de Uuno Kailas (1901-1933), et c'est le choc. Il deviendra écrivain. Cet auteur, considéré comme de la suite de Baudelaire et des symbolistes / expressionnistes, est surtout connu par son ouvrage « Bruno est Mort » traduit également par Sébastien Cagnoli (http://ratatoulha.chez-alice.fr/finnois/Kailas/uunokailas_couv.html). On pourra lire aussi « La poussière d'or sous nos pas » traduit par le même du même auteur (2006, Riveneuve, 175 p.). Bref, et toujours dans l'interview, en finnois, de Miki Liukkonen par Anna Pihlajaniemi dans « Kodin ». (https://www.kodinkuvalehti.fi/artikkeli/lue/ihmiset/miki-liukkosen-aiti-menehtyi-44-vuotiaana-rintasyopaan-aidin-kuoltua-lakkasin). On y découvre un jeune garçon, sous le choc, qui se met à écrire des poèmes en classe (de mathématiques de préférence). « La vie est trop courte pour faire des compromis ». Il écrit, fait parvenir ses oeuvres à un éditeur, et gagne le concours. « Je ne pouvais pas comprendre qu'un éditeur pour adultes prenait mes poèmes au sérieux et en parlait dans les coins. C'était terriblement embarrassant et excitant ». du coup il peut s'offrir un voyage à Paris avec Seija, sa copine « pour boire du vin et voir les tombes de Jim Morrison, Edith Piaf et Oscar Wilde ». Et en plus, il est invité à la Foire du Livre de Turku, dans le sud de la Finlande. Jolie ville portuaire, très agréable en été, relative douceur en hiver, où une ancienne école est devenue un bar à bières, et où les pommes de terre en hiver sont abritées dans des sacs de jute, sur la place du marché, avec des noms étranges « Van Gogh ».
Après le succès de « Valkisia runoja » (Poèmes Blancs), petit livre (2011, WSOY, 86 p.), il retourne à Oulu, et là, il se met à écrire, des poèmes toujours « Elisabet » (Elizabeth) (2012, WSOY, 76 p.) et « Raivon historia » (L'histoire de la rage) (2015, WSOY, 58 p.). Puis il passe aux romans « Lapset aurigon alla » (Les enfants sous le soleil) (2013, WSOY, 445 p.) et « Hiljaisuuden mestari » (Le Maître du Silence) (2019, WSOY, 359 p.). Et il commence son « O » (2017, WSOY, 859 p.) et cela sans arrêt « dix heures par jour, six jours par semaine, pendant trois ans et demi ». Au désavantage de sa copine, qu'il voit sans la voir tant son roman l'obsède. Comment parler autrement de névrose et de névrosés.
Brièvement, ses romans font référence à sa jeunesse, déjà. Dans « Les enfants sous le soleil », Henry Guardueci-Auer n'a jamais rencontré son père Jonas Auer. Musicien, il quitte sa ville de Fiskari pour Los Angeles. Et là tout s'embrouille, même le lecteur. « le Maitre du Silence » reprend le thème de la non-communication entre les personnes. « C'est un dilemme profondément enraciné, infernal et incontournable, qui est la solitude. Que personne ne peut plus être vraiment heureux. C'est vrai. Tout le problème que les gens voient pour être accepté est quelque chose d'infini triste ». Et le reste est à l'avenant « La vie est la solitude. C'est la chose que j'ai appris » ainsi que « Tout est si hors de propos. Je n'ai jamais été assez courageux pour me suicider ». On rejoint par là son interview dans « Kodin ».

Dans « O » « Chaque journée commence de la même manière ». On en est au mercredi, il y aura 7 jours comme cela. Sept jours d'entrainement pour les 7 nageurs du « Club Pro d'Alfonso », avec piscine « 5 fois par semaine et toujours pour au moins 2 heures d'affilée ».
Il y a de tout pendant cette semaine.
Un savant calcul sur le taux d'urée dans le bassin (0.000066 %) si quelqu'un pisse dans le bassin de temps en temps.
Des recettes (fricassée de poulet).
Des notes de bas de page, dont une de près de deux pages.
Un procès-verbal d'interrogatoire.
Une savante discussion sur la contraction du temps
Une lettre à « Mon cher ami hongrois » (Nikola Tesla) datée du 9/12/1924, lue par le non moins célèbre Darnopogaldjitzer. En fait c'est ne diseuse de bonne aventure slovaque-jamaïcaine
On y découvre des roms qui font du commerce de chevaux et qui vivent deux heures dans le futur.
Un cirque de névrosés (différent de ceux de la recette de la fricassée de poulet)
On peut même, avec attention, écouter les aubergines chanter dans la section légumes du K-Market

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