J'ai 5 ans et je joue avec Nathalie dans un bruit de fureur, des éclats stridents de scie, les camions déambulent, déchargent du bois, les grumes sont entassés, les voix sont couvertes. Mais surtout l'odeur de la sciure, le bois toujours présent.
J'ai 8 ans, je suis avec ma famille dans une grande maison en bois en Finlande dans la région des 1000 lacs et elle donne sur l'un de ces derniers, du moins je m'imagine qu'il en fait partie. Il n'y a absolument rien d'autre autour si ce n'est la forêt.
J'ai 44 ans, et je découvre «
faire bientôt éclater la terre » de Karl Marlentes, 853 pages de l'épopée d'une fratrie obligée de quitter la Finlande au début du 20ème siècle et qui repart à zéro dans l'Oregon. On suit plus de 50 ans de leur histoire, on apprend beaucoup sur l'occupation russe, le sisû des Finlandais, la force intérieure d'un individu, son courage, bref ses tripes pour faire face à l'adversité avec stoïcisme, encore mieux que le hygge danois et le lagom suédois ! On assiste au début des développements des grandes scieries et conserveries de poissons, de l'exploitation massive de la nature, sa mise sous coupe réglée.
Les personnages ne sont pas manichéens, il y a différentes facettes de l'être humain, avec leurs défauts, les histoires sont rudes mais on s'attache autant à l'intransigeante Aino, au mystique Ilmari au réfléchi Matti qu'à Aksel épris de liberté….On patauge dans la boue, on dort souvent à la belle étoile, on construit des saunas, on se bat contre les consortiums capitalistes, mais on danse aussi, on boit, on se bat et on tombe amoureux.
En dernier chapitre, l'auteur apporte des précisions sur l'une de ses sources d'inspiration : le Kalevala, poème épique qui retrace les aventures des figures chamaniques du pays Suomi où se trouve l'actuelle Finlande, et auquel le peuple finlandais s'est raccroché notamment lors de l'occupation russe.
Un grand roman sur la liberté qui s'arraché autant par la lutte syndicale que des rêves poursuivis en forêts et en mer.
Il fait la démonstration que la nature façonne l'âme humaine. Après tout ce que l'auteur fait subir à ses personnages, leur caractère héroïque dans les épreuves donne tant de vertu magique à ce « sisûs» invoqué tout au long du récit que l'on a envie de s'approprier.
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