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4,12

sur 137 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« On entre chez António Lobo Antunes comme on rentre en religion ».
Cette lecture commune fut une belle découverte et je remercie ici notre petite communauté de Babelpotes sans laquelle l'auteur serait resté pour moi un illustre inconnu. « le cul de Judas » reste une lecture difficile dans son approche, dans ses mots, dans son histoire. Ce roman dénonce l'enrôlement de l'auteur comme jeune appelé médecin durant le conflit colonial qui opposa jusqu'en 1975 le Portugal du dictateur Salazar aux velléités d'indépendance de l'Angola.

Le style d'Antonio Lobo Antunes est noir et brut de décoffrage. Il nous jette en pleine figure ses deux années de service militaire dans un pays africain aux moeurs et à la culture bien opposés au jeune bourgeois portugais qu'il est, habitué aux douceurs de vie de sa capitale Lisbonne où il vit encore chez ses parents. C'est lors d'une rencontre d'un soir, lors d'une de ses beuveries habituelles, qu'il va s'épancher sur ses souvenirs de guerre. Il le fera en compagnie d'une femme rencontrée dans un bar, de la nuit à l'aube. Ce dialogue deviendra rapidement un monologue de 200 pages débordant de souvenirs sanguinolents, d'une violence exceptionnelle, avec des relents fétides de mort et de corps déchiquetés. Un monologue où il sera à la fois narrateur mais aussi héros malgré lui du drame angolais.

Les images d'horreur se mêlant aux odeurs nauséabondes et répugnantes des combats, le flot des mots nous emporte dans un tourbillon d'épouvante et de cruauté. L'ambiance du récit est lourde de vérité, on entend le cri des blessés, l'explosion des combats, les hurlements des femmes violées. On se trouve plongé au fond de l'enfer. António Lobo Antunes avec sa plume devient comme Jérôme Bosch dans son jugement dernier ou Picasso dans son Guernica avec leurs pinceaux, un artiste engagé dans cette quête qui dénonce la brutalité de la guerre dans toutes ses formes qu'elle soit divine ou humaine. L'auteur fait souvent référence à ces peintres de l'impossible à qui l'on peut ajouter les Chagall, Dali et autres Magritte.

Le Cul de Judas est aussi le parcours initiatique d'un jeune homme qui doit au cours de ses deux années de service militaire en Angola devenir un homme comme le pense l'ensemble de sa famille. du zoo de son enfance symbole de son innocence à son retour à Lisbonne comme vétéran traumatisé d'une guerre qu'il n'a pas voulu et surtout qu'il n'a pas eu le courage de dénoncer, on assiste à une métamorphose ratée. le cri du soldat « Putain, putain et putain » repris ensuite par le narrateur tout au long du roman, montre son impuissance à atteindre cette soi-disant forme de maturité humaine. Ce cinglant échec, on le retrouvera dans toutes les guerres qui ont utilisé des jeunes hommes comme chair à canon et qu'on appellera pudiquement pour les militaires revenants d'une confrontation brutale avec la mort : syndrome de stress post-traumatique.

On ne peut pas terminer avec António Lobo Antunes sans parler de cette musicalité qu'il met dans sa prose. Ce léger bruissement donne du rythme à ses mots et nous permet de supporter le chaos des images causé par son éprouvant témoignage. Cette étrange mélodie pourrait presque nous aider à transformer cette laideur en une certaine beauté mais sans tomber dans une fausse ingénuité. Cette musique n'est là que pour nous aider à supporter ce monologue nocturne sorti du cul de judas.

« le Vietnam est une guerre où l'Homme Blanc envoie l'Homme Noir tuer l'Homme Jaune pour garder la terre qu'il a volé à l'Homme Rouge ! »
Citation de Forrest dans Forrest Gump le film (1994)
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Un récit déstructuré, mais une écriture remarquable. Antonio Lobo Antunes, auteur portugais nous plonge dans l'horreur de la guerre en Angola qui souhaite son indépendance face au dictat du pouvoir portugais. En Angola (Le cul de Judas), il fait son service militaire en tant que médecin. Ce roman semble autobiographique. Dès l'incipit in media res, l'auteur nous plonge dans son quotidien. Un soir, le narrateur (l'auteur ?)
rencontre une femme (nous, lecteur ?) dans un bar et lui narre son vécu de cette horrible guerre. Un récit non linéaire qui demande beaucoup de concentration car il mêle des événements liés à la guerre et les états d'âme de l'auteur que cette guerre a profondément détruit. Ce sont les émois de l'auteur, sa solitude, sa fragilité, ses questionnements sur l'existence qui m'ont le plus bouleversée.
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Un livre puissant par sa capacité à vous immerger totalement dans le récit d'un homme qui aura connu pendant deux ans la vie dans les colonies Portugaises. La puissance du récit tient dans ses aller retours incessants entre la vie à Lisbonne pré et post expérience africaine et cette vie de camp en Angola. Loin de m'y perdre, j'ai presque pu le vivre. Son écriture quelque fois saccadée, presque lourde (avec des phrases à rallonges) est étonnamment une arme pour se faire.
J'ai aussi énormément apprécié sa capacité à construire des images, avec quelques leçons de vie très bien senties (j'ai noté plusieurs de ces passages, beaucoup plus que lors de mes dernières lectures).
Néanmoins, l'auteur use et abuse de références culturelles (c'est parfois presque trop scolaire, ça m'aura rappelé ma classe prépa où si l'on n'étalait sa culture pour exposer ses idées, cela ne valait rien). de façon presque cohérente avec son écriture, il le fait par à coups, sur certains chapitres, qui en deviennent indigestes. Mais il faut savoir s'accrocher lors de ces moments pénibles, car le reste (qui représente la majorité) est de très très haut niveau.
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souvenir de lecture...

Le Cul de Judas (Os Cus de Judas) est le deuxième roman de l'écrivain portugais Antonio Lobo Antunes publié en 1979. Là encore, si on ne peut pas parler de roman autobiographique, on retrouve de nombreux détails de sa vie.

Le roman est un long dialogue entre le narrateur et une femme rencontrée dans un bar. L'homme raconte sa descente en enfer dans ce "cul de judas" (l'équivalent du "trou du cul du monde" français) que fut la guerre d'Angola.

Il y fut envoyé tout jeune en tant que médecin. La chaleur et l'ennui au quotidien tuent autant que les attaques de la guérilla.

On peut dire que ce roman fait partie d'une trilogie dans laquelle l'auteur évoque son expérience en Angola mais aussi l'avant et l'après. Il dévoile le profond changement dans sa vie quotidienne mais surtout la prise de conscience de la réalité du Portugal.

Comme dans son premier roman, on retrouve une unité de temps : le roman commence un soir et se termine au petit matin suivant. le narrateur pourrait d'ailleurs être le même.

On peut le reconnaître par de nombreux détails. Après s'être intéressé à sa vie professionnelle actuelle, ce roman se focalise plutôt sur son expérience passée en Angola.

Le même sentiment de trahison l'envahit : il a l'impression de jouer le jeu de la caste dirigeante et de trahir les siens. Lui aussi se voit incapable de mener convenablement une vie de famille à son retour.

Depuis Voyage au bout de la nuit de Céline, rarement on aura aussi violemment montré la guerre dans ce qu'elle a d'absurde : une jeunesse envoyée à l'abattoir, une caste au pouvoir tirant les ficelles, manipulant le pays à coup de discours de grandeur afin de mieux dissimuler ses véritables motivations.

Peu de livres d'histoire révèlent aussi clairement les conflits qui tourmentent la société portugaise de ces années : même après la révolution, la société est tiraillée entre l'acquis et le naturel.

Comment se comporter en héros quand on ne rêve que de se blottir dans les bras d'une femme, comment endosser le costume traditionnel du mâle portugais quand on constate chaque jour sa fragilité, comment respecter une Église qui s'est compromise avec le régime, comment respecter la famille qui s'évertue à perpétuer l'ordre et la vertu alors que nos pulsions nous poussent à la liberté, comment dénoncer cette société bourgeoise résignée dans laquelle on aimerait pourtant s'intégrer.

Comme chez Fernando Pessoa, il y a chez Lobo Antunes, la perte d'une certaine naïveté qui permettrait de vivre sans se poser de questions la vie de ses semblables.

source : wikipédia

Lien : http://mazel-livres.blogspot..
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