J'ai "fait connaissance" avec M. Marlantes lorsque j'ai regardé l'an dernier l'excellente série "Vietnam" de Ken Burns et Lynn Novick, disponible sur Netflix. J'en ai appris des vertes et des pas mûres sur la guerre éponyme, à cette occasion, grâce aux archives déclassifiées, et notamment concernant le niveau de cynisme et de mensonge d'état (voir notamment les conversations téléphoniques HALLUCINANTES entre Kissinger, Johnson et Nixon.)
Bref, cette parenthèse étant fermée, cette série met à profit les interviews de nombreux vétérans du Vietnam, parmi lesquels Karl Marlantes qui crève littéralement l'écran par son charisme, son intelligence, son recul et sa philosophie. De quoi battre en brèche la légende selon laquelle les Marines seraient des abrutis.
Une recherche sur internet plus tard, j'ai vu qu'il avait écrit un roman-témoignage et je l'ai acheté aussitôt.
Bien m'en a pris.
Autant le dire, j'en ai pris plein la gueule pendant presque 1 000 pages, et dans le dernier tiers plus particulièrement.
Malgré quelques incompréhensions certainement liées à la culture américaine des années 60, et plus particulièrement celle des bidasses, sans doute spécifique, avec des traits d'esprit probablement assez intraduisibles, d'ailleurs le traducteur a dû bien s'amuser, malgré cela donc, j'ai vu ressusciter dans ces pages tous les films sur la guerre du Vietnam qui m'ont marqué : Platoon, Né un 4 juillet, Apocalypse Now, Nous étions soldats... L'absurdité de cette guerre, tout le monde la connaît déjà, mais vue par un type qui l'a faite (et qui a même rempilé pour éviter que son frère ne soit mobilisé), j'avoue que ça vaut son pesant de cacahuètes.
Prendre une colline d'assaut pour y installer une ZA, l'abandonner aussitôt après parce que le commandement a décidé qu'il y avait mieux à faire, puis devoir la reprendre d'assaut contres les Viets qui entre-temps ont installé leurs mitrailleuses à l'abri des casemates très solides que vous avez construites vous-mêmes, parce que le commandement a finalement décidé que cette colline était importante (avant d'ailleurs de l'abandonner une nouvelle fois dans l'épilogue) : CHECK !
Les chefs alcoolos et inconscients, le racisme rampant dans une unité mixte pour la première fois dans l'histoire de ce pays, pour le meilleur, mais surtout, surtout pour le pire : check !
Bref, un roman coup de poing en même temps qu'un témoignage essentiel.
Commenter  J’apprécie         40
J'ai lu ce livre il y a maintenant quelques mois, et j'en garde un vif souvenir (en général c'est bon signe ...).Probablement un des meilleurs écrits sur la guerre du Vietnam.
On y comprends mieux pourquoi cette guerre ne pouvait être gagnée par l'armée US. le ridicule y a fait dans ses rangs finalement presque autant de victimes que le Vietcong.
Imaginez une colline perdue au milieu de la jungle (Matterhorn - pourquoi celle là plutôt qu'une autre ?) investie, fortifiée. Puis abandonnée en l'état.
Et comme le Vietcong s'y est ensuite confortablement installée, il faudra la reprendre ....
On y accompagne une section de jeunes américains, combattants néophytes, largués en terrain hostile (la nature tout autant que l'adversaire), le plus souvent abandonnés à eux-même, pour des objectifs qu'il leur reste à deviner.
Dans ce microcosme absurde résonnent les maux qui traversaient la société américaine des années 60-70: la violence, le racisme, la drogue, ... jusqu'à pousser à la folie cette jeunesse désemparée.
Et ils ont quand même fait la guerre ....
Les pages qui relatent l'assaut sur Matterhorn sont à couper le souffle de réalisme (je n'ai jamais pris d'assaut une colline fortifiée, mais après ce livre je pense que j'imagine un peu mieux ...).
La lente préparation, le silence avant le chaos, cette concentration un peu hallucinée qui surmonte même la peur.
Et cet état-major, à l'abri, passionné par ce "kriegspiel", jubilant de voir ainsi récité sous ses yeux les leçons apprises à West-Point.
Un livre fort.
Ah, j'oublie .... après avoir repris la colline, ils l'ont à nouveau abandonnée ....
Commenter  J’apprécie         20
Livre extrêmement marquant sur la guerre du Vietnam, vécue de l'intérieur.
La description des conditions de vie des soldats est précise et glaçante, entre la chaleur, les sangsues, les marches interminables sans eau ni nourriture, le ravitaillement étant trop dangereux.
Les décisions de l'état-major sont finement analysées, détachées de la réalité car prises loin du front, et prises souvent pour apporter un coup de pouce à une carrière, en dépit des pertes humaines.
Ce livre n'est pas (seulement) un livre de guerre, il est un formidable témoignage des relations humaines, du racisme au sein de l'armée.
L'écriture est très efficace, rythmée, mention spéciale pour les dialogues très naturels.
J'ai juste trouvé le roman un peu long, notamment lors du dernier récit de combat, à réserver aux amateurs de stratégie militaire.
Commenter  J’apprécie         30
Après “Retour à Matterhorn”, Karl Marlantes marque un très bel essai. Il peint l’évolution des valeurs combattantes avec la guerre électronique.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Marlantes et son jeune lieutenant Mellas captivent le lecteur dans cette conquête du courage, qui est aussi le chant désespéré d'une Iliade meurtrière.
Lire la critique sur le site : Telerama
Debout sous les nuages gris de la mousson, Mellas se tenait sur l'étroite bande de terrain dégagé séparant la lisière de la jungle et la sécurité relative du périmètre protégé. Il essaya de se concentrer pour compter les treize autres marines de la patrouille qui émergeaient de la jungle en file indienne, mais l'épuisement lui rendait la chose difficile. Il tenta aussi, mais sans succès, d'occulter l'odeur de la merde qui clapotait dans l'eau dont les latrines à ciel ouvert étaient à moitié pleines, là-haut, au-dessus de lui, de l'autre côté du grillage. La pluie gouttait du rebord de son casque, dégoulinait devant ses yeux, éclaboussait le tissu satiné vert olive qui retenait le blindage de son encombrant gilet pare-éclats tout neuf. Le tee-shirt et le boxer vert foncé que sa mère avait teints à peine trois semaines plus tôt lui collaient à la peau, lourds et moites sous sa veste et son pantalon de camouflage. Il savait qu'il trouverait des sangsues agrippées à ses jambes, à ses bras, à son dos, à sa poitrine, sous ses habits mouillés, même s'il ne les sentait pas encore. C'est comme ça avec ces bestioles, songea-t-il,. Elles étaient tellement petites et fines avant de se gorger de sang qu'on les remarquait rarement-sauf si elles vous tombaient dessus du haut d'un arbre-, et jamais on ne les sentait percer la peau. Il y avait une espèce d’anesthésique naturel dans leur salive. Ce n'était que plus tard qu'on les découvrait, gonflées de sang, accrochées à son corps tels de minuscules ventres de femmes enceintes.
James Rado dit que la conscription, c'est des Blancs qui envoient des Noirs se battre contre des Jaunes pour protéger le pays qu'ils ont volé aux Rouges. Aucun homme noir devrait être forcé de se battre pour défendre un gouvernement raciste. C'est le sixième article du programme en dix points des Black Panthers.
Quand je traîne avec vous autres, chucks, je suis noir avant tout, et qui j'suis vraiment, ça vient qu'après. Mais quand je traîne avec les splibs, c'est moi qui passe en premier et il est plus question d'homme noir. Ça a rien à voir avec les Blancs. C'est comme ça, c'est tout. Y a pas de complot vaudou là-dedans. On fait que traîner ensemble, et on avance comme on peut.
Gagner une bataille, c'est comme coucher avec une prostituée. L'espace d'un instant, le rush physique fait tout oublier, mais après, il faut filer son fric à la femme qui vous fout à la porte. On voit la crasse sur les murs, son triste reflet dans le miroir.
— Non parce que [...] si on a le droit de buter un Viet qui nous a rien fait du tout, alors pourquoi on ne descendrait pas un putain de raciste qui nous fait chier tous les jours de notre vie ? C'est rien que du bon sens, bordel !
— Non, c'est un meurtre, le corrigea Mellas.
— Un meurtre ! [...] Me-erde, tiens. On est tous des meurtriers.
À l'occasion du festival "America" 2022, Karl Marlantes vous présente son ouvrage "Faire bientôt éclater la terre" aux éditions Calmann-Lévy.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2594871/karl-marlantes-faire-bientot-eclater-la-terre
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite