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Citations sur Cléopâtre, la reine sans visage (10)

Les dieux se taisent.Quoi qu’en dise Virgile, ils n’ont pas de préférence, ne favorisent personne. Indifférents au sort des hommes, ils les laissent aujourd’hui comme hier s’entre-tuer au soleil. Ils se cachent dans les buissons de myrte, derrière les grandes toiles peintes de la mer et du ciel. Les cigales stridulent. Le maquis grésille. La chaleur fait danser l’horizon.
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Brûler pour ne pas mourir : c’est la stratégie du ciste. Cette plante méditerranéenne, dont les fleurs roses, jaunes et blanches colorent peut-être les hauteurs d’Actium, germe mieux si sa graine brûle. Ce pourrait être la devise d’Antoine et Cléopâtre, ces familiers du feu qui attisent leur destin au bord de la mer Ionienne.
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Du vent, tout ça : terrasser l’Hydre de Lerne, étouffer le lion de Némée, battre à la course des biches aux pieds d’airain et puis quoi encore ? Du vent, des fables. Hercule et Dionysos pas davantage ne sauraient résister à Vénus en personne.La voici, fille de l’écume, surgissant des eaux de la Méditerranée. Elle a quitté les cimes improbables de l’Olympe pour faire une entrée fracassante sur la scène de l’Histoire. Qui mieux qu’elle pouvait l’incarner ? Cléopâtre a soigné les détails, passé un déshabillé antique du plus bel effet. Ce n’est pas une cliente de Rome qui navigue ce jour-là au large de Tarse, ce n’est pas même une reine : c’est une déesse.
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Elle n’est peut-être pas la plus belle mais elle a mieux : un charme fou. Une « étrangeté » qui attire, assure Plutarque. Sa voix charme. Son enjouement séduit. Sa culture, la grâce de ses manières, l’art qu’elle met à se vêtir, à se parer aimantent les regards, harponnent les cœurs. Ses tuniques transparentes attisent le désir. Elle est le feu. Elle dévaste. Son parfum capiteux rehausse sa séduction. Elle est brune, plutôt petite. Nul scribe ne nous dit l’expression de son visage. Nous ne saurons jamais l’éclat de son sourire, ses gestes d’impatience ou d’amitié ; nous ne saurons jamais si elle plisse les yeux ou le front, si sa moue est adorable. Nul poète amoureux ne nous laisse l’inventaire de ses grâces. Aucun Baudelaire antique n’a chanté les boucles de sa chevelure. Reine sans visage, Cléopâtre est belle comme un rêve de pierre.
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Le sort en est jeté : alea jacta est. La formule est connue. Son envers un peu moins. Quel est donc ce géant surgi de nulle part si opportunément ? Un messager des dieux ? Allons donc, les dieux se taisent. Plutôt un figurant dans les coulisses de la fable. Les hommes de très haute taille ne manquent pas parmi les nombreux prisonniers gaulois que l’armée des Gaules traîne à sa suite. César, aventurier de la République, aura sans mal fabriqué un présage. Metteur en scène de sa propre importance, il ne recule pas devant des procédés de bateleur. Ainsi s’écrit l’histoire du monde.
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La jeune fille tient dans ses mains les papyrus et les tablettes, les ostraca où les scribes ont usé leurs calames. Les sept cent mille ouvrages de la bibliothèque d’Alexandrie lui offrent de quoi lire pour plusieurs vies. Elle apprend dans Homère la ruse d’Ulysse. Elle aime Achille. Elle sait les cyclopes et les sirènes. Elle sait les tours de Nausicaa pour retenir un homme. Cléopâtre est bonne élève à l’école des nymphes, professeures de volupté. Elle lit Hésiode, Pindare. Démosthène lui donne des leçons d’éloquence. Euripide lui enseigne que la vie est tragique. Ménandre lui apprend à en rire. Elle traîne ses sandales de papyrus sur les sols pavés de mosaïques. [...] Elle s’engoue pour l’arithmétique et la géométrie qui ne l’instruisent pas de ses métamorphoses. Elle joue de la lyre à sept cordes et apprend à monter à cheval. Elle tient à apprendre l’égyptien, que d’ordinaire les Lagides se soucient peu de parler. Elle a des notions de médecine, d’astronomie, mais les pharmacopées pas plus que les clepsydres ne peuvent l’aider à comprendre ce qui advient.
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[...) Il n’en est rien sans doute, la culpabilité n’est pas un article d’Alexandrie et Cléopâtre n’a rien d’une Lady Macbeth au soleil. Elle a des désirs, pas de remords. Sa vie est une fête barbare jonchée de fleurs de sang. Pas de quartier pour les vaincus. Pas de limites pour les gagnants.

p. 271
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Les dieux se taisent.
Ils se cachent dans le bleu de la mer Ionienne, dans la lumière crue qui profile les navires. Le feu ravage les trirèmes hérissées de rostres. Les glaives tranchent les gorges, déchirent les chairs. Les larmes, les hommes ; des mots semblables les désignent en égyptien. L’issue de la bataille reste incertaine. Une brise souffle à l’entrée du golfe d’Ambracie, dans le nord-ouest de la Grèce. La côte rocheuse, délavée de midis brûlants, s’effondre dans la mer. Il fait chaud. Les voiles pourpres de l’Antonia, mouillé derrière la ligne de front, claquent. À son bord, Cléopâtre hésite.
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Il expédie les affaires politiques et pour tout dire il fait n’importe quoi. Il lève en Syrie des impôts exorbitants, lorgne sans succès Palmyre, cité réputée pour sa richesse au carrefour des routes caravanières. Il sème le trouble en Judée, se mêle de politique intérieure pour remplir ses caisses. Il donne le pire de lui-même. Il est Dionysos Carnassier et Sauvage. Il inspire l’effroi. Et la haine. Exécutions sommaires, rapines rebaptisées tributs le rendent impopulaire dans toutes l’Asie. Ce fâcheux épisode ternit sa légende. Il s’en moque. A 43 ans, cet étudiant attardé en plaisir supérieurs bâcle ses devoirs diplomatiques, veut faire l’Égypte buissonnière au bras de sa maîtresse.

pp 257-258.
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Encore. Et encore. Fuir. Toujours fuir. Est-ce donc-là de destin d’une reine, d’une déesse ici-bas ? La femme la plus riche du monde ne possède pas ce bien si rare et qui ne s’achète pas en drachmes ou en sesterces : la tranquillité d’âme. Ce paysan dans son petit domaine qui veille sur ses figuiers et ses oliviers, ce propriétaire d’un coteau inondé de soleil qui élabore son vin modeste sont plus heureux qu’elle, j’en jurerais avec Horace. Certes ils n’ont ni palais ni galères, ni triomphes ni banquets, mais la gloire d’un ciel bleu, d’un couchant doré leur échoit sans partage. Ils n’ont pas besoin de courir les mers tempétueuses pour chercher fortune. Il ne leur arrive rien. Ils deviennent vieux, noueux comme des oliviers bourrelés de soleil et tombent un beau jour parmi les blés mûrs, sur un chemin poudreux où le soir descend. Les corneilles craillent et puis plus rien, on entend plus parler d’eux. Ils ne sont pas dans les pages de Plutarque ou de Suétone qui n’en n’ont rien à faire, en pincent pour les caïds en manteau pourpre.

p. 223.
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