Anna Politkovskaïa laisse en héritage à quiconque exerce le métier de journaliste sa manière d'aborder la profession. Elle consiste en une perpétuelle remise en question qui empêche le journaliste de se reposer sur ses lauriers, l'oblige à se donner des coups de fouet pour ne jamais s'arrêter et pour chercher des informations destinées à démasquer les tigres de papier qui sont au pouvoir.
(Andrea Riscassi)
p.119.
Le rédacteur en chef adjoint du journal est persuadé qu’ « on ne saura jamais qui a commis ces assassinats, parce que la première structure criminelle, c’est la police ». Il ne s’agit pas d’une question seulement politique, mais économique. Il s’agit de corruption.
Non, je ne me tairai pas ! Les gens meurent ; tous les jours ils sont torturés par les soldats de ce satané pays, et nous, on devrait omettre les détails les plus scabreux ?
On est tombés aussi bas ?
p.99.
Surtout, même si on réussit à identifier l’individu qui a appuyé sur la détente et celui qui lui a permis de s’échapper, je crains que nous ne sachions jamais qui a armé le bras du tueur et payé ses honoraires maculés de sang. Qui, ce dramatique 7 octobre 2006, tandis que les collègues et les amis d’Anna pleuraient son assassinat, a levé son verre de vodka à la mort de cette « emmerdeuse ». Du reste, nous savons bien qu’à 3h32 du matin des chacals se réjouissaient, alors que la terre engloutissait de nombreux habitants de l’Aquila et d’Onna³.
3. L’auteur fait référence au tremblement de terre de la province de l’Aquila (dans la région des Abruzzes, en Italie), survenu le 6 Avril 2009, à 3h32 du matin. Des écoutes téléphoniques ont révélé que, le jour même de la tragédie, deux entrepreneurs se réjouissaient de l’aubaine représentée par le séisme.
p.48.
Et l’irruption désastreuse des forces spéciales russes dans le théâtre n’a fait qu’aggraver la situation. Elles ont introduit un agent chimique inconnu dans le système de ventilation. Tout le monde a été empoisonné, les terroristes et les otages. Entre ceux qui ont été tués dans le théâtre et ceux qui sont morts à l’hôpital, plus de deux cents victimes. Sans compter les invalides permanents. Les terroristes qui n’ont pas été éliminés par le gaz ont été supprimés à coups d’armes à feu. Tous. Comme si on ne voulait pas de témoins. Pourquoi ?
p.37.
Docteur Rochal : J’ai même soigné des enfants tchétchènes.
Terroriste : Vraiment ? Pourquoi, docteur, précises-tu qu’ils étaient tchétchènes ? Tu veux dire que nous, les tchétchènes, nous sommes différents ? Que nous ne sommes pas des êtres humains ?
Anna Politkovskaïa : Tous les hommes sont pareils : ils ont la même peau, les mêmes os, le même sang ! Arrêtez et venons-en au fait.
p.33.
Je n’en peux plus, Dmitri. Je suis fatiguée… fatiguée de voir les gens mourir, fatiguée d’écrire ce qu’ils me racontent pour ensuite me faire traiter de folle.
p.16.
Non, je ne me tairai pas ! Les gens meurent ; tous les jours ils sont torturés par les soldats de ce satané pays, et nous, on devrait omettre les détails les plus scabreux ? On est tombés aussi bas ?
Anna n'a pas parlé de Berlusconi parce que je suis italien mais pour une raison bien précise. Quand je lai interviewée, elle venait de rentrer de Strasbourg où elle avait été invitée par les parlementaires européens pour parler de la question tchétchène. Au second semestre de 2003, I'Italie avait en charge la présidence de l'Union européenne et C'était donc au tour de Berlusconi d'assurer les fonctions de président. C'est à ce titre quil a déclaré : «La Tchétchénie est une invention des journalistes. » Et cest précisément à la suite de cette incroyable déclaration quun important groupe de parlementaires européens a demandé à Anna de s'exprimer afin quelle «raconte ses mensonges», pour reprendre ses propres mots. En d'autres termes, pour qu elle raconte en ce lieu prestigieux quelle était réellement la situation en Tchétchénie. La déclaration de Berlusconi était intolérable.
Ceux qui disent la vérité mènent une véritable guerre.