Vous pouvez dormir, monsieur le juge: il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice.
Je ne donnais plus à certains mots que la juste valeur qu'ils doivent avoir, en l'occurence une valeur très relative et de pure convention.
" Mais que m' importe à moi ( et autres ) le sommeil d' une nuit...ou d' un
jour...Qu' importe même le sommeil de tout un an : il n' est que la mort
dont on ne s' éveille pas ... "
...il ne voit pas combien est fragile la ligne entre nous qui sépare la faute du justicier. S'il cessait un instant d'être bercé par la fausse sécurité du code, si le bref instant d'un lapsus il remplaçait pour une fois par sa conscience d'homme les termes de la loi qui lui en tiennent lieu à bon compte, il reculerait effrayé de découvrir que la société qu'il défend pourrait ne devoir son pardon qu'à ma mansuétude...
« Ce crime qui va tous nous valoir de mourir ou d’être condamnés, je sais que je ne l’ai pas commis, j’en salue la victime comme un pauvre compagnon de geôle dont elle a essayé de sortir par la veulerie, comme Mohand par le meurtre. La longue observance des lois a masqué à mon juge le visage de la vérité. Ainsi installé dans la certitude sans accros et l’étourdissement de la tâche quotidiennement achevée mais jamais assumée, il ne sais pas que c’est par accident que nous somme lui du bon côté de la barre et moi de l’autre. »
L'administrateur leva la tête lentement, le regarda et, comme s'il avait soudain perdu le sens, lui dit quelque chose en arabe. Le père ne répondit pas, l'administrateur se leva de nouveau furieux, baragouina quelque chose.
Un cavalier entra et d'un air aussi rogue lui demanda pourquoi il ne répondait pas. « Tout le monde ici est-il devenu fou ? » pensa le père.
— Dis-lui, dit-il au cavalier, que je ne comprends pas l’arabe.
Le cavalier traduisit.
— L’administrateur te demande si tu sais parler français ?
— Non plus, dit le père, je suis d’Ighzer : il n’y a pas d’école chez nous.
(...)
— Le chef te demande ce que tu parles.
— Le kabyle.
— L’administrateur te demande si tu ne pourrais pas parler français comme tout le monde.
— Dis-lui, si ce n’est pas l’offenser, que le kabyle et la langue de mes pères.
" Vous pouvez dormir , monsieur le juge : il est bon après tout que
le sommeil du juste suive le sommeil de la justice " .
Vous pouvez dormir , monsieur le Juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice .
Mais que m' importe à moi ( et aux autres ) le sommeil d' une nuit ...ou d' un jour ...Qu' importe même le sommeil de tout un an : il n est que la mort dont on ne s' éveille pas .
Il ( Akli ) ramassait les épis tombés derrière les moissonneurs, comptait
les oeufs de la basse-cour , rognait sur tout , répétait à chaque instant à ses
ouvriers " qu' ils voulaient l' envoyer mendier sur les routes " .
... Vous pouvez dormir, monsieur le juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice.
Mais que m' importe à moi ( et aux autres ) le sommeil d 'une nuit...ou d' un jour... Qu 'importe même le sommeil de tout un an : il n 'est que la mort dont on ne s' éveille pas...