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Critique de SZRAMOWO


J'ai exhumé (Ha ! Ha !) La maison des damnés des rayons les plus anciens de ma bibliothèque. Un roman âgé de 46 ans, paru en France l'année de la mort de Georges Pompidou et de l'élection de VGE, de quoi vous foutre définitivement la trouille.
A l'époque, ce livre m'impressionna. Heureusement ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il faut dire que j'ai pris moi aussi 46 années de plus. Une paille. Les pages du livre ont jaunies, mes cheveux blanchis.
Ce n'est pas le meilleur des Matheson, mais je l'ai relu avec plaisir. L'auteur est loin de la conclusion de L'homme qui rétrécit dans laquelle il fait dire au héros que quelle que soit sa taille, il trouvera toujours un univers à sa mesure et ne disparaitra jamais. Il est encore plus loin des méditations philosophiques de Je suis une légende.
Le thème de la Maison des damnés est hyper classique :
Rolf Rudolf Deutsch, « quatre-vingt-sept ans, chauve et squelettique », mais milliardaire. Sur le point de mourir, il confie une mission au Docteur Lionel Barrett, un éminent spécialiste de parapsychologie :
Ce dernier doit démontrer si la vie après la mort existe ou non. Pour cela, l'excentrique vieillard l'envoie « dans le seul endroit au monde où, à ma connaissance, on n'a pas démontré le contraire. La Maison Belasco, dans le Maine. »
Il touchera 100 000 dollars pour ce « travail », qui devra durer une semaine - entre le 18 et le 25 décembre 1970 - et sera accompagné de Florence Tanner, une spirite, et de Benjamin Fischer, un médium, le seul à être sorti indemne d'un séjour dans la Maison Belasco en 1940.
Le roman traite de l'huis-clos entre les personnages et la maison. Aux trois spécialistes s'ajoute Edith, la femme de Barrett.
Ma nouvelle lecture du roman m'a fait découvrir un aspect du livre que j'avais complètement oublié ou occulté. Emeric Belasco, le constructeur de la fameuse maison en 1926, la destinait à « ce qu'il appelait les « Journées de Profanation » : vingt-quatre heures de démence et d'orgies ininterrompues. Il s'efforça de réaliser minutieusement ce que Sade avait imaginé dans les cent vingt journées de Sodome. Il fit venir des monstres du monde entier pour les mêler à ses invités : bossus, nains, hermaphrodites, caricatures humaines de toute sorte. »
La maison est pleine des souvenirs de ces bacchanales et de leurs acteurs, qui diffusent toujours, leurs énergies nocives et, selon les thèses de Barrett, « n'importe quelle forme d'énergie peut être annihilée. »
Au-delà des apparitions monstrueuses de zombies, qui en fait sont limitées, l'influence des énergies de la maison va polluer les relations entre les Barrett, Florence Tanner et Benjamin Fischer.
L'aura des fantasmes que Belasco réalisa dans la maison va réduire à néant les fragiles barrières que les quatre « explorateurs » ont érigées pour se protéger de leurs propres pulsions. Edith et Lionel Barrett n'ont jamais fait l'amour. Florence Tanner, ancienne actrice de Hollywood s'est réfugiée dans la religion après la mort de son frère. Benjamin Fischer a renoncé à son don de médium et fuit la réalité depuis ce jour de 1940 où il fut le seul survivant de la maison Belasco.
La maison va les pousser dans leurs retranchements :
« Edith trébucha contre la table, grimpa lascivement dessus et enleva sa jupe avec rage.
- Qu'est-ce qui t'arrive, bébé rose ? Jamais baisé une femme ?
D'un geste brusque, elle tira son sweater et en fit sauter les boutons. Ecartant les bords du pull, elle défit son soutien-gorge par-devant et fit jaillir ses seins en les serrant convulsivement dans ses doigts, le visage éclaire par une furieuse dérision. »
« Edith s'agenouilla devant elle et sa langue lui pénétra le vagin comme un dard. Florence avait la langue pendante.
(…)
- Je veux baiser ! hurla-t-elle.
- Résiste, Florence !
- Je veux baiser ! Je veux baiser ! »
Le couple Barrett se délite :
« - Affaire classée dit Barrett.
- Non, répondit-elle en secouant la tête.
- S'il y a… des choses en suspens, nous en discuterons à la maison.
A la maison, pensa-t-elle. Elle n'avait jamais entendu de phrase qui impliquât une réalité aussi impossible. »
Plus que de roman « d'horreur », je qualifierai la Maison des damnés de roman psychologique qui traite des différentes façons d'échapper à sa propre réalité.
Du moins, est-ce l'impression qu'il m'a laissé lors de cette nouvelle lecture.
Pour conclure, je citerai l'incipit du roman, dans le plus pur style mathesonien :
« Depuis 5 heures, ce matin-là, il pleuvait à verse. Un temps à la Brontë, pensa le Dr Barrette en réprimant un sourire. Tout lui donnait l'impression d'être un personnage sorti d'un roman noir à la mode : la pluie battante, le froid, les deux heures de trajet depuis Manhattan dans l'une des longues limousines noires de Deutsch, aux sièges capitonnées de cuir. »

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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