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Citations sur Chutes de pluie fine (14)

En chemin vers Ouro Preto, un homme marche tout seul en discutant avec la route. Le sol, tout autour, est couleur de brique. Les vaches ont la peau grise et la tête plate. Des ouvriers encordés, en combinaison orange, réparent la montagne qui tombe. Les termites creusent l’argile rouge à la recherche de diamants invisibles. Ils dressent des stèles fragiles aux dieux innombrables du sous-sol et de la fécondité. La terre est pleine de songes. Elle pousse en troncs, en palmes, et s’épanouit en fleurs vermillon. Ce pays enchevêtré est un buisson de bambous.
Le Brésil est friable, comme les pensées, les amours, les palabres, le sol raviné par les pluies et les précaires abris de briques des favelas. Sur ce territoire trop vaste, l’œil flotte, sans savoir comment s’y poser. Peu d’indices l’orientent. Partout on ouvre au bulldozer de gigantesques tranchées qui ne s’en vont nulle part. Quels sont les projets de ce peuple approximatif ? L’immensité des territoires, comme le métissage des visages, additionne des enclos impossibles à fédérer. La nature tropicale s’ouvre et se ferme à qui l’approche. Elle abonde, distribue, enveloppe et éconduit. Sa générosité engendre une tristesse infinie. L’homme serait-il plus que partout ailleurs de trop sur cette terre prodigue dont il semble qu’il lui suffise de ramasser les fruits tombés ? On n’affronte pas le Brésil, on le fuit ou l’on y consent, comme à la défaite de l’esprit face à la matière et à l’énergie primitive de la vie.

L’AMÉRIQUE N’EXISTE PAS, p. 103
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Sur tous les tons, les klaxons répètent : j'arrive, je suis là, laissez-moi passer. Mais ils se plaisent tellement à insister qu'on les croirait seulement désireux d'ajouter leur note pointue à la délirante cacophonie de la rue. Avertisseur et gouvernail, le klaxon infléchit les trajectoires et les sillages.
On ne s'arrête pas, on ralentit un peu, on serpente, on louvoie, on se frôle, on s'esquive...La souplesse évite les chocs. Rien de frontal ; tout va par courbes, glissades, oblicités. On anticipe, on est pas pris au dépourvu. On entre dans la danse, on prend le rythme au vol : 37, 38 km/h, on calque sa vitesse sur la température de l'air.
Parfois, on se regarde, on se sourit, on s'aime un peu, très vite, avec les yeux.

La rue a ses odeurs, ses humeurs, ses moiteurs, ses rides et ses blessures. Rivière ou rizière, tantôt elle circule, tantôt elle s'implante, établit son campement, avec ses étals, ses toiles, et son peuple accroupi de marchands. Rivière, elle coule comme le fleuve Rouge : elle est le bouillon de la vie.
37,38° : la température de l'air est pareille à la température du cœur.
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J'ai croisé dans le ciel des îles, traversé des déserts, des montagnes de suie, des banquises de vieilles lunes et de très vastes mers. J'ai perdu le nord et l'échelle, la perspective, le sens de l'en haut et de l'en bas. Et j'ai vu quelquefois ce que nul ne verra jamais : comment est fait mon cœur.
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Apprentissage de la lenteur
 
 
L’Indre coule à peine, comme l’eau des miroirs.
De grosses poules se baignent les pattes, et de minces araignées
patinent parmi les reflets.
Ce sont des phrases écrites naguère, ces papillons posés dans
l’herbe, ces coups de cisailles dans le bleu que font les chants
d’oiseaux, et ce rêve de cheveux à l’endroit délicat du cou, en
regardant partir à peine la rivière qui retient le temps entre ses
rives de feuilles.
Le voyageur apprend sa vie. Non pas revenu, mais rendu pour
quelques heures à ce qui est, plutôt qu’emporté vers ce qui
n’est pas encore, ou se retournant vers ce qui n’est déjà plus.
Le voyageur est immobile ; c’est le temps qui coule en lui,
comme sur l’Indre quelques feuilles et beaucoup de reflets.
Au même instant lié et détaché, semble-t-il, comme cette
eau calme entre ses rives, hésitant autour des graviers et
des petites îles d’herbe.
Des pluies tombées ailleurs coulent ici à l’horizontale.
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