Un récit intrigant, original à la date d'écriture, puiqu'il se passe littéralement "
avant Adam", c'est-à-dire avant que l'homme ne soit l'homme, avant la Création biblique et ses 6000 ans, puique nous sommes pendant la Préhistoire, au Paléolithique sans doute - même si le personnage principal n'en n'a aucune conscience.
Les personnages vivent donc avant la "connaissance" donnée par la pomme dans la Genèse : aucune conception du Bien et du Mal, aucune pudeur, aucune réflexion non plus. L'auteur s'est peut-être donné une sorte de défi, présenter un personnage principal qui ne raisonne pas, qui ne s'analyse pas. Il ressent, oui, mais des sentiments primaires, liés à ses besoins immédiats : la faim, le froid, et surtout la peur, ominiprésente : peur des bêtes sauvages, du feu, des autres hommes... Tout passe très vite, l'esprit ne se fixe pas sur quelque chose, ce qui peut être assez déroutant à lire, comme si on lisait les pensées d'un enfant de quelques mois, sans logique apparente, sans constance. Ainsi, ce n'est pas une véritable amitié qu'il éprouve, ni de l'amour.
. L'auteur n'a pas voulu faire de son personnage un "Rahan" de manière anachronique : il n'invente pas, il ne découvre rien. Il utilise par hasard une sorte d'outil, pour l'oublier le lendemain. Il joue avec un chiot quelques jours, jusqu'à ce que la faim soit plus forte - et qu'il n'y ait plus de chiot...
Cependant, même dans cette proto-société, cette horde, on retrouve certaines idées chères à London : même aux âges reculés, les plus forts dominent les plus faibles, instaurant une forme de hiérarchie, qui ne peut être contestée que par l'union fraternelle. Evidemment, Longue-Dent ne théorise pas la lutte des classes et le Grand soir, mais London connaît et surtout croît en ces principes, et on en retrouve en écho dans la lutte des femmes et des jeunes des falaises contre le féroce Oeil-Rouge. de même, le peuple du feu peut apparaître comme une société "industrielle" qui cherche à s'étendre, à coloniser des terres, par la violence et l'usage de sa supériorité technologique.
Ce n'est donc pas un récit pour apprendre des choses sur la Pré-histoire de façon réaliste, mais plutôt pour s'immerger dans un cadre étranger et ressentir la faim et la peur.
Enfin, j'ai bien aimé la façon fantastique dont le récit est introduit, par un Narrateur américain de la fin du XIX ème siècle, qui évoque les expériences psychiques de projection de l'esprit - comme un écho au Vagabond des étoiles de London également.