Tes cent pièces finiront mais les siècles n'usent pas le déshonneur.
... Vous pouvez dormir, monsieur le juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice.
Mais que m' importe à moi ( et aux autres ) le sommeil d 'une nuit...ou d' un jour... Qu 'importe même le sommeil de tout un an : il n 'est que la mort dont on ne s' éveille pas...
Les jours , vous avez choisi de vous en acquitter au lieu de les vivre ; la justice votre métier est de la rendre , non de la chercher : vous en avez désappris la saveur quelquefois âpre . Vous entrez dans le bonheur feutré de votre vie ,m' ayant déjà oublié .Il ne vous restera plus qu' à entrer , l'âme blanche , dans la blancheur de vos draps , convaincu que vous avez fait votre devoir puisque vous avez accompli votre tâche .
Vous pouvez dormir , monsieur le Juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice .
Mais que m' importe à moi ( et aux autres ) le sommeil d' une nuit ...ou d' un jour ...Qu' importe même le sommeil de tout un an : il n est que la mort dont on ne s' éveille pas .
Allais-je expliquer que d'être né Arezki des Aït Ouandlous, fils de mon père (cheveux bruns, nez droit, lèvres minces, pommettes saillantes, yeux noirs et menton rond) le 1er avril 1919 (comme si c'était une naissance pour rire) m'avait d'avance condamné à ne connaître de liberté que celle des autres.
Il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice.
Il reconnut l'écriture d'Elfriede, il lut : « Les hommes sont capables de tout, les femmes du reste. »
Vous savez bien , j'habitais un gourbi de pisé. Les murs ont dû retourner à la terre, le chaume au vent et moi à Dieu ou au Diable.
Quelques jours plus tard, Elfriede vint le prendre sous prétexte que c'était l'anniversaire de la libération de Paris. Ils remontèrent les Champs Élysées vers la tombe du soldat inconnu. La foule criait : Vive Leclerc ! Dans les yeux, les gestes et les paroles, dans la joie sereine de tous ceux qu'ils coudoyaient, qu'elle était belle, la liberté, la liberté retrouvée des autres, celle-là même qu'Arezki avait contribué à leur rendre.
Devant les balles, les mines, la faim, le gel, la soif, la peur, la mort et l'amour nous avons arraché notre masque comme un hochet risible et gênant. Pour que la bêtise s'installe il lui faut la torpeur des jours calmes : elle est la sœur de la léthargie et de la mort.