Rupture(s)

Traverser la nuit

Cette incapacité à dormir nous tue à petit feu. L'insomnie est l'impossible lâcher-prise, le refus du sommeil comme abandon. Passer par la nuit, accepter de disparaître , dans l'oubli du jour passé et l'absence à soi, voilà ce dont une conscience vive a besoin pour affronter les lendemains (p. 141)

En découvrant comment vivent les autres, on prend en horreur sa vie, on a honte. Honte de sa grossièreté, de sa laideur, de sa violence, de sa stupidité. Elle nous apparaît alors comme une prison, un piège dont il faut désormais s’enfuir, avant de s’y perdre. Comment survivre? En se coupant de l’amour destructeur, en désertant le lien, en faisant mourir celui que l’on était pour eux, ceux qu’ils étaient pour nous : “Meurs totalement une fois à tout ce que tu aimes, à tout ce qui compte pour toi. Puis relève-toi.”

Les ruptures de notre époque sont sans pitié.

La conscience sans sommeil étire indéfiniment le passé dont elle refuse qu'il s'efface.

On peut qualifier de point de rupture ce moment où quelque chose se brise intérieurement en nous. Quelque chose s'effondre.

Renaître après une expérience douloureuse nécessite de d'apprivoiser la solitude et de se confronter à la peur archaïque de l'abandon.

Renaître après une expérience douloureuse nécessite d'apprivoiser la solitude et de se confronter à la peur archaïque de l'abandon.

Il ne suffit pas de partir d'un lieu pour qu'il cesse de nous habiter. II ne suffit de quitter un homme pour oublier sa peau.

Correspondre trop parfaitement à un idéal équivaut finalement à se nier soi-même, à s'effacer.

Apprendre à être seul, à se définir par soi-même. Il faut se défaire de l'enfant blessé en soi, se guérir des brûlures du passé. Il faut passer par la nuit : se dépouiller de tout attribut extérieur et supporter l'angoisse d'une identité vide. La nuit, moment de rupture, est le temps de la lucidité, mise en suspens des contraintes, des normes et des regards qui jugent. Elle offre cet espace où la représentation est acérée, les sens exacerbés. La nuit, le mensonge à soi-même n'est pas possible.