Ce que j'adore dans cette collection c'est qu'elle aborde de nombreux sujets, qu'ils soient tabous, durs, douloureux avec toute la délicatesse et la tendresse de ces auteurs et autrices incroyables. Dans ce roman très court et à vif,
Anne Loyer nous raconte l'histoire d'Axelle, 16 ans, dont la vie a été chamboulée par une rencontre, un coup de foudre et après, une rupture, un rejet et deux petits mots échappés de la bouche de sa mère « petite pute ». Deux mots qui la heurtent, la blessent et la poussent à sortir dans la nuit noire, dans le froid glacial. A partir de cette échappée nocturne commence une longue introspection, de larmes en fuite, de réconciliations en disputes, Axelle avance, petit à petit.
A travers ce roman chorale, on comprend bien vite qu'Axelle n'est pas seule à subir cette histoire taboue, cet amour artificiel. Mêlés à ce drame, d'autres personnages s'invitent dans les pages. Juliette, sa mère, qui, blessée dans ses convictions, étourdie par les images du passé, lâche ces deux mots « petite pute », des mots qu'elle n'est plus sûre d'avoir prononcés mais qui lui font perdre la seule lumière de son existence : sa fille. Miette ensuite, sa meilleure amie qui la voit s'éloigner, se perdre dans une relation sans espoir, une passion aveugle et éprouve une colère sourde pour celle qui ne l'écoute plus. Rachel, sa tante, vagabonde et libre, qui voit en sa nièce la fille qu'elle n'a jamais eue, et peut-être un peu d'elle-même. Eric, son père, troubadour, artiste ou philosophe, au sourire de gamin qui n'arrive pas à renouer les liens que seize ans d'absence ont brisé. Et pour finir Jean, son professeur de français qui commet l'irréparable et la démolie, marié, bientôt père de famille, incapable de résister à ses pulsions. Qui est coupable ? Qui a eu tort ? Y a t-il seulement quelqu'un à châtier ?
Les mots s'égrènent, les sanglots s'éclipsent, un toit et un espoir. le sujet est tabou, et pourtant à aucun moment l'autrice ne se fait juge. Elle y décrit l'amour, la passion, la rage, la colère, l'amitié, le désir, esquisse quelques pensées contemporaines et véridiques. Non la femme n'est pas l'infâme tentatrice, il n'y a que des pulsions, des instincts, des envies qui se réveillent, prétendre le contraire est un mensonge, prétendre que c'est l'autre, pas soi. Elle dessine le portrait d'un adolescente à la dérive, ses ancres et ses poids. Des phrases hachées comme celles que l'on assène ou celles que l'on hoquette entre deux sanglots, des phrases coups de poing.
Je me suis reconnue dans ce personnage à la passion dévorante, dans son admiration, son désir de femme dans son corps de femme. Peut-être aurais-je suivi son chemin, marché dans ses pas, dans cet autre contexte qui était le mien. A partir de ce moment là, lorsque celle dont on suit les pensées se fait miroir d'une époque, comment ne pas être touchée ? Emportée ? Comment ne pas ressentir toute cette empathie et cette tendresse pour cet autre soi qui se débat seule ? Même s'il y a Miette, même s'il y a Rachel, le reste du chemin s'accomplit en solitaire.
Et forcément, comme toujours, cette écriture que j'adore, en dents de scie, ces phrases courtes qui percutent et enflent dans le ventre, ces mots arrachés et déchirants, c'est du fond du coeur que je les ressens.
En résumé
"La fille sur le toit" est un coup de coeur, phénoménal et bouleversant. Je me suis retrouvée dans son personnage, Axelle, dans cette passion vive et incontrôlée, dans ses sanglots et ses angoisses. Percutante, l'écriture d'
Anne Loyer est remarquable de justesse et donne toute sa profondeur à cet amour tabou. Sans éviter de parler des conséquences, l'autrice se concentre sur les émotions de son héroïne adolescente, sa colère, sa tristesse, ce qui en fait un roman d'une grande sensibilité.
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