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Critique de Lamifranz


Pierre Magnan (1922-2012) est né à Manosque. Oui, comme Jean Giono, qui fut son mentor et son ami. A quinze ans, la rencontre avec le romancier de la Haute-Provence fut une révélation : « percuté pour la première fois par une émotion inconnue », il suivra Giono jusqu'à sa mort, ayant appris auprès de lui le goût de la littérature, et l'amour de la terre natale.
Il n'est donc pas étonnant que les lieux décrits dans les romans de Magnan ressemblent à ceux de Giono : ce sont les mêmes. Si les intrigues diffèrent (celles de Pierre Magnan tirent plus vers le policier) l'ambiance générale est la même, les personnages riches de la même matière, à la fois tellurique et humaine, et cette osmose entre la terre, le ciel et l'eau qui compose le cadre des romans de Giono.
« La maison assassinée » (1984) est un roman policier de terroir. En 1896, dans une auberge familiale du village de Lurs (dans la région de Forcalquier), une famille entière est massacrée. En 1920, Séraphin Monge, le seul survivant de ce massacre (il était à l'époque un bébé de trois semaines) revient au village. La maison, inhabitée, est maudite et passe pour être hantée. Séraphin la détruit pierre par pierre. Il est hanté par l'image de sa mère. Certains indices le mettent sur la piste du ou des meurtriers. Mais, dans son désir de vengeance, il semble qu'il soit devancé par un autre justicier…
L'intrigue est en place. Elle brasse le passé et le présent. La guerre qui n'est pas si loin (deux ans à peine) a marqué les esprits et parfois les corps. Les personnages sont souvent animés par des peurs paniques, ou des superstitions ancestrales, il y a des secrets cachés dans les pierres. Séraphin avance dans l'inconnu, il est entouré de silhouettes inquiétantes, paysans retors, châtelains bizarres… Ce qui n'arrange rien c'est que plusieurs femmes lui tournent autour, dans quelles intentions ?
Comme chez Giono, le fait divers devient une tragédie « à l'antique ». La vengeance de Séraphin, toute légitime qu'elle soit, ne sera pas sans effets, sur lui et sur son entourage. L'auteur joue finement avec son héros, comme il joue avec le lecteur, les embarquant l'un et les autres dans une enquête où les fausses pistes ne manquent pas, où les chaussetrapes et les faux semblants foisonnent. C'est un véritable roman policier palpitant et passionnant.
Et en même temps c'est un roman de terroir, profond et émouvant. On pense à Giono, on pense aussi à Henri Bosco, dans ses drames paysans (« Malicroix », « le Mas Théotime »), où le banal se mêle à l'extraordinaire, et le quotidien à l'universel. La connexion entre la terre et ceux qui vivent sur elle est palpable.
Le style d'écriture n'est pas pour rien dans cette impression : langage fortement imagé, parsemé de mots en patois, dans cette langue colorée et ensoleillée, l'auteur met le lecteur dans sa poche et peut l'entraîner avec lui dans l'aventure.
Roman policier sans policier (le héros et le lecteur mènent l'enquête), « La Maison assassinée » tient toutes ses promesses. L'auteur revient sur cette histoire dans une « suite » parue en 1990 : « le mystère Séraphin Monge »
Au cinéma, une belle adaptation (quoiqu'un peu molle) de Georges Lautner, en 1988, avec Patrick Bruel, Anne Brochet, Agnès Blanchot, Ingrid Held, Yann Collette…

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