Avec ce roman intimiste,
Maîtresse,
Valérie Martin dissèque minutieusement le coeur d'une femme… Coeur dévoré par la jalousie, l'insatisfaction, la frustration et le malheur d'être née femme, même blanche, au 19ème siècle (indépendance impossible, à moins d'être veuve ou femme de petite vertu et encore…)
Manon Godet est l'épouse d'un planteur dans le sud des Etats-Unis. Ses journées interminables sont passées à observer son époux gérer avec un degré égal d'incompétence et d'autosatisfaction sa plantation, la menant à sa ruine, coucher avec les esclaves qu'il désire, et surtout avec Sarah, belle métisse impassible, sa rivale, son esclave personnelle.
Ignorant de la haine silencieuse et quasi palpable que lui vouent ces deux femmes, l'homme évolue, occupé à ses parties de chasse, ses plaisirs, soucieux de contenir avec ses collègues planteurs les révoltes d'esclave qui commencent à éclater ci et là.
On étouffe en lisant ce roman, car il s'agit d'un huis clos dont l'étau se resserre de plus en plus fort sur les personnages et aucun d'entre eux n'arrivera à se libérer de ces chaines qu'ils portent tous, contraints par la société qui les rend tous dépendants les uns des autres et de l'hypocrisie de la vie nous dit Manon. Aucun d'entre eux ne trouvera dans son coeur suffisamment de compassion pour se libérer et libérer les autres.
Le ton de Manon, la narratrice, détaché, presque serein, rend la lecture de ce livre d'autant plus difficile, quand on sait la violence de sa rancoeur, son désespoir, des sentiments qui l'animent.
Ce roman est un petit poignard que vous aurez du mal à mettre de côté une fois terminé.