Avant d'être l'auteur de la saga que l'on sait (Le Trône de Fer, pour ne pas la nommer), George R.R. Martin avait déjà écrit nombre de textes. Dont des nouvelles. 4 d'entre elles sont réunies dans ce recueil, dont 2 primées. Les deux premières appartiennent au genre de la fantasy tandis que les deux dernières, qui sont celles ayant reçu des prix, relèvent plutôt du fantastique. En avant pour un avis détaillé !
Le
Dragon de glace, qui donne son titre et son illustration de couverture au recueil, nous conte l'histoire d'une petite fille, née en hiver. Une étrange fillette, insensible au froid, inexpressive, et fascinée par le dragon qui, parfois, l'hiver, survole les maisons en exhalant son souffle glacé. Mais voilà que vient la guerre et son cortège de sang, de feu et de terreur... À travers le destin de cette enfant singulière, G.R.R. Martin nous présente aussi le douloureux passage forcé d'une petite fille vers l'âge adulte, après avoir vu les horreurs de la guerre. C'est aussi une histoire en forme de conte d'hiver, à la fois beau et terrible, magnifique et triste. Une belle entrée en matière, bien que poignante.
Dans les contrées perdues nous emmène auprès d'Alys la Grise. Cette femme mystérieuse est réputée pour sa capacité à vous apporter ce que vous souhaitez contre le prix adéquat, mais il est conseillé de ne pas faire appel à ses services. Or, la reine lui demande le pouvoir de se transformer en loup et son envoyé, l'exact contraire. Alys va donc se rendre dans les Contrées perdues pour satisfaire ces deux désirs contradictoires. Une nouvelle étrange, avec un personnage fascinant - Alys - qui m'a rappelé ces contes où celui ou celle qui émettait un souhait voyait celui-ci exaucé au pied de la lettre, pour son malheur. le voyage dans les Contrées perdues, ces terres où évoluent notamment des loups-garous, m'a également plu. C'est mon texte préféré du recueil, à cause de cette ambiance, d'Alys la Grise et, bien sûr, des loups-garous :).
L'Homme en forme de poire a reçu le prix
Bram Stoker en 1987. Ce prix récompense des oeuvres de dark fantasy ou d'horreur et après lecture de cette longue nouvelle, j'ai compris pourquoi un tel prix lui avait été attribué ! Car il est amplement mérité. L'Homme en forme de poire m'a tout simplement mise profondément mal à l'aise. On y suit une jeune femme qui emménage et qui fait la rencontre du voisin qui vit en sous-sol, un homme en forme de poire au physique et au comportement pas très ragoûtants. Petit à petit, cet homme semble développer un certain attrait pour la jeune femme... Dans ce texte, la tension, l'oppression, le malaise augmentent lentement jusqu'à atteindre un paroxysme. J'ai réellement frissonné de dégoût et j'ai du reposer le recueil pour un temps une fois ma lecture de ce texte achevée, tellement je me sentais... mal. Est-ce parce que, en tant que femme, je comprenais totalement la panique et la paranoïa galopante du personnage principal face à une insistance aussi maladroite qu'inquiétante de la part d'un homme révulsant ? Ou, tout simplement, parce que G.R.R. Martin est un auteur génial qui parvient à construire des intrigues, des atmosphères de façon tellement brillantes qu'il fait mouche ? Je ne le sais pas mais en tout cas, je ne relirai jamais cette histoire, elle m'a trop donné la nausée !
Une fois remise de ma précédente lecture (si l'on veut...), nous passons à Portrait de famille, qui a reçu le prix Nebula en 1985. Un écrivain en brouille avec sa fille, qui était la dernière personne proche auprès de lui, découvre un tableau emballé sur son palier. C'est un portrait envoyé par sa fille. Un portrait représentant l'un des personnages créés par son père. Un portrait qui, au soir, prend vie. Ici, G.R.R. Martin se livre autant à une réflexion sur le lien entre un auteur et ses créations que sur celui qui l'unit à son entourage. G.R.R. Martin nous présente un auteur antipathique, asocial, qui s'inspire de ses propres proches pour ses livres, quitte à blesser ces derniers au nom de sa créativité. Une nouvelle intéressante, plutôt amère dans l'ensemble, on pourrait même dire glauque, et qui présente un homme foncièrement solitaire, presque vampire avec sa manie d'utiliser les siens pour ses romans. C'est aussi une nouvelle sur les relations père-fille, avec ici une incompréhension de taille : celle de la frontière à ne pas franchir, même au nom de la création artistique.
En résumé, 4 nouvelles écrites avec talent, 4 nouvelles qui nous montrent une autre facette de G.R.R. Martin que celle de l'auteur de la saga de fantasy à succès du moment - elle est certes de qualité, elle aussi, mais limiter l'oeuvre de G.R.R. Martin à cette seule série serait dommage. Cependant, les 2 dernières, par leur intensité dramatique et horrifique (psychologiquement parlant) risque de heurter plus d'un lecteur. C'est pourquoi, pour ma part, je ne glisse que 3 étoiles sur 5. Si j'admets le talent de l'auteur, je sais que je ne relirai pas la moitié du recueil à cause de ces atmosphères noires. Vous me direz qu'en la matière, le Trône de fer n'est pas mieux, mais ce dernier se déroulant dans un contexte médiéval fantastique, la pilule passe mieux, pour ma part, que dans ces 2 textes situés dans notre univers de tous les jours.
A recommander, donc, aux fans de l'auteur et à ceux qui n'ont pas peur d'être mis mal à l'aise.