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EAN : 9782379331664
400 pages
Passés/Composés (04/11/2020)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Luxe, calme et volupté ne furent pas le quotidien de la plus puissante femme du monde méditerranéen. Les morts violentes, les trahisons, les défaites jonchent la course de Cléopâtre, jusqu'à la scène qui se joue à Actium, le 2 septembre 31 av. J.-C., et au dénouement tragique qui suit la bataille. Cléopâtre, déesse reine d'Égypte, offre ainsi, outre son profil de médaille que casse un nez busqué, un des plus poignants destins de l'histoire antique. Pour le restituer... >Voir plus
Que lire après Cléopâtre, la reine sans visageVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Si pour vous une biographie est susceptible d'être ennuyeuse ;
Si pour vous une biographie est une succession de faits et de dates sans "âme" ;
Et bien oubliez tous vos a priori ;
Et bien oubliez tous les codes de la "biographie traditionnelle" ;
et plongez dans celle-ci

Je vous accorde que le personnage s'y prête, on a tous en mémoire une représentation de Cléopâtre quelque soit l'art concerné :
-  en peinture dans le banquet de Cléopâtre de Giambattista Tiepolo ou Cléopâtre et César de Jean-Léon Gérôme ;
- en sculptures qu'elles sont antiques et plus récentes ;
- Liz Taylor sur grand écran ;
- Dans une case de BD avec Asterix ;
- Dans la littérature antique Plutarque la dépeint comme une séductrice - prêtre à tout dès sa jeunesse. Dans le tome consacré à Antoine, de ses Vies parallèles des hommes illustres, il évoque le charme de sa voix: «On avait plaisir à entendre le son de sa voix; sa langue était comme un instrument à plusieurs cordes qu'elle adaptait sans effort au dialecte qu'elle voulait»

Autant dire qu'elle n'en finit pas d'alimenter notre imaginaire, et selon l'angle sous lequel on appréhende sa vie, son histoire on oscille très vite en Mythe et Tragédie
Frédéric Martinez fait montre d'un grand talent dans une biographie à nulle autre pareil, dans laquelle il joue habilement avec les codes de la tragédie et du mythe en réussissant à se libérer des aspects historiques connus pour lui apporter un souffle nouveau, et quel souffle.
C'est ébouriffant, bluffant, déroutant et ça fonctionne à 200 %
Frédéric Martinez se base sur les faits, mais aussi les anecdotes célèbres telle celle où Cléopâtre est "déroulée" d'un tapis aux pieds de César. le tout dans une mécanique d'écriture savamment huilée

Dans ce texte qui se lit comme un roman, notre imagination est mise à contribution l'auteur expliquant lui-même : " Reine sans visage, Cléopâtre est belle comme un rêve de pierre. Les historiens s'y cassent les dents. Il faut nous débrouiller. Il faut débaucher la fée imagination pour donner corps à cette femme qu'on dit fatale et qui, assure-t-on, tuait ses amants après une nuit de plaisir, mais que ne dit-on pas ? Je l'imagine, donc, affable et piquante, aguichante. Ses mains, aux ongles peints au henné, décrivent des arabesques quand elle discute avec animation. Elle joue distraitement avec ses colliers de perles, s'ennuie doucement, touche ses cheveux. Sa morgue de fille à papa, sa majesté de nouvelle Isis intangible désavouent ses tenues provocantes que pourraient porter les putains des faubourgs d'Éleusis. Elle est le feu. Elle est la glace. L'injonction du désir et son châtiment. Affolant mélange de séduction et d'interdit, elle est inaccessible et désirable, bref irrésistible. Une icône. Une actrice."

C'est écrit telle une tragédie et selon la tradition établie, la tragédie classique est composée de cinq actes, c'est le ca. Avec une "entorse" sur la règle des 3 unités (temps, lieu et action). Mais la progression dramatique est bien présente.

Acte I.
Cléopâtre VII Philopator (qui aime son père), dernière des Ptolémée, elle est belle, elle est intelligente, elle est cultivée, elle parle plusieurs langues (utile en politique), elle maîtrise de nombreuses disciplines (arithmétique, géométrie, la musique, la médecine, l'astronomie, ...) mais quoi de plus normal quand on est à Alexandrie, où se trouve "tout le savoir du monde", Homère est son auteur de chevet (elle y apprend la ruse d'Ulysse). Elle attend son heure et finira par évincer Bérénice sa soeur pour devenir reine d'Égypte à 18 ans.

Acte II.
C'est le moment de la rencontre avec César qui scelle à la fois une union politique et sentimentale. C'est l'heure des batailles avec leurs lots de virements, de chavirements, de revirements. D'alliances, de "désalliances" (désolé pour ce néologisme) et de mésalliances C'est l'heure des conquêtes romaines célébrées dans le faste égyptien, les "festins d'Anubis" qui les conduira tous deux à la gloire. Viendra ensuite la naissance de Césarion "objet" d'un autre projet : réunir l'Orient et l'Occident.

Acte III.
Défier les romains chez eux. Cléopâtre sait que l'avenir de l'Égypte commence à Rome. Cléopâtre suit César à Rome où elle se sait pourtant haïe. le plaisir est trop grand d'imposer sa puissance et de faire trembler les romains face à l'ambitieux projet commun.
Mais à Rome c'est le temps des intrigues, Lupercales, complot contre César, ides de Mars. César n'est plus, mais Cléopâtre est toujours bien présente, elle repart seule, mais loin de s'avouer vaincue.

Acte IV.
Encore. Et encore. Fuir. Toujours fuir. Est-ce donc là le destin d'une reine, d'une déesse ici-bas ? La femme la plus riche du monde ne possède pas ce bien si rare et qui ne s'achète pas en drachmes ou en sesterces : la tranquillité d'âme.
Plus viennent la famine, la Peste, la sécheresse : Un dur métier. Reine d'Égypte en ces temps troublés n'est pas une sinécure.
Nouvelle chance que cette idylle avec Marc-Antoine. Il a tout pour lui : jeunesse, impulsivité, brutalité mais surtout il l'aime. Est-ce réciproque : "Elle maigrit, elle pâlit. Elle pleure. Son rôle d'amoureuse tragique requiert quelques transformations. Faire pitié, c'est séduire encore. Cléopâtre feint de mourir d'amour pour Antoine."
Ils seront rattrapés par le destin et la fatalité. Il faut régler les questions de la succession, de l'infidélité, de l'ambition d'Octavien assoiffé de gloire, qui ira jusqu'à déguiser sa guerre civile en guerre internationale

Acte V.
Ultimes combats comme à Actium, pour d'
Ultimes trahisons et fuites : "Les soldats d'Antoine regardent avec stupéfaction, avec une terreur mêlée de colère probablement, les soixante navires de l'escadre égyptienne qui s'enfuient sans leur porter secours." Pour d'
Ultimes subterfuges : "Elle se tient en retrait dans le golfe, à l'abri du demi-cercle décrit par les escadres d'Antoine, attendant le moment propice pour gagner la mer libre et cingler vers Alexandrie." pour d'
Ultimes soubresauts de vies
Mais pour quoi ? Pour le pouvoir. Pour l'ambition. pour la gloire. Pour l'éternité. A moins que ce ne soit tout ça à la fois.
Marc Antoine se tue piégé quand on lui annonce le suicide Cléopâtre.
Cléopâtre met en scène de sa mort tel celle d'un pharaon, le dernier pharaon. Elle deviendra mythe, cela transparait dans l'écriture de Frédéric Martinez : "Du vent, tout ça : terrasser l'Hydre de Lerne, étouffer le lion de Némée, battre à la course des biches aux pieds d'airain et puis quoi encore ? du vent, des fables. Hercule et Dionysos pas davantage ne sauraient résister à Vénus en personne. La voici, fille de l'écume, surgissant des eaux de la Méditerranée. Elle a quitté les cimes improbables de l'Olympe pour faire une entrée fracassante sur la scène de l'Histoire. Qui mieux qu'elle pouvait l'incarner ? Cléopâtre a soigné les détails, passé un déshabillé antique du plus bel effet. Ce n'est pas une cliente de Rome qui navigue ce jour-là au large de Tarse, ce n'est pas même une reine : c'est une déesse."

Frédéric Martinez nous emmène dans un livre où tout brille comme dans la thalamège, le vaisseau royal "tout rutile et chatoie, Thalamegos, est un palais mouvant, un îlot de luxe dérivant sur le Nil. César n'est jamais monté à bord d'un semblable navire. La thalamège de Cléopâtre comprend de nombreuses chambres, des cours bordées de colonnades, des sanctuaires dédiés à Vénus et à Dionysos, des salles pour les banquets et réjouissances pourvues de plafonds à coffrages ou couvertes d'un dais pourpre. le décor est fastueux : couleurs vives, boiseries en cèdre et en cyprès, peintures et feuilles d'or. Des bustes royaux ornent les appartements. le style grec prime. Une des salles de banquet fait une concession au goût égyptien : pétales de lotus et feuilles d'acanthe décorent les chapiteaux des colonnes aux tambours noir et blanc. Un escalier rejoint les niveaux. Il est possible d'exercer son corps dans un gymnase, de cultiver son esprit dans une salle de lecture ou de se délasser dans une salle de repos, de prendre un bain dans une piscine en cuivre. La grotte artificielle et le jardin d'hiver offrent un refuge aux méditatifs ou aux amoureux transis égarés dans cette cour flottante."

L'écriture est d'une efficacité redoutable, les chapitres s'enchaînent à toute vitesse, le récit foisonne de détails. 
Les éléments ne sont pas en reste : on sent le vent de l'Orient souffler sur les pages, la chaleur du désert brûle les doigts, le soleil rend Cléopâtre solaire, le Nil et la Méditerranée nous rafraîchissent.  

Une fois le livre refermé... 
une seule envie : s'y replonger comme pour le redécouvrir, comme pour y trouver de nouveaux détails, comme pour en faire une nouvelle lecture. C'est souvent le cas avec les Mythes ou les Tragédies.
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Cléopâtre. Qui n'a pas entendu ce nom au moins une fois dans sa vie ? Savon, colle, Liz Taylor, Astérix, Shakespeare, nous avons tous une image qui nous revient de cette reine d'Égypte - septième du nom - quand ce nom résonne à nos oreilles. Mais derrière cette femme fatale, cette tragédie antique, qui était vraiment Cléopâtre ? Une reine assurément, mais elle fut aussi bien plus que cela. Effectivement, Cléopâtre c'est l'intelligence froide et charmeuse, une beauté qui n'a pas froid aux yeux, une personne courageuse et étonnante, une politicienne qui ne fera pas toujours les bons choix.

Ce livre se propose d'être une biographie sur Cléopâtre, de fait il en est une. de son enfance à sa mort, l'auteur nous propose de (re) découvrir le portrait, plus politique que physique, de cette reine d'Égypte. Pourquoi plus politique ? Car au final nous ne savons pas grand-chose de son physique qui fera tourner plus d'une tête, et en fera tomber d'autres…
Car en effet, par son charme et son intelligence Cléopâtre VII a assurément pu gouverner l'Egypte. César ou encore Marc-Antoine furent autant des amants que des possibilités politiques, mais grâce à ses dons de la nature, cette envoutante reine a pu aussi éliminer beaucoup de ses adversaires politiques. Sa soeur Arsinoé, l'usurpateur Ptolémée ou encore quelques proches de Marc Antoine en feront les frais…
Mais n'allons cependant pas croire que la politique de Cléopâtre n'a pour seul atout son physique. En effet, comme l'auteur l'indique, Cléopâtre fut une reine fort intelligente ; ayant eu parmi les meilleurs précepteurs de son pays, il faut bien avouer que pour avoir survécu aussi longtemps dans ce panier de crabe et de crocodiles sacrés, le miracle seul ne suffit pas... Néanmoins, cette intelligence ne va pas sans défaut. Des erreurs elle en fera.
Par ses erreurs, comme le soutient offert à Pompée, l'arrogante sera la première actrice de son destin funèbre. Trop fière pour s'avouer qu'elle fait fausse route, trop enjôleuse pour les réalités de la guerre, beaucoup de mauvaises décisions seront prises par sa faute avant son dernier ballet marin à Actium en -31.

En même temps, ne lui jetons pas la pierre, car Marc Antoine ne fit pas mieux sous le regard de sa belle. Non seulement il ne s'impose pas, mais il change en mal. Sous l'emprise de son impératrice, Marc Antoine n'est plus cet homme généreux et amical qu'il fut au temps romain. Sans doute que ses ennemis qui ne manquent pas de parole venimeuse pour critiquer cette reine lascive et froide, ont raison quand ils disent qu'il n'a plus toute sa tête, que ce serpent du Nil a éteint en lui le romain. Cette ensorceleuse a soumis Marc Antoine à sa loi qui devient irascible et tourmenté. Mais il est coupable autant que sa compagne.

« Il expédie les affaires politiques et pour tout dire il fait n'importe quoi. Il lève en Syrie des impôts exorbitants, lorgne sans succès Palmyre, cité réputée pour sa richesse au carrefour des routes caravanières. Il sème le trouble en Judée, se mêle de politique intérieure pour remplir ses caisses. Il donne le pire de lui-même. Il est Dionysos Carnassier et Sauvage. Il inspire l'effroi. Et la haine. Exécutions sommaires, rapines rebaptisées tributs le rendent impopulaire dans toutes l'Asie. Ce fâcheux épisode ternit sa légende. Il s'en moque. A 43 ans, cet étudiant attardé en plaisir supérieurs bâcle ses devoirs diplomatiques, veut faire l'Égypte buissonnière au bras de sa maîtresse ». pp 257-258.

Mais revenons-en à Cléopâtre. Que cette diablesse soit donc largement responsable de la défaite égyptienne à Actium c'est un fait ; après tout n'a-t-elle pas écarté ses ennemis plus avisés qu'elle, quand ils lui disaient qu'un combat sur l'eau ce n'était pas une bonne idée ? Pourtant, ne croyons pas que ce livre est à charge contre cette belle antique ! Puisque incontestablement, l'auteur sait en faire ressortir toute la majesté, la richesse, l'intelligence, l'entêtement… pour la draper de toutes ces qualités infernales.
Cléopâtre la cajoleuse, Cléopâtre l'actrice, Cléopâtre la calculatrice… renaît sous l'écriture au fil des évènements. Cela n'a rien de pendable ni d'antiféministe, après tout c'est une politicienne, elle n'est pas différente des politiciens. La politique impose des choix et un comportement. C'est une lionne protectrice et belliqueuse qui se dessine devant nos yeux, et fallait bien en faire ressortir cela.

« Il n'en est rien sans doute, la culpabilité n'est pas un article d'Alexandrie et Cléopâtre n'a rien d'une Lady Macbeth au soleil. Elle a des désirs, pas de remords. Sa vie est une fête barbare jonchée de fleurs de sang. Pas de quartier pour les vaincus. Pas de limites pour les gagnants ». p. 271

Est-il permis ou possible d'écrire sur Cléopâtre sans s'attarder sur les personnages qui la côtoie, qui la haie, qui la protège ? Non, bien évidemment. C'est ainsi que sous la magnifique plume de Frédéric Martinez vont revenir à la vie Octave, Antoine, César, Ptolémée XII, et d'autres moins connus comme Arsinoé, Agrippa, Lépide, Octavie, etc.
Les intérêts des uns et des autres, les lâchetés, sont mises en avant. de fait, grâce à cela nous allons en découvrir davantage sur l'Égypte de Ptolémée XII, pharaon fantoche qui ruina et exaspéra son pays pour Rome. Nous en découvrirons également plus sur Rome qui accueillit ce pharaon temporairement en exil, et demanda l'aide politique du sénat pour lutter contre sa fille Bérénice. Mais Rome, la ville éternelle, ne semble pas bien pressée, l'aide est interlope. Est-elle déjà un peu l'ombre de sa République ? César, Pompée, Octave l'ont sans doute compris avant d'autre…
L'auteur fait donc revivre chaque personnes, chaque situations – chacune avec ses impératifs et particularités –, avec un souci du détail agréable. L'exaspération des égyptiens qui en ont marre de Rome comme de leur reine, pendant que eux vivent dans une profonde misère qu'est venue alourdir une disette, n'aura plus vraiment de secret pour vous. La haine de Rome contre l'égyptienne (mais aussi Marc Antoine) également. Pas plus que la mentalité de l'époque, les codes et la praxie de cette mythologie égyptienne compagne de la Grèce.
Pour Rome cela n'est pas différent, un présage parle pour un autre quand il ne parle pour personne.
J'insiste sans doute, mais nous avons-là vraiment toute la résurgence des enjeux et des sentiments, du contexte, des coeurs, des mentalités, et tout ceci rend cette biographie particulière complète et vivante pour notre plus grand bonheur.


Avant de finir un petit mot sur l'écriture. Nous nous en doutons, l'histoire nous a laissé des trous : les gestes, les sourires, les paroles, sont plus souvent écrits sur le sable que sur le marbre de l'histoire. L'auteur complète donc le tableau avec son intuition, sa connaissance de la nature humaine, sans oublier d'omettre parfois qu'il n'en sait rien mais que ça lui plaît d'imaginer ainsi. Cette écriture à sensation, où la poésie et le mélange des mots produit son petit effet poétique, et qui se joint à celle plus scientifique de l'Histoire, produit sur le lecteur un effet enchanteur où parfois nous avons plus l'impression de lire un roman qu'une biographie bien sérieuse. Pourtant, c'est extrêmement sérieux.
Et pour la première fois de ma vie, j'ai mis deux mois à lire un livre. Cela n'avait pour seul dessein que de faire durer le plaisir. Voilà enfin quelqu'un qui manie les mots, les contradictions, les images, avec goût et talent. Tout Prix Nobel qu'il est, Modiano peut aller se rhabiller. L'écriture dans sa forme la plus parfaite c'est Frédéric Martinez qui l'a possède, pas cet auteur de roman à l'écriture plate.

En résumé c'est une biographie historique vivante, sérieuse, enchanteresse, qui navigue parfois à vue car l'histoire a laissé des grands trous et que l'imagination entre Hollywood et la littérature a fait le reste. Mais même si vous n'aimez pas Hollywood, rien ne justifie de passer à côté de cette perle.

Lien : http://encreenpapier.canalbl..
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Sous une couverture qui arbore une oeuvre controversée se déploie la biographie d'un personnage qui l'est davantage encore. N'attendez pas de la plume nerveuse de Frédéric Martinez qu'il fasse un portrait historique, tout en sources comparées et en déductions judicieuses : pas de bibliographie, pas de mesure, le prologue annonce la démesure ! Quoi de mieux pour retranscrire l'hubris ? L'auteur a choisi une Cléopâtre : c'est pour et sur celle-ci qu'il écrit.

Le lecteur est mitraillé de chapitres brefs qui figent chacun un instant, retranscrit avec des figures de style efficaces qui met en parallèle toutes les pièces d'un vaste échiquier politique. Une formule efficace, qui se laisse picorer et invite à découvrir la reine... avant de s'essouffler vers la moitié du livre.

On se fatigue à toujours courir d'un chapitre à l'autre : la seconde moitié, portée par le couple Cléopâtre- Antoine, aurait gagné à être émondée de quelques chapitres parfois trop répétitifs ou portés exclusivement sur la description d'une oeuvre... au point de sentir le remplissage désoeuvré. Carton rouge pour les relecteurs qui ont laissé passer un Docteur Hyde écrasé par un Monsieur Jekyll détraqué : une recherche aurait suffi à lever le malentendu, nous sommes en 2020, tout de même.

Toutefois, une biographie littéraire intéressante qui m'aura passionnée sur sa première moitié !
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Bien plus qu'une biographie, le Cléopâtre de Frédéric Martinez est une immersion complète dans les conflits du pourtour méditerranéen du premier siècle avant J-C. On y vit des batailles navales entre Egyptiens, Romains et autres Thraces, des combats à chevaux dans les déserts d'Arabie, des complots sanglants entre espions et fanatiques. Un péplum qui n'est pas sans rappeler l'engouement du narrateur pour Hollywood, qui évite cependant la surenchère et les inexactitudes. Comment prétendre connaître exactement se qui se passa il y a 2000 ans ? L'auteur nous fait part de ses doutes, des incertitudes et du mythe qu'il suscite. Depuis l'enfance de Cléopâtre jusqu'à sa déchéance en passant par ses liens avec César et Anthony, le récit n'est pas qu'une simple biographie méthodique, il invoque la présence des Dieux égyptiens, romains et grecs. Il est l'incarnation de l'esprit de l'époque où les signes avaient leur importance dans chaque chose, chaque phénomène. On pourrait regretter que la biographie ne nous révèle pas d'avantage l'avancée de Cléopâtre sur le plan tactique et politique, mais qui pourrait prétendre aujourd'hui connaître les secrets de l'Histoire? Il y est question aussi d'amour: quand la passion des puissants dépasse les intérêts politiques, à quoi peut-on s'attendre ? le récit serpente comme le reptile annonçant la mort fatidique.
Lien : https://passes-composes.com/
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critiques presse (1)
LeFigaro
13 novembre 2020
L’auteur déclare la cause entendue: on ne saura jamais ce qui se tramait dans le cœur de cette grande prédatrice de la politique et de l’amour.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La jeune fille tient dans ses mains les papyrus et les tablettes, les ostraca où les scribes ont usé leurs calames. Les sept cent mille ouvrages de la bibliothèque d’Alexandrie lui offrent de quoi lire pour plusieurs vies. Elle apprend dans Homère la ruse d’Ulysse. Elle aime Achille. Elle sait les cyclopes et les sirènes. Elle sait les tours de Nausicaa pour retenir un homme. Cléopâtre est bonne élève à l’école des nymphes, professeures de volupté. Elle lit Hésiode, Pindare. Démosthène lui donne des leçons d’éloquence. Euripide lui enseigne que la vie est tragique. Ménandre lui apprend à en rire. Elle traîne ses sandales de papyrus sur les sols pavés de mosaïques. [...] Elle s’engoue pour l’arithmétique et la géométrie qui ne l’instruisent pas de ses métamorphoses. Elle joue de la lyre à sept cordes et apprend à monter à cheval. Elle tient à apprendre l’égyptien, que d’ordinaire les Lagides se soucient peu de parler. Elle a des notions de médecine, d’astronomie, mais les pharmacopées pas plus que les clepsydres ne peuvent l’aider à comprendre ce qui advient.
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Elle n’est peut-être pas la plus belle mais elle a mieux : un charme fou. Une « étrangeté » qui attire, assure Plutarque. Sa voix charme. Son enjouement séduit. Sa culture, la grâce de ses manières, l’art qu’elle met à se vêtir, à se parer aimantent les regards, harponnent les cœurs. Ses tuniques transparentes attisent le désir. Elle est le feu. Elle dévaste. Son parfum capiteux rehausse sa séduction. Elle est brune, plutôt petite. Nul scribe ne nous dit l’expression de son visage. Nous ne saurons jamais l’éclat de son sourire, ses gestes d’impatience ou d’amitié ; nous ne saurons jamais si elle plisse les yeux ou le front, si sa moue est adorable. Nul poète amoureux ne nous laisse l’inventaire de ses grâces. Aucun Baudelaire antique n’a chanté les boucles de sa chevelure. Reine sans visage, Cléopâtre est belle comme un rêve de pierre.
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Du vent, tout ça : terrasser l’Hydre de Lerne, étouffer le lion de Némée, battre à la course des biches aux pieds d’airain et puis quoi encore ? Du vent, des fables. Hercule et Dionysos pas davantage ne sauraient résister à Vénus en personne.La voici, fille de l’écume, surgissant des eaux de la Méditerranée. Elle a quitté les cimes improbables de l’Olympe pour faire une entrée fracassante sur la scène de l’Histoire. Qui mieux qu’elle pouvait l’incarner ? Cléopâtre a soigné les détails, passé un déshabillé antique du plus bel effet. Ce n’est pas une cliente de Rome qui navigue ce jour-là au large de Tarse, ce n’est pas même une reine : c’est une déesse.
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Le sort en est jeté : alea jacta est. La formule est connue. Son envers un peu moins. Quel est donc ce géant surgi de nulle part si opportunément ? Un messager des dieux ? Allons donc, les dieux se taisent. Plutôt un figurant dans les coulisses de la fable. Les hommes de très haute taille ne manquent pas parmi les nombreux prisonniers gaulois que l’armée des Gaules traîne à sa suite. César, aventurier de la République, aura sans mal fabriqué un présage. Metteur en scène de sa propre importance, il ne recule pas devant des procédés de bateleur. Ainsi s’écrit l’histoire du monde.
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Les dieux se taisent.Quoi qu’en dise Virgile, ils n’ont pas de préférence, ne favorisent personne. Indifférents au sort des hommes, ils les laissent aujourd’hui comme hier s’entre-tuer au soleil. Ils se cachent dans les buissons de myrte, derrière les grandes toiles peintes de la mer et du ciel. Les cigales stridulent. Le maquis grésille. La chaleur fait danser l’horizon.
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Vidéo de Frédéric Martinez
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