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Critique de gerardmuller


Cette France qu'on oublie d'aimer
Andreï Makine (né en 1957)
Académie française
Originaire de Sibérie, né en 1957 à Krasnoïarsk, et français de coeur, Andreï Makine est arrivé clandestinement en France en 1987, à Paris très exactement. Il obtient l'asile politique mais est contraint à une vie précaire qu'il a d'ailleurs narrée dans son merveilleux ouvrage « le testament français », Prix Goncourt, Goncourt des lycéens et Médicis 1995, une vie de désespoir permanent comme il écrivit. Son premier roman est paru en 1990 « La fille d'un héros de l'Union Soviétique » et est le point de départ d'une belle carrière littéraire avec le français comme langue d'écriture. Il obtient la nationalité française en 1996 et est élu à l'Académie Française en 2016.
Au travers de ce bref rappel biographique, il apparaît clairement que la France et Makine, c'est une belle histoire d'amour et l'on ressent qu'il s'est approprié l'histoire de notre pays. Auteur d'un style merveilleusement ciselé (dans le Testament Français notamment) et d'une culture qui transparait tout au long de ce petit ouvrage qu'il a voulu bref afin de n'être point ennuyeux, Andreï Makine retrace avec talent et discernement les contours de cette France qui l'a toujours fasciné avec ses us et ses contradictions, sa langue telle une respiration, sa superbe à laquelle il rend un vibrant hommage plein d'optimisme malgré les dangers qui nous guettent. Il croit profondément en dépit de tout à la vitalité de la France et à son avenir et la capacité des Français de dire »ASSEZ ». La grande sensibilité, l'immense talent et le très grand sens de l'observation ont permis à A. Makine de parfaitement saisir toute la saveur de notre pays, le pays De Voltaire et de Hugo comme il dit, ainsi que ses terroirs et ses lettres.
Ce petit ouvrage est paru en 2006 : il n'est pas douteux que les années qui ont suivi auraient enrichi le propos d'Andreï Makine de bien d'autres exemples pour illustrer cet oubli de nombre des français d'aimer leur pays. Admirateur de de Gaulle (comme Romain Gary, lui aussi immigrant russe) qui selon lui a démontré que les époques ont plus besoin d'un grand rêve mobilisateur que de sages calculs du bon sens, Makine n'hésite pas à nous faire comprendre que la grandeur de la France voit de nos jours son poids économique et son influence géostratégique diminuer. Mais pour lui la grandeur de la France ne se situe pas vraiment là, mais plutôt dans son héritage d'idées et « sa vocation surnaturelle » (Bernanos), avec des grands hommes de la littérature et des penseurs comme Voltaire, Proust ou Camus.
Andreï Makine, tel un entomologiste, passe à la loupe ces français qui l'ont adopté et cela sans concession mais toujours avec respect et un certain humour, évoquant tour à tour ses légendes, ses habitants et leurs manies et contradictions, l'amour des russes pour la France à l'époque de Pierre le Grand ou de la Grande Catherine, le français était alors une seconde langue au pays du Tsar. Il déplore la fragilité actuelle de la langue française et son recul relatif. Les sujets tabous des Français font aussi l'objet d'un chapitre , à savoir la collaboration au temps de la Seconde Guerre Mondiale, Pétain, le décolonisation désastreuse pour les décolonisés, l'Algérie, l'immigration et la non intégration, l'islamisme…etc.
La France d'aujourd'hui : les Français découvrent que toute une part de la population dite française les hait parce qu'ils sont blancs, chrétiens, et censément riches. On hait la république et on siffle l'hymne national. On hait la laïcité. Et Makine d'ajouter : « On se moque des Français car n'est-ce pas comique d'accueillir dans sa patrie, nourrir, loger, soigner ceux qui vous haïssent et vous méprisent…Ceux qui brûlent les écoles, qu'ont-ils pu apprendre de leurs professeurs sur la beauté, la force et la richesse de la francité ? …Et la jeune femme qui périt dans les flammes ? Et toutes cette jeunesse qu'on transforme en « jeunes des banlieues », mélange infecte de victimisation, de tripatouillages politiciens, d'hypocrisie idéologique, d'impunité criminelle, cette jeunesse condamnée à servir tantôt d'épouvantails tantôt de mascottes souriantes pour illustrer l'intégration heureuse ?». La France a connu tant de vagues d'immigration réussie et pour son plus grand bien, les Italiens, les Polonais, les Russes, les Juifs, les Portugais, les Arméniens…etc !!
Ensuite, Makine s'étonne de l'abêtissement de la population dans un pays comme le nôtre : « Dix millions de spectateurs collés à leur écran par une loft story est un déshonneur pour le pays De Voltaire ! » Je souscris totalement.
Makine écrit ces lignes en 2006, quelques mois avant l'élection présidentielle et il s'adresse au futur président :
« Pensez à cette femme qui pleure son mari tué dans une banlieue où l'on peut assassiner un homme en passant, en s'amusant presque et dont l'assassin restera impuni, M. le futur Président ; le reste - les caprices de la Bourse, l'élargissement de l'Europe, la nervosité des sondages - n'est qu'une foutaise du moment où l'être humain est oublié. »
Andreï Makine, immigrant russe, académicien français nous donne ici une belle leçon de savoir vivre pour ne pas oublier d'aimer la France. C'est mon neuvième livre d'Andréi Makine, tous des livres inoubliables.
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