« Autour de moi, un tiers des gens agglutinés au bord des pelouses ont le regard fixé sur l'extérieur, un autre tiers sur un livre ou un journal – je n'ai aucun pouvoir sur eux. C'est le dernier tiers qui m'intéresse : ceux qui ont les yeux rivés sur leur téléphone portable. du combustible, en abondance. Une armée mobilisable sur commande, à condition de contrôler le récit qui s'offre à elle ».
Victor Laplace est un petit génie d'à peine 25 ans. Il sait coder comme nul autre et met au point des algorithmes pour décrypter les émotions, influencer les comportements et, de ce fait, enrichir une classe dominante qui se veut maitre du jeu. Pourtant, il se destinait à tout autre chose, l'histoire ou la philosophie. le suicide de son père et la lecture de ses 18 cahiers ont rebattu les cartes. Victor Laplace n'a plus qu'une idée en tête, se venger de celui qui a poussé son père à cet acte irréparable : Stanislas Dorsay. Prêt à tout, il est très vite repéré par celui qui deviendra son mentor et ne cessera jamais pourtant d'être « l'ennemi ». Implacable, Victor conservera toujours sur lui un coup d'avance : son art du codage qu'il met au service d'un dangereux jeu de pouvoir et de séduction. Quitte y à perdre son âme.
Remarquablement mené, le premier roman de
Bruno Markov est une réussite magistrale. le personnage de Victor Laplace, un mélange de candeur et de noirceur est particulièrement crédible et attachant. Déterminé, on le voit se façonner un personnage qu'il ne lui ressemble pas, au service d'un projet fou. Finalement, pas un instant on ne doute qu'il parvienne à ses fins. Mais les embuches ne manquent pas.
L'auteur nous entraine dans les arcanes d'une classe dominante cynique et débauchée, dénonce au passage les risques d'une société hyperconnectée où tous deviennent manipulables par les mots, mais aussi par les images qu'on modifie en temps réel pour mieux hameçonner. Et on en a le vertige.
Au fur et à mesure, il est impossible de ne pas penser aux
Illusions perduesDe Balzac, qui est d'ailleurs une référence explicite du roman. L'histoire d'une ascension, d'une chute. Victor Laplace saura-t-il redevenir lui-même pour retrouver Constance ? « Je t'ai enseigné tellement de règles à propos du game », soupire Stan Dorsay. « Il y en a une que j'ai oublié de te dire, de loin la plus importante : la seule finalité de ce jeu, c'est d'en sortir ». Mais ça, c'est une autre histoire…
A lire absolument !